Traduction : SOTT

Lors de mes recherches pour mon livre American Heart of Darkness [Le cœur ténébreux de l'Amérique, ouvrage non traduit en français - NdT], j'ai découvert les mythes persistants à propos de la croissance et du développement des États-Unis. Depuis la première colonie de Jamestown à nos jours, ces mythes dissimulent la réalité des valeurs et prérogatives qui en réalité motivent la direction nationale.
Indian Land Map
© Sanderson AssociatesEn blanc - Les territoires transférés des Indiens au gouvernement fédéral.
En gris - Les territoires conservés ou restitués aux Indiens.
Parmi ceux-ci, on trouve avant tout les présomptions prédominantes que la population indigène de ce qui constitue désormais l' « Amérique du Nord » était « primitive » et ne pouvait tout simplement pas « s'adapter à la modernisation ». En outre, ils ne purent résister aux maladies européennes et ce fut la principale raison de la réduction de leur population d'au moins dix-huit millions à seulement deux cent mille individus au début du vingtième siècle.

La vision du monde amérindienne était bien différente de celle des historiens anglophones (et de leur mode de pensée) qui écrivirent « notre » histoire. Ce que vécurent les amérindiens fut le massacre pur et simple de leur peuple et le vol des terres sur lesquelles, et desquelles, ils vivaient. Beaucoup, en particulier ceux des plaines, ne voyaient pas la terre comme une chose que l'on pouvait posséder. Elle était simplement là, comme le vent, pour l'usage de tous. Bien entendu, il y avait des conflits à propos de territoires de chasse ou autre, mais ce n'étaient que des jeux d'enfants comparé à ce que les Européens appelaient « guerre ».

Les historiens qui ont observé la question des terres du point de vue des Amérindiens n'ont guère vu de négociation honnête pour l'achat de celles-ci. Quand les colons marchandaient avec eux, la négociation n'était pas de bonne foi. Je crois que c'est en Pennsylvanie qu'un accord fut trouvé quant à une somme fixe pour des terres s'étendant à l'ouest « aussi loin que ce qu'un homme peut parcourir en un jour », soit environ quinze kilomètres sur terrain boisé. Ce n'était pas une assez bonne affaire pour les colons, aussi ils envoyèrent une équipe nettoyer le terrain et recrutèrent l'équivalent moderne d'un coureur de fond qui pouvait parcourir cent vingt kilomètres par jour, voire plus. Les Amérindiens ne pensaient pas de manière aussi fourbe.

J'ai vraiment étudié la question de la variole et j'ai découvert qu'elle n'avait pas pu être responsable de l'éradication d'environ dix-huit millions d'autochtones. Vers la fin du dix-huitième siècle, de nombreux Européens mourraient chaque année de la variole mais ce ne fut en aucun cas comparable à l'extermination littérale des Amérindiens. La variole fut assurément un facteur mais le massacre pur et simple, le déplacement de nations entières, la famine et d'autres maladies constituèrent des effets cumulatifs qui aboutirent à l'holocauste amérindien. Ajoutez à cela le fait qu'un peuple dont la civilisation entière est attaquée ne va pas avoir beaucoup d'enfants. Après tout, vivre parmi les corps massacrés de votre peuple est loin d'être romantique.

La plupart des autochtones moururent dans la période allant de la Guerre de Sécession jusqu'au début du vingtième siècle (cinquante ans environ). C'est-à-dire quand les semblables de William Tecumseh Sherman orchestrèrent le massacre d'environ trente millions de bisons dans le but d'affamer les Indiens des plaines. Ce fut délibéré. Je l'ai découvert dans ses mémoires et ses documents personnels. Ce fut le plus grand massacre de mammifères de l'histoire du monde et il a déclaré que c'était le seul moyen d'en finir avec les Indiens et leur « mode de vie inutile ». Cela correspond parfaitement au système de croyance de ses ancêtres calvinistes. Sherman et ses semblables n'achetèrent aucune terre ou quoi que ce soit. Ils les volèrent. Élément intéressant, il avait remarqué que l'intégralité de ses troupes de la Guerre de Sécession n'arrivaient pas à la cheville des Comanches et que la seule façon de les vaincre était de détruire leur source de subsistance. Il avait déjà pratiqué la « guerre totale » contre le Sud. Le chemin de fer de l'Union Pacific fut construit en grande partie dans le but de transporter de soi-disant chasseurs de bisons, un groupe répugnant d'animaux à forme humaine.

Un colon sur des crânes de bisons américains.
© InconnuUn colon sur des crânes de bisons américains, 1870.
Toute cette histoire est vraiment dégoûtante et ne me rend pas « fier de mon héritage ». Un de ces Écossais des plaines qui arriva ici dans l'une de ces vagues d'immigrants avait pour nom « Kirkconnell », et je ne sais pas avec certitude ce qu'il a fait ou non mais ce n'était probablement pas différent du schéma global.

Ayant fait des recherches généalogiques approfondies, je suis d'accord avec le commentaire à mon dernier article qui précise que les premiers colons étaient britanniques et que la plupart de ceux qui suivirent ne l'étaient pas. J'ai trouvé des vagues et des vagues de réfugiés germanophones constituées de Juifs et de Berbères qui descendaient de ceux qui avaient fui l'Espagne lors de l'Inquisition espagnole. Notons la possibilité que certaines de ces personnes vinrent aux États-Unis avant les années 1600. Il est peu connu que les soldats maures enrôlés étaient des Berbères, pas des Arabes, qui avaient quitté l'Espagne avec les Juifs. De même, il y eut des dizaines de milliers de gitans germanophones qui semblèrent avoir réussi à cacher leurs origines et à se fondre dans la masse.

Nombre de ces gens anglicisèrent leur nom et prétendirent avoir des origines britanniques. D'autres réfugiés d'autres régions firent la même chose. J'en ai trouvé dans ma famille qui avaient dissimulé leurs origines depuis tellement de générations qu'ils avaient oublié ce qu'ils cachaient mais possédaient toujours la tradition de le dissimuler. Certains membres de ma famille maternelle utilisaient des expressions gitanes mais n'en connaissaient pas les origines. C'est intéressant. J'ai un jour rencontré un autre chercheur qui pensait être amérindien mais découvrit qu'il était en réalité gitan. Il descendait de gitans qui avaient prétendu être amérindiens pensant qu'ils auraient à faire face à moins de discrimination.

Dans la plupart des régions d'Amérique du Nord, vous devez être enregistré comme Blanc pour être propriétaire et il y avait d'autres « avantages » à être d'origine anglo-saxonne et chrétienne. Eh bien devinez ce qui s'est produit ? De nombreux Juifs, Musulmans et Amérindiens devinrent des WASPs. Quelle ironie que tant d'ancêtres étasuniens aient été enterrés au point que les Étasuniens ne savent pas vraiment qui ils sont. Peut-être cela s'ajoute-t-il au concept d'« eux » dans la façon dont les Étasuniens considèrent les « autres peuples » comme totalement étrangers à eux-mêmes. Les Étasuniens ont oublié que « nous » est venu d'« eux ». Elizabeth Hirschman aborde le qui, que, quoi, où, quand, comment et pourquoi de tout cela dans son livre des plus éclairant Melungeons, The Last Lost Tribe in America [Les Melungeons, la dernière tribu perdue d'Amérique - NdT, ouvrage non traduit en français]. C'est une lecture fascinante tellement « hors des sentiers battus » que beaucoup d'Étasuniens la rejette d'emblée.

Ayant détruit une civilisation très avancée d'Amérindiens, un génocide qu'Hitler fut loin d'accomplir, les États-Unis sont allés encore plus loin à l'Ouest. J'ai trouvé des preuves qu'environ un million de Philippins « inutiles » connurent le même destin que les Amérindiens au début du vingtième siècle. Les méthodes utilisées furent identiques à celles employées pour les Amérindiens et la variole n'a rien à y voir. Leurs tendances génocidaires insatisfaites, environ trois millions d'Asiatiques du sud-est devinrent également les « nouveaux Indiens » dans la seconde moitié du vingtième siècle, et à nouveau, pas de variole en cause. Les parallèles sont trop nombreux pour être ignorés. La « pacification » est un terme qu'employa Andrew Jackson lors de sa campagne contre les Séminoles, de même que les forces armées étasuniennes au Vietnam. Ce que cela signifiait réellement était loin d'être joli. Et ce fut la Rand Corporation qui adopta la position que « au moins la moitié de toute la production alimentaire » au Sud-Vietnam devait être détruite pour y affaiblir l'insurrection. Cette « étude » résulta en l'empoisonnement général de notre allié et même de nos propres troupes tandis que l'action de Monsanto et de Dow Chemical grimpait. Je fus l'un de ceux qui reçurent l'un des produits chimiques les plus toxiques connus de l'homme : la dioxine. « Détruire la source de nourriture », ressemble trop à ce que Sherman fit aux bisons pour être une coïncidence. Mais comme avec les Français, les faibles l'emportèrent contre les forts en Asie du sud-est et ce furent les États-Unis qui durent baisser le drapeau. Les États-Unis s'arrêtèrent-ils là ? Non. Les États-Unis devaient « libérer » Grenade, le Panama, l'Irak, l'Afghanistan, la Libye et bien d'autres...

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© InconnuRendre grâce...
Oui, les Étasuniens sont réellement bons pour certaines choses mais je pense que le racisme dissimulé et le génocide, passé et présent, sont des plaies purulentes qui ne peuvent guérir et ne guériront pas tant qu'il n'y aura pas de compte-rendu intégral de ces crimes horribles. Nous sommes un peuple extraverti, bavard et interactif. Nous avons confiance en nous et nous sommes très novateurs. Les Étasuniens travaillent bien ensemble et partagent les informations. Nous aimons enseigner aux autres ce que nous savons. Nous sommes impulsifs et nous n'avons pas peur d'essayer de nouvelles choses. Les États-Unis n'ont jamais été aussi grands que lorsque les astronautes étasuniens sont allés sur la Lune.

Je reviens tout juste d'une salle de sport où un Ougandais m'a raconté qu'il était un jeune garçon quand l'alunissage avait eu lieu et que depuis ce jour, il avait décidé que les États-Unis étaient le pays où il allait vivre. Ce fut une longue histoire mais il est finalement parvenu à l'Université de Californie à San Diego et à rassembler l'argent pour obtenir son diplôme. Cette histoire ougandaise est l'histoire des États-Unis. C'est ainsi que les gens sont arrivés ici. Ils ont entendu qu'il y avait là une opportunité, aussi ils ont sauté dans un bateau ou autre et ils sont là. Pas étonnant que nous ayons les plus forts taux de Trouble du Déficit de l'Attention au monde ; nos ancêtres devaient en souffrir pour venir ici en premier lieu ! Peut-être est-ce pour cela que nous courons le monde dans tous les sens comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Toutefois, nous avons permis au pire de nous-mêmes de définir la trajectoire du char de l'État. Imaginez à quoi ressemblerait désormais le monde si nous avions utilisé les innombrables milliards de dollars dépensés dans la destruction pour la création ! Cela aurait pu être fait, mais au lieu de cela, nous avons mené une guerre contre les faibles, depuis le début jusqu'à aujourd'hui.

Je nous aime bien, mais je pense que la traînée de sang que nous avons laissée derrière nous a ravagé notre caractère national. En détruisant les âmes des autres, nous avons nui à la nôtre. Nous devons avouer ce que nous avons fait et ce que nous faisons pour pouvoir aller de l'avant et relever les défis droit devant. Nous devons arrêter ça. Nous nous détruisons nous-mêmes ainsi que le reste du monde.
A propos de l'auteur

Après vingt-sept ans passés dans l'armée des États-Unis, Robert Kirkconnell a ensuite enseigné au lycée pendant quinze ans. Aujourd'hui, c'est un militant, auteur de American Heart of Darkness: The Transformation of the American Republic into a Pathocracy.