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© Photo Sergei Supinsky. AFPPortrait de Staline portant un fusil-mitrailleur assorti du slogan "mort au fascisme" brandi durant un rassemblement du "Bloc russe" à Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, le 1er mai 2014
A Donetsk, dans l'est du pays, plusieurs centaines de militants pro-russes ont donné l'assaut contre le siège du parquet régional.

Le bras de fer se poursuivait jeudi autour de l'Ukraine, où l'insurrection pro-russe continue de s'étendre dans l'Est du pays et retient depuis près d'une semaine une équipe d'observateurs de l'OSCE. A Donetsk, plusieurs centaines de militants pro-russes ont donné l'assaut en début d'après-midi contre le siège du parquet régional en lançant des pierres sur des policiers qui protégeaient le bâtiment et dont au moins quatre ont été blessés, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Après plusieurs jours de négociations infructueuses, la chancelière allemande Angela Merkel a demandé au président russe Vladimir Poutine d'user de son «influence» pour obtenir la libération des onze hommes retenus depuis vendredi dernier par des séparatistes dans la ville orientale de Slaviansk. En ce 1er mai, jour férié, les traditionnels défilés de la Fête du Travail ont donné à chaque camp l'occasion de défendre ses couleurs et ses slogans.

A Kiev, les habitants ne se sont guère mobilisés en dépit de la gravité de la crise, la pire qu'ait jamais connue ce pays issu de l'Union soviétique depuis son accession à l'indépendance. Seules 2000 à 3000 personnes se sont réunies dans le calme, scandant des slogans en faveur de l'unité de l'Ukraine. «L'objectif de cette action est de montrer que nous sommes pour la paix, la tranquillité, la prospérité. Nous voulons une vie meilleure pour toute l'Ukraine. Nous voulons garder ensemble l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud de l'Ukraine», a déclaré à l'AFP Vira, une enseignante de 68 ans.

« Poutine est notre président »

A Moscou, par contraste, la mobilisation a été massive et patriotique: environ 100 000 personnes ont défilé jeudi sur la place Rouge, renouant avec une tradition datant de l'URSS. «Je suis fier de mon pays», «Poutine a raison», proclamaient des pancartes brandies dans la foule. Même phénomène à Simféropol, capitale de la péninsule ukrainienne de Crimée, rattachée en mars à la Russie, où quelque 60 000 personnes ont défilé en brandissant des drapeaux russes et des portraits du président Poutine. «Nous sommes la Russie»,«Poutine est notre président», pouvait-on lire sur leurs banderoles.

A Slaviansk, bastion rebelle pro-russe de l'est de l'Ukraine qui échappe depuis plus de deux semaines au contrôle des autorités centrales, les rebelles séparatistes retenaient toujours une équipe d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La chancelière allemande Angela Merkel a demandé au président Poutine de «faire usage de son influence» dans le dossier des observateurs retenus en «otages» (sept étrangers et quatre Ukrainiens), a indiqué une porte-parole du gouvernement allemand. Le Kremlin a confirmé la teneur de la conversation.

Les négociations pour leur libération semblent patiner depuis plusieurs jours. «Il n'y a rien de neuf», avait auparavant déclaré jeudi la porte-parole des rebelles de Slaviansk, Stella Khorocheva, affirmant toutefois que l'atmosphère des pourparlers étaient «amicale». Le chef séparatiste et maire auto-proclamé de Slaviansk, Viatcheslav Ponomarev, a déclaré jeudi à l'agence de presse Interfax négocier avec les autorités ukrainiennes à leur sujet. «Nous espérons les échanger contre nos camarades qui ont été capturés par Kiev», a-t-il dit. Les rebelles de Slaviansk négocient également le sort de trois officiers ukrainiens capturés eux aussi il y a plusieurs jours: «Ils se sentent bien, nous allons aussi essayer de les échanger», a-t-il dit.

Les rebelles pro-russes, hostiles au pouvoir qui s'est mis en place à Kiev après le renversement du président Viktor Ianoukovitch, ont continué ces derniers jours d'étendre leur emprise sur une série de villes de l'Est ukrainien. Ils contrôlent des sites stratégiques (mairie, siège de la police et des services de sécurité) dans plus d'une douzaine de villes.

Exercice militaire à Kiev

La bataille entre Kiev et Moscou se poursuit aussi sur les fronts militaire, économique ou diplomatique. A Kiev, les autorités ont procédé au coeur de la nuit de mercredi à jeudi à des exercices militaires. Des membres des unités spéciales de la garde présidentielle, circulant dans une dizaine de blindés, ont encerclé le bâtiment du Parlement, et des tireurs d'élite ont été parachutés sur le toit.

Soucieux de priver d'arguments les séparatistes, le gouvernement ukrainien a par ailleurs indiqué envisager de mener un référendum sur l'unité de la nation ukrainienne et sur la décentralisation en parallèle de l'élection présidentielle anticipée du 25 mai. La Russie a qualifié cette idée de «cynique» et répété que Kiev devait cesser de «mener des opérations militaires contre son propre peuple», en allusion à l'opération «antiterroriste» lancée par les autorités dans l'Est.

Kiev avait annoncé mercredi avoir mis ses forces armées en «état d'alerte total» pour le combat, face à la menace d'une intervention russe et pour tenter d'empêcher la propagation de l'insurrection à de nouvelles régions du Sud et de l'Est. Dans un geste qui devrait irriter encore davantage Moscou, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a annoncé que l'attaché militaire russe à Kiev avait été «arrêté» mercredi et «déclaré persona non grata». «Suite à des agissements incompatibles avec son statut», le diplomate russe «doit quitter l'Ukraine dans les plus brefs délais», selon le ministère.

Les Occidentaux ont pour leur part apporté un soutien financier à l'Ukraine en validant un prêt de 17 milliards de dollars du Fonds monétaire international. Le FMI va débloquer dans un premier temps un prêt de 3,2 milliards de dollars à Kiev, que la Russie presse de régler une facture de gaz de plusieurs milliards de dollars.