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Chaque semaine la Chine annonce un nouveau seuil de pollution spectaculaire dans les grandes villes. Si le problème n'est pas nouveau dans la seconde économie de la planète, il prend des proportions si inquiétantes qu'il pourrait tout simplement menacer l'ensemble du système politique autoritaire chinois.

Fondé sur un étroit contrôle de l'information et une propagande de tous les instants autour du miracle économique - le pouvoir autoritaire chinois n'a plus d'autre choix que de reconnaitre les méfaits sanitaires d'une pollution qui enfume toutes ses grandes villes. Et si les menaces environnementales devenaient le talon d'Achille d'une dictature que l'on croyait inébranlable ?

Actuellement, on sait que la pollution couterait 220 milliards d'euros annuels à la Chine. Ils seraient 300 millions à 500 millions de chinois à être morts prématurément en raison de la pollution. Mais au delà des chiffres - car ce coût humain et économique semble encore trop bas au regard des excédents générés par un dumping environnemental - certaines anecdotes semblent annoncer l'émergence d'une information, voire d'une contestation, qui échappe aux hiérarques du parti communiste chinois. Le signe d'une future révolte des damnées d'une terre trop polluée ? La fuite des hirondelles japonaises Ainsi apprend-on dans Les Echos que les expatriés japonais sont de plus en plus réticents à accepter un poste en chine. Panasonic a été obligé de concéder une prime anti-pollution aux candidats. Les effectifs de l'école japonaise de Pékin ont même perdu 10% de leurs effectifs, plus que l'école n'avait perdu d'élèves après Tiananmen en 1989.

Les artistes tournent en dérision l'inefficacité du gouvernement

Dans le même temps, la pollution semble si ancrée dans le quotidien des citadins chinois que l'artiste chinois Liang Kegang s'est permis une provocation directe : il a tout simplement mis aux enchères un bol d'air frais de Provence, qui a trouvé preneur à 610 euros lors d'une vente organisée dans le smog pollué de Pékin. « L'air devrait être un bien sans valeur, accessible à tous, que l'on soit vagabond ou mendiant », a déclaré l'artiste qui aurait probablement été censuré il y a quelques années. « C'est ma façon d'ouvrir le débat sur l'air infect en Chine et de montrer mon mécontentement » a-t-il ajouté.

Fin février, alors qu'un seuil de pollution vingt fois supérieures à celui autorisé par l'OMS avaient été franchies dans la capitale chinoise, 20 artistes vêtus de masques à gaz avaient simulé leur étouffement devant l'autel du Temple Soleil. Ambiance...

Le pouvoir reconnaît l'ampleur de la pollution

La semaine dernière, les médias chinois, non sans enrober le tout d'un optimisme de façade sur la nouvelle transparence du pouvoir de Pékin ont laissé fuiter une information pour le moins inquiétante : près d'un cinquième des terres cultivables sont actuellement polluées en métaux lourds. Ce qui représente deux à trois fois la superficie des sols français. On a également appris que 60% des nappes phréatiques étaient particulièrement polluées en Chine.

Conséquence de ces effroyables pollutions, après des années de dénégations, le gouvernement chinois a été obligé de reconnaitre officiellement l'existence de villages des cancers qui se multiplient en Chine. Une fois de plus, l'appareil politique s'est retrouvé contraint de reconnaitre une réalité cachée depuis des années.

Bien sûr, chacune de ces informations est accompagnée d'annonces de mesures volontaristes et rassurantes. Mais on sait que depuis quelques années, les campagnes chinoises sont de plus en plus souvent amenées à se révolter - voire à mener des émeutes - contre des industriels locaux. Récemment, le gouvernement a dû déplacer une usine pharmaceutique située à Pékin car jugée trop polluante. A Shifang dans la province du Sichuan (sud-ouest), les habitants avaient obtenu en 2012 l'annulation de l'implantation d'une usine pétrochimique. Force est de constater que la dégradation de l'environnement et ses conséquences sur la santé semblent s'imposer comme le premier motif de révolte en Chine.

Jusqu'à présent le pouvoir central se contentait de laisser les gouverneurs de Province - souvent liés aux industriels - se dépatouiller avec ces mécontentements populaires. Même Le Quotidien du Peuple - l'organe de propagande du parti communiste - reconnaîssait en juillet 2012, après une série de révoltes contre les industries polluantes que « la population est en train de prendre rapidement conscience des questions environnementales et de ses droits ». Sans que l'on sache si le journal était plus préoccupé par la pollution que par les révoltes qu'elle engendre...