Traduction : SOTT

Cover book Le Mythe végétarien
© Éditions Pilule Rouge
Cette semaine sur la radio SOTT, nous recevons l'auteure et activiste Lierre Keith, dont le livre Le Mythe végétarien - nourriture, justice, et pérennité, examine les principes de l'idéologie végétarienne depuis les perspectives alimentaires, environnementales et philosophiques.

Lierre Keith croyait en une alimentation à base de plantes et fut végétalienne pendant vingt ans. Mais elle affirme aujourd'hui que les gens ont été égarés - non pas par nos aspirations pour un monde juste et durable, mais par notre ignorance.

La vérité est que l'agriculture est un assaut implacable contre la planète, et, plus d'agriculture ne nous sauvera pas. En servant les graines annuelles, les humains ont dévasté les prairies et les forêts, contribuant à l'extinction de nombreuses espèces, modifié le climat, et détruit la couche arable - la base même de la vie. Lierre Keith affirme que si nous voulons sauver la planète, notre nourriture doit être un acte de réparation profonde et durable : il doit venir de l'intérieur des communautés de vie, et non pas s'imposer à travers elles.

En partie biographique, ABC nutritionnel et manifeste politique, Le Mythe végétarien mettra au défi tout ce que vous pensiez savoir sur les politiques alimentaires.


Ci-après la transcription :

Niall : Bonjour et bienvenue sur la Radio Interactive SOTT. Moi-même, Niall Bradley, je vais animer l'émission et avec moi ce soir, Joe Quinn...

Joe : Salut.

Niall : Juliana Barembuem...

Juliana : Bonjour.

Niall : Et Pierre Lescaudron.

Pierre : Bonjour.

Niall : Cette semaine, nous sommes ravis de parler avec Lierre Keith. Lierre est une auteure américaine, une militante, c'est en particulier l'auteure d'un livre dont on ne se lasse tout simplement pas. On parle d'elle depuis quelques années. Je pense que ça fait trois ans. Le livre s'appelle Le Mythe végétarien - nourriture, justice et pérennité. Il a suscité beaucoup de discussions sur le Web, même sur notre propre forum. Je pense qu'il y a un fil de discussion sur ce livre qui doit faire une centaine de pages ou plus, pour une bonne raison. Il y a tout un tas d'idées perspicaces. Il comporte beaucoup de bonnes recherches. Et nous sommes enchantés d'avoir Lierre avec nous aujourd'hui. Tu nous entends Lierre ?

Lierre : Oui, cinq sur cinq. Et merci de m'accueillir dans votre émission.

Niall : Bienvenue. C'est super de vous avoir ici.

Pierre : Donc, nous allons discuter du Mythe végétarien. La première question qui me vient peut-être à l'esprit se trouve au début de votre livre...

Joe : J'ai une...

Pierre : Vas-y.

Joe : ... une question plus primordiale. C'est quoi le mythe végétarien ? C'est le titre du livre. On dirait qu'il y a un mythe autour du végétarisme. Est-ce quelque chose qui peut être résumé en quelques mots ou quelques paragraphes peut-être ?

Lierre : Oui. Oui on peut le faire. Donc je dirais qu'il y a trois parties dans le mythe végétarien et je voudrais commencer en disant que j'en parle en tant que personne qui a été végétalienne pendant presque vingt ans. Donc j'ai été immergée dans ce monde aussi profondément qu'on puisse l'être. Et il y a trois principales raisons pour lesquelles les gens se mettent à adopter un régime végétarien ou végétalien. La première est qu'ils pensent que c'est mieux pour la planète. La seconde est qu'ils pensent que c'est mieux pour la justice humaine, qu'ainsi plus de gens seront nourris si nous mangeons de cette façon. La troisième raison est qu'ils pensent que c'est mieux pour leur santé. Et donc, tout ceci rassemblé forme, je pense, ce qu'on appelle le mythe végétarien.

Maintenant, je veux être claire sur le fait que je n'ai pas appelé ça le mensonge végétarien. Il y a des éléments de vérité dans tout cela, mais mis ensemble, rien ne tient en fait. Et il m'a fallu vingt ans pour le découvrir. Donc j'ai voulu essayer de toucher les gens qui se préoccupent le plus de ces sujets, de la Terre, de la justice et de leur santé, et tenter de leur expliquer pourquoi ils avaient besoin d'une perspective plus large. Ou du moins tenter de davantage tenir compte des informations car je pense que beaucoup d'entre nous pensons avoir les réponses. Et on s'accroche à ces idéologies, parfois trop fortement. Et c'est vraiment difficile quand on se heurte à des contre-informations de regarder ensuite ces informations.

Donc, mon but était d'essayer d'atteindre les autres qui étaient toujours dans ce monde et de leur expliquer ce que j'avais découvert. Parce qu'il s'est avéré que beaucoup de ce que je croyais était simplement faux. Et ce n'étaient pas les valeurs sous-jacentes qui étaient fausses, mais les informations que je possédais étaient incomplètes. Et avec de meilleures informations, j'ai fini par faire des choix très différents.

Pierre : Et apparemment, lors de ce processus de réalisation, vous avez vécu une expérience cruciale quand vous avez décidé « Oui, je suis végétalienne, donc je vais cultiver ma propre nourriture. Et bien sûr, pour cultiver ma propre nourriture, étant végétalienne, je ne choisirai pas de produits d'origine animale ». Et ensuite vous avez commencé à réaliser que cela n'était pas si facile de manger sans dépendre de produits animaux et sans participer à la destruction de la planète. Est-ce ainsi que l'expérience s'est produite ?

Lierre : Oui, et c'est arrivé sur plusieurs années évidemment. On n'a pas ces réalisations en une nuit. Mais j'avais entendu que l'une des meilleures choses que vous pouviez faire était d'essayer de cultiver votre propre nourriture et c'était quelque chose qui me passionnait beaucoup. Je voulais m'engager dans tout le cycle du début à la fin. Mais le problème était que je ne comprenais pas ce qu'était vraiment le sol. Et c'est une chose vivante. En fait, ce sont des milliards de choses vivantes. Et beaucoup de ces petites choses sont des animaux. Et ce sont ces créatures qui gardent le monde en vie, très littéralement. Il y a celles qui font le travail de base de la vie. Donc elles rendent les nutriments disponibles pour nous autres qui ne pouvons simplement pas le faire. On ne peut pas voir la plupart d'entre elles, hein ? Elles sont plus petites que ce que nos yeux peuvent percevoir, mais avec un microscope, tout ce monde s'est assurément ouvert aux scientifiques et ensuite aux gens ordinaires. Nous pouvons maintenant tous voir ce qu'elles font. Et sans elles il n'y aurait pas de vie. Il est de leur ressort de continuer à faire tourner le monde. Nous sommes juste comme le glaçage d'un gâteau sur le dessus. Rien de ce que nous faisons n'est vraiment aussi important.

Pour en revenir au sol, c'est la base de la vie terrestre, cette chose vivante appelée sol. Et ça a faim et ce que ça veut manger, ce sont des plantes mortes et des animaux morts. Et je ne comprenais pas ça. Je pense que beaucoup d'entre nous considérons le sol comme de la simple saleté insensible, juste une sorte de matière. Ça se trouve simplement là, et ça ne l'est pas. Ça grouille de vie. Donc si vous ne le nourrissez pas, il meurt. Il doit recevoir ce dont il a besoin. C'est ça le sol. Ce sont les cadavres d'animaux et de plantes travaillés par des créatures encore plus petites pour recycler ces nutriments et les rendre à nouveau disponibles dans le cycle global de la vie.

Je me suis alors heurtée à cela quand j'ai essayé de jardiner en tant que végétalienne. La terre voulait vraiment de la farine d'os et de la farine de sang. Elle voulait des parties d'animaux morts. Et c'était vraiment horrifiant pour moi comme cela doit l'être pour un tas de végétariens confrontés à cela. Et certains d'entre eux refusent de le faire et chaque année leur jardin décline de plus en plus. Leurs légumes sont tout petits et chaque année ils sont de plus en plus carencés à essayer de manger cette nourriture qui ne contient pas de minéraux. Ils minent littéralement le sol. Ils extraient les minéraux et ne les remplacent pas.

Donc, c'était un réel problème pour moi et j'ai essayé diverses façons de tourner autour du pot, de contourner le problème dans ma tête. Mais pour finir, j'ai dû simplement l'admettre. Le sol veut du fumier. Et il veut des animaux morts dedans. Et ça a été très difficile.

Et ensuite, l'autre problème était que vous devez tuer pour jardiner. Et je ne voulais pas tuer. Je pensais que je voulais vraiment que ma vie soit possible sans mort. Et ce n'était pas possible. Donc je me racontais une histoire. Et c'était une histoire très jolie mais c'est un conte de fée. Donc, pour que je puisse manger, cela impliquait que toutes ces autres créatures ne puissent pas manger cette nourriture. Donc, nous étions engagées dans une bataille pour cette nourriture. Et ça a particulièrement atteint un stade critique avec les limaces parce que, tous ceux qui jardinent là où il y a de l'eau savent que les limaces dévoreront votre jardin en une nuit. Il ne reste plus rien le lendemain matin. Donc je continuais à replanter et ensuite elles continuaient à remanger. Et on a suivi ce cycle cinq ou six fois et après deux semaines, j'étais très fatiguée de replanter les mêmes têtes de laitues. Et je devais les tuer. C'était moi ou les limaces. Et c'était vraiment horrible parce que je ne pouvais pas me résigner à la faire.

La fin de cette petite histoire, c'est que j'ai fini par me procurer des poules et des canards parce que je me suis dit qu'ils le feraient pour moi. C'est ce qu'ils ont fait et c'était vraiment super. Ensuite j'ai utilisé du fumier. Là, j'avais bouclé la boucle. Je n'avais pas besoin d'acheter d'engrais dérivé de combustible fossile. Je n'avais pas besoin d'acheter de trucs à la coopérative agricole. Ils avaient du fumier mais ça signifiait que ma nourriture dépendait toujours de ces animaux pour tuer d'autres animaux. Il n'y avait pas d'issue, hein ? Je devais affronter le fait que j'avais besoin des animaux et que certains d'entre eux allaient devoir mourir. Et ça a été vraiment éprouvant pour moi de devoir traverser cela. Mais je ne savais pas.

Et c'est ça le truc. Ce n'est pas pour me blâmer. Ce n'est pas pour blâmer qui que ce soit. On ne sait pas. On ne vit pas dans un monde où on nous offre la vérité dès le plus jeune âge. C'est le coût de la vie. Quelque chose d'autre doit mourir. Et vous devez respecter toutes les vies qui vont entrer en vous et le faire bien. Et participer, rendre grâce et être humble à ce sujet car votre tour viendra aussi. Et vous alimenterez le cycle à un moment donné. Et si notre culture reconnaissait cela, eh bien nous ne détruirions pas la planète comme nous le faisons.

C'est ce que je tente de faire passer aux gens. Vous ne pouvez pas vous en extirpez aussi loin idéologiquement avant que la réalité ne vienne vous mettre une gifle.

Joe : Bon, il y a là une leçon pour les végétariens. Quand vous dites que vous avez pris des poules et des canards et leur avez permis de manger les limaces et autres insectes dans votre jardin, ça fait partie du cycle, n'est-ce pas ? Donc, pourquoi les humains ne feraient pas partie de ce cycle où pratiquement tout semble se nourrir de tout le reste pour survivre à partir d'autres formes de vie ?

Juliana : Et vous avez dit quelque chose de vraiment important dans votre livre à ce propos quand vous dites : « Bon, en gros les gens ont le choix, les morts de la vie qu'on détruit » - ce que font la plupart des gens - « ou la mort qui fait partie de la vie ». Et oui, cela implique d'accepter que l'on dépend de tout le système et que l'on doit le respecter à chaque niveau, exact ?

Lierre : Oui. Et pour moi, quand j'avais cet état d'esprit végétalien, je pensais que c'était de la domination. C'était tout ce que je voyais quand je regardais. Et je ne voulais pas faire partie d'une hiérarchie dominante. Donc, j'ai tenté de m'en extraire et de dire : « Bon, je ne suis pas un des dominateurs. Je vais être quelqu'un qui respecte la vie en ne prenant pas la vie ». Mais il s'est avéré que ça n'était pas possible. Chacun de mes souffles dépendait de la mort de certaines créatures quelque part. Chaque fois que vous serrez les dents, vous tuez des milliards de bactéries.

Joe : Oui.

Lierre : Et ce sont des bactéries qui vous aiment. Ce sont des bactéries qui tentent de vous aider. Elles vivent dans votre corps. Elles vous aident à digérer votre nourriture. Vous ne pouvez rien y faire. Cela fait seulement partie de l'ensemble. Nous devons tuer certaines choses pour vivre. Mais ça a été une terrible réalisation pour moi. Il m'a fallu des années pour m'y faire intellectuellement et l'accepter émotionnellement. C'est vraiment dur. Et je pense que c'est l'un des problèmes avec l'idéologie qui accompagne souvent le fait d'être végétarien ou végétalien. Vous commencez à créer votre identité autour de cela et cela devient vraiment dur à remettre en question quand ça commence à s'écrouler.

Donc, je pense que beaucoup de gens passent par ce genre d'effondrement de leur vision du monde quand, pour une raison ou une autre, d'autres informations commencent à les envahir. Cela se met à fissurer votre système. Et c'est un processus terrible pour beaucoup d'entre nous. C'est très douloureux.

Joe : Je pense que c'est en fait une des choses les plus remarquables dans votre livre et à votre sujet. Vous êtes partie du point où vous aviez une résistance ou une aversion au fait de tuer quelque chose pour en arriver au point non seulement de dépasser cela et d'accepter que vous deviez tuer d'autres choses pour vivre, comme le font la plupart des autres espèces sur la planète, mais aussi ensuite d'écrire un livre à ce sujet. Pour moi, c'est assez unique car je ne vois pas beaucoup d'autres personnes faire cette transition et peu de monde écrit en fait là-dessus. Donc, félicitations !

Lierre : Eh bien, je voulais vraiment toucher les gens qui se sentent comme moi. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont incroyablement passionnés face à ce qui arrive à notre planète. Ils en ressentent l'urgence et ils pensent faire la bonne chose en mangeant végétarien ou végétalien. Et je voulais vraiment leur expliquer que la blessure originelle faite à cette planète, l'activité la plus destructrice que nous ayons faite, c'est l'agriculture. Donc, suggérer que ces aliments sont un moyen de sauver la planète est une fausse route totale. Mais je ne savais pas ça quand j'étais végétalienne. En fait, je ne me laissais pas la latitude de le savoir. Il faut vraiment que ce soit quelqu'un qui ait appartenu à ce monde pour pourvoir s'adresser à ceux qui en font toujours partie, je pense.

Joe : Y a-t-il eu quelque chose dans votre éducation qui ait instillé cette idée en vous ? Parce que je ne dirais pas que c'est courant. Ça peut être assez courant mais je ne pense pas que la majorité des gens relativement jeunes pensent ainsi sur le fait de manger de la viande par exemple.

Lierre : Eh bien, je suis née en 1964, donc toute mon enfance s'est déroulée au milieu de tout ce soulèvement et ce changement culturel, le mouvement des droits civiques et le mouvement pacifiste. Et tout se passait autour de moi. Ça m'a fait une énorme impression quand j'étais gosse. Je n'avais que quatre ans quand Martin Luther King a été tué mais je me souviens de ce jour-là. Et je me souviens de l'université de l'état de Kent quand les manifestants ont été abattus. C'étaient des mouvements énormes à un âge très impressionnable. Et mes parents étaient relativement engagés dans tout ça. Je veux dire, ce n'étaient pas des super radicaux mais ils s'en préoccupaient beaucoup. Et ils m'ont appris à me soucier du monde. Ils m'ont appris que je devais vraiment être engagée. Donc j'ai assumé et exploré différentes directions radicales. Mais j'ai reçu de très bonnes bases de mes parents. Et c'est quelque chose dont je leur suis reconnaissante à jamais. Et ils éteignaient aussi la télévision et nous lisaient des livres, je ne sais pas si quelqu'un fait encore ça.

Joe : Non.

Lierre : C'était avant les ordinateurs, évidemment mais c'était : « Non, c'est beaucoup plus important de jouer dehors. C'est beaucoup plus important de se parler. Et c'est vraiment important de lire et de prendre soin des livres ». Donc tout ça faisait partie de mon enfance. Et c'est une grande base que vous pouvez emmener partout.

Pierre : Vous avez mentionné l'agriculture et sa nature destructrice. Et je pense qu'en déconstruisant le mythe végétarien, vous avez fait une découverte encore plus importante, à savoir la véritable nature de l'agriculture. Car végétariens ou non, la plupart des consommateurs participent à un système qui détruit clairement notre planète. Donc pouvez-vous davantage expliquer comment l'agriculture moderne détruit la planète ?

Lierre : Oui. Donc, vous devez comprendre ce qu'est l'agriculture. En termes très brutaux, vous prenez un morceau de terrain et vous y éliminez tout ce qui est vivant. Et je veux dire jusqu'aux bactéries. Tout doit disparaître. Puis, sur ce terrain nu, vous plantez des aliments pour les humains, et les humains seulement. Donc, nous avons quelques problèmes ici : le premier est qu'il s'agit d'un nettoyage biotique. On parle de nettoyage ethnique quand on tue des gens et qu'on prend leurs terres. Eh bien c'est du nettoyage biotique car on tue des communautés biotiques entières. On les dégage. On les fait partir. Et c'est la façon longue de dire extinction massive. Nous perdons à l'heure actuelle deux-cents espèces par jour. Tous les jours, deux-cents espèces disparaissent pour toujours. Et ce sont nos parents. Ce sont nos frères et nos sœurs. Nous avons besoin d'eux et nous devons pleurer leur perte pour faire quelque chose pour arrêter ce saignement. Mais c'est ça l'agriculture. Donc, un problème est que vous extirpez toutes ces autres créatures et elles n'ont nulle part où aller. Si vous enlevez leur maison, où peuvent-elles aller ? Donc, voilà. C'est fini.

C'est le premier problème. Le second est que ça laisse la population humaine se développer jusqu'à ces nombres réellement considérables car au lieu de partager ce terrain avec des millions d'autres créatures, il n'y a que les humains qui poussent sur ce morceau de terrain. Donc, pour mettre un nombre là-dessus, pour un chasseur-cueilleur sous le genre de climat dans lequel je vis, la forêt tempérée de base, environ deux-cent soixante hectares suppléent à ses besoins élémentaires. Pour un agriculteur sous le même climat, il ne faut qu'un demi-hectare, d'accord ? C'est parce qu'il ne partage pas cette terre. C'est parce qu'il n'y pousse qu'un humain. Donc, vous pouvez faire pousser beaucoup plus d'humains. Mais personne d'autres ne peut y vivre. C'est ça le problème.

Et là où je vis en Californie du nord, il y a cent ans, vous pouviez vous asseoir près de n'importe quel ruisseau ou rivière et toutes les quinze minutes voir un grizzli. Maintenant les grizzlis sont des superprédateurs, ce qui signifie qu'ils sont au sommet de cette pyramide trophique. Il faut beaucoup de nourriture et beaucoup de terres pour nourrir un animal aussi gros qu'un grizzli. Mais toutes les quinze minutes, vous voyiez un grizzli. Il y avait autant d'abondance que ça. Autant de vie. Il n'y a plus de grizzli en Californie. Ils ont tous disparu. Et vous pourriez prendre l'espèce de votre choix et raconter la même histoire incroyablement triste. C'est ce qu'a fait l'agriculture. Ils n'ont nulle part où aller. Ils ne peuvent pas coexister avec l'agriculture.

Il y a donc ce problème, le problème de surpopulation. Et donc actuellement, quatre-vingts pour cent des calories alimentaires qui soutiennent notre population actuelle proviennent de l'agriculture. Cela signifie que la race humaine - nous tous, si l'on met de côté les quarante-six tribus restantes de chasseurs-cueilleurs qui font encore quelque chose de durable - s'est rendue dépendante de cette activité qui tue littéralement la planète. C'est une pensée effrayante.

Et le problème final est qu'au cours de tout ce processus, cette chose qu'on appelle agriculture, l'élément essentiel en est que vous détruisez aussi le sol lui-même car vous devez l'exposer année après année pour planter des graines. Et à chaque fois que vous exposez le sol, vous le détruisez. Vous le tuez. Il est vivant comme vous et moi et quand il est exposé à l'air, au vent, au Soleil, à la pluie, tous ces trucs, il s'assèche et s'envole. Donc on a ces énormes tempêtes de poussière maintenant et c'est à cause de cela. Lorsque vous dégagez le couvert, que ce soit les herbes ou les arbres, et que vous l'exposez, il se transforme en poussière et en sable. Et c'est pourquoi, partout autour du globe, à tous les endroits où l'agriculture a d'abord démarré, c'est tellement dégradé qu'on peut à peine croire qu'avant il y avait là une forêt. L'Irak, l'Iran, tout le Moyen-Orient, tout autour de la Méditerranée.

Maintenant, si vous imaginez, disons l'Italie ou autre, vous avez un peu cette image d'un genre de rocher broussailleux sous le Soleil avec des chèvres qui y broutent. C'était une forêt. En fait, c'était une forêt tellement dense que le Soleil n'atteignait jamais le sol. Et tout a été détruit pour construire nombre de flottes, que ce soit les Phéniciens, les Égyptiens, les Grecs, et pour finir les Romains. Toute cette région a été déboisée pour une entreprise militaire après l'autre. Mais c'est le résultat final inévitable de l'agriculture. Ces sociétés ont toujours fini militarisées, elles ont toujours fini par se baser sur l'esclavage et ce n'est qu'une progression logique quand votre société est fondée sur une activité d'extraction, ce qu'est l'agriculture.

Donc vous extirpez toutes ces espèces. Vous avez cette population galopante d'humains qui dépendent de la destruction continue de la planète et vous détruisez la couche arable qui est la base de la vie. Donc, ce sont les trois très gros problèmes de l'agriculture. Et aucun d'eux ne peut être résolu. Ce n'est pas l'agriculture sous un mauvais jour. C'est ce qu'est cette activité. C'est ce qu'elle signifie.

Beaucoup de gens essaieront de faire une distinction avec l'agriculture industrielle par exemple, mais ce n'est pas le vrai problème. L'agriculture sous stéroïdes, oui, ils ont ajouté du combustible fossile, ils l'ont rendue pire mais le problème en lui-même c'est l'agriculture. Elle supplante toutes les communautés vivantes, les détruit juste pour l'usage des humains jusqu'à ce tout s'effondre.

Joe : Donc, c'est largement une perspective idéologique, mais ce n'est pas durable - juste pour jouer l'avocat du diable un moment - ce n'est pas durable, par exemple, avec des combustibles fossiles qui produisent les engrais même si c'est faux en un sens, ce n'est pas vraiment de l'engrais, mais disons que l'on continue à avoir de l'engrais essentiellement à base de pétrole, n'est-il pas possible de continuer et d'être durable en ce qui concerne la culture des récoltes de cette façon ?

Lierre : OK, d'accord. Eh bien alors deux problèmes. Le premier est que le combustible fossile finira par s'épuiser. Maintenant on peut vivre au pays enchanté et dire que d'une façon ou d'une autre, on en trouvera plus et oui les scientifiques sont très bons pour continuer à trouver des moyens d'extraire le truc du sol. Il y a maintenant des forages dans des endroits comme la Pennsylvanie qui prennent feu à cause de la fracturation. Si vous voulez continuer à ouvrir le robinet et avoir quelque chose qui prend feu, on peut continuer à essayer d'extraire le pétrole et le gaz. Des marées noires et tout le reste. C'est une activité incroyablement destructrice.

Mais on peut mettre ça de côté, prétendre qu'il en coulera toujours et que ça ne cessera jamais. On en trouvera toujours plus. Très bien, parfait. Disons que c'est vrai. C'est insensé mais disons que c'est vrai. Il y a de réels problèmes à l'usage de combustibles fossiles comme engrais. L'un est qu'ils ne comportent principalement que de l'azote. C'est seulement un élément. Il n'y a qu'un nutriment dont les plantes ont besoin. C'est clairement un élément important mais vous avez aussi besoin de potassium, de calcium, il y a toute une panoplie de minéraux différents qui sont tous des facteurs limitants. Donc quand ces minéraux s'épuisent, la croissance des plantes s'arrête tout simplement. Et donc c'est un réel problème, pas seulement pour les jardiniers mais aussi les grands cultivateurs car ils ont toujours besoin de trouver davantage de sources de ces éléments. Et ils s'épuisent tout autour du globe. On ne peut en extraire qu'une quantité finie pour que ces minéraux retournent dans le sol.

Et donc, vous devez comprendre les différences entre plantes annuelles et vivaces. Donc, l'agriculture est basée sur les annuelles et le truc chez les annuelles c'est qu'elles ne font que pousser - on les appelle annuelles parce qu'elles ne vivent qu'un an. Bon, elles ne vivent même pas un an, en réalité c'est seulement deux ou trois saisons. Et dans ce laps de temps, elles ont un but. Et ce but est de faire une très grosse graine. C'est tout l'avenir de leur espèce qui dépend de cette graine. Donc toutes leurs ressources, toutes leurs ressources biologiques tendent à rendre cette graine aussi grande, robuste, résistante et pourvue de tout que possible. Tout ce dont elle aura besoin ; les plantes annuelles tentent de tout donner à cette graine car elles dépendent du bon démarrage dans la vie de cette graine.

Les annuelles n'ont pas tendance à être très grandes ni profondément enracinées. Elles n'en ont pas le temps. Leur temps leur est compté dès leur naissance. C'est du style « je dois arriver à faire cette graine » et puis elles meurent. Donc, parce qu'elles n'ont pas un système de racines profond, elles ne peuvent pas faire ce que font les vivaces. Donc, si vous comparez les racines d'une plante vivace à celles d'une plante annuelle, les annuelles ne descendent que de quelques centimètres. Les vivaces s'enfoncent encore et encore et que ce soit des plantes ou des arbres, leurs racines sont incroyablement fortes et profondes, elles se développent en fait dans la roche dont est constituée notre planète. Et voilà l'essentiel. Elles mangent cette roche. Elles la brisent. Elles extraient les minéraux de cette roche et les rendent ensuite disponibles au reste de la vie sur Terre. Et c'est pourquoi il y a des minéraux dans le sol. Et c'est pour ça que nous sommes vivants, parce que ces vivaces, que ce soit des plantes ou des arbres, peuvent manger les roches, OK ? Et elles peuvent rendre ces minéraux biologiquement disponibles. Si tout ce que vous ajoutez au sol c'est de l'azote, vous manquerez de tous les autres minéraux.

Donc, finalement le sol va mourir. Les plantes ne seront pas capables de survivre. Elles vont devenir rabougries. L'ensemble finira pas s'effondrer si tout ce que vous appliquez c'est de l'azote, car la vie a besoin de bien plus que de l'azote. Vous pouvez laisser l'ensemble traîner pendant quelques générations, et c'est déjà le cas, mais au bout du compte, il finira par mourir.

Et ensuite, vous avez toujours ce problème fondamental qu'à chaque fois que vous exposez le sol - ce que vous devez faire pour planter des cultures annuelles - vous le tuez. Donc il s'effrite, il se transforme en poussière. À l'heure actuelle, les tempêtes de poussière en Chine sont si intenses que les nuages de poussière traverse tout l'océan Pacifique et viennent frapper les Rocheuses aux États-Unis, donc ils redescendent. Toute cette poussière tombe dans des endroits comme Denver, au Colorado, qui est en haut des Rocheuses, et crée littéralement de l'asthme chez les enfants de Denver. Et cela vient des tempêtes de poussière en Chine. Et c'est le résultat final inévitable de l'agriculture. Vous pouvez regarder des photos du premier jour du Dust Bowl dans le Dakota du sud, ce n'est que cet énorme nuage de poussière. Il faisait si sombre que les gens tombaient à l'extérieur. Ils ne voyaient pas où ils allaient. Et c'est toute la couche arable qui a été emportée. Et c'est ce qui arrive quand on enlève les herbes. Il n'y a littéralement plus rien pour retenir le sol en place. Et dès qu'il y a du vent, c'est fini.

Il y a eu des fermes dans le Dakota du sud qui ont perdu tout leur sol. Pensez-y, tout leur sol en un jour, le premier jour du Dust Bowl. Et le sol a traversé tout le continent, jusqu'à Washington DC et ensuite jusque dans l'océan Atlantique. Il y a eu des bateaux dans l'Atlantique qui ne pouvaient plus naviguer à cause de l'intensité des tempêtes de poussière. Et c'était tout le sol des prairies qui était rejeté dans la mer. Et c'est ce que fait l'agriculture. Vous pouvez appliquer autant de combustible fossile que vous voulez, ça ne change pas la nature fondamentale de cette activité.

Niall : Et en fin de compte, ça nous retombe dessus. Je crois que c'était dans le livre The Magnesium Miracle - je ne me souviens pas du nom de l'auteur [Dr Carolyn Dean - NdE] - où elle cite l'étude de 1913 qui a analysé la teneur en minéraux du sol aux États-Unis. Et ils ont trouvé ensuite que le magnésium en était loin, ce qui a eu pour résultat que les enfants aux États-Unis ne recevaient pas assez de magnésium dans leur alimentation, que ce soit la viande ou les végétaux, parce que la couche arable était alors gravement appauvrie.

Joe : Donc en gros, l'agriculture de masse produit des êtres humains malnutris et affaiblis qui s'en nourrissent et ça devient de pire en pire, c'est cumulatif en un sens, tandis que la couche arable continue à se dégrader et se dégrader, la qualité des cultures - disons si les gens mangent principalement des céréales - diminue de plus en plus. Et cela arrive maintenant à une époque - je ne sais pas si vous avez remarqué, Lierre, mais il se passe tout un tas de trucs dingues sur la planète en terme de changement climatique ou de bouleversements terrestres, vous savez, qui n'arrangent pas du tout la situation.

Lierre : Non, je suis totalement d'accord.

Joe : Avec les sécheresses et...

Lierre : Beaucoup de gens disent que c'est simplement dû à cette agriculture. Un autre élément dans le fait d'avoir des plantes profondément enracinées est que c'est ce qui permet à la nappe phréatique de se recharger car les racines sont vraiment profondes. Et à chaque fois qu'il pleut, cela fait un petit canal, chaque racine dans un minuscule canal qui pompe l'eau. Et donc c'est comme ça que l'eau descend littéralement jusque dans la nappe phréatique. Et alors ça recharge cette nappe et ensuite lors des périodes plus sèches, bien sûr, les vivaces profondément enracinées peuvent à nouveau puiser cette eau au besoin et la rendre disponible, sous quelque forme que ce soit, pour le reste de la communauté. Donc, sans ces plantes vivaces, l'eau n'est jamais stockée. Elle s'écoule simplement au-dessus du sol. Et alors évidemment...

Joe : Et alors vous avez des inondations.

Lierre : Oui, vous avez des inondations, de terribles inondations, et pas seulement des flots d'eau mais aussi de toute cette poussière, toute cette vase qui détruit entièrement les rivières et la vie de ces rivières. Et puis tout s'accumule à l'embouchure des rivières. Et vous pouvez observer cela à travers l'histoire, archéologiquement. Il y avait des ports à Rome le long de la côte méditerranéenne qui étaient de grands ports romains, et ils ont dû être déplacés deux ou trois fois parce que tellement de sol avait ruisselé des montagnes que les ports étaient complètement obstrués et les navires ne pouvaient plus y entrer, les bateaux ne pouvaient même pas se mettre à quai. Donc ils ont continué à devoir déplacer les ports en fonction du lieu où la couche arable s'accumulait.

Donc, en tout cas, oui, tout ça pour dire que je suis entièrement d'accord. Et donc on parle de minage du sol car à chaque fois qu'on plante n'importe quelles annuelles, évidemment, elles pompent les minéraux mais n'ont aucun moyen de les remplacer car les plantes annuelles ne peuvent tout simplement pas faire ça.

Pierre : Et si je comprends correctement, il y a un paradoxe parce qu'en quelque sorte les chasseurs-cueilleurs mangeaient principalement des animaux et préservaient - ou ne détruisaient pas - le biotope, donc la nature pouvait s'épanouir tout autour. En même temps, les végétariens modernes qui dépendent fortement de l'agriculture et des produits issus de cultures intensives, contribuent directement ou indirectement à la destruction de ces biotopes naturels et à la destruction de la faune et de la flore. Donc, les chasseurs-cueilleurs qui consommaient de la viande ne menaçaient pas la perpétuation de la vie sauvage, ou de la vie des animaux, tandis que le végétarien qui ne mange plus de viande contribue à la destruction de la flore et des animaux. Donc, tout est inversé.

Lierre : Oui, ça a été vraiment dur pour moi de finir par accepter ça, en tant que végétarienne. Mais ce que vous dites est parfaitement vrai. Donc, il y a deux façons de voir ça, comme dans la Grèce antique où il y a deux mots pour « la vie », et l'un d'eux signifie une vie précise et l'autre la vie dans son ensemble, la vie de l'espèce. Et à nouveau, ce sont vraiment les seuls choix que nous ayons. On peut tuer un individu mais l'espèce continue, ou on peut tuer la totalité de l'espèce et prétendre que nous ne le faisons pas, mais c'est ce que fait l'agriculture. Parce que vous prenez leurs habitats, d'accord ? Vous leur enlevez la possibilité de vivre là.

Juliana : Mais Lierre, je voulais ajouter qu'il semble être vraiment difficile de transmettre ça aux gens. Et nous avons eu des réactions déchaînées juste en partageant votre livre [Lierre rit], et on a publié votre livre en français, vous savez.

Lierre : Oui.

Juliana : Je pense qu'il était en ligne ou disponible depuis quatre jours et personne ne l'avait encore lu. Et il y a eu une campagne massive juste pour dire : « Eh bien c'est stupide. C'est n'importe quoi. », vous savez. Et je suis sûre que vous avez là un club de détracteurs, ou des gens qui ne veulent même pas entendre l'évidence. Et je me demande, à cause de tout ce qu'on a dit sur l'alimentation, les aspects nutritionnels ainsi que les effets que les céréales peuvent avoir sur le cerveau, comment sort-on de ce cercle vicieux ? Parce que les gens sont malnutris et ont cette sorte de blocage cognitif où ils ne peuvent pas penser, ils ne peuvent remettre en question ce qu'on leur a dit pendant des années et des années. Donc ils poursuivent dans l'agression ou simplement le déni pur. Comment faites-vous pour tenter de faire éclater la vérité et en même temps comprendre que peut-être ce qui provoque leur blocage est un effet de ce qu'ils mangent en réalité ?

Lierre : C'est vraiment dur de devoir le dire aux gens car ils ne veulent pas l'entendre. Mais de nombreuses fois, leur comportement est la meilleure preuve. Je veux dire, ils prouvent ce que j'avance mieux que je ne pourrais jamais le faire.

Juliana : Oui.

Lierre : Mais je suis passée par là. Et je sais comment mon cerveau se sentait quand je n'avais pas suffisamment de graisses animales de bonne qualité. En fait, je n'ai pas ingéré de graisses animales pendant presque vingt ans. Et c'est simplement horrible. Vous ne pouvez pas conserver une humeur stable. Si je n'arrivais pas à trouver mon portefeuille, mes clés ou autre, je m'asseyais par terre et je pleurais. Je ne pouvais pas. Il n'y avait pas moyen, les minuscules petites choses de la vie qui clochaient, il n'y avait aucune résilience du tout dans mon cerveau. Et dès que je me suis mise à manger des œufs, ça a été mieux. Du style en deux jours j'étais une personne différente. Et ce n'était même pas des quantités fabuleuses de graisse animale ou de bacon ou n'importe quoi de vraiment bon. C'était juste des œufs. Mais je n'arrivais pas à croire à quel point je me sentais mieux juste en mangeant des œufs quelques jours d'affilée.

Et c'est vrai, statistiquement parlant. Les gens qui ont un régime pauvre en graisses ont un taux de suicide extrêmement supérieur. Je pense qu'ils sont quatre fois plus enclins à se suicider. Ils sont aussi beaucoup plus susceptibles de mourir de mort violente. Donc ils ont un taux de meurtre supérieur. Donc ils sont plus assassinés que les gens qui mangent normalement. Et tout ça je l'ai vu. Le taux de suicide est horrible et je sais pourquoi. Vous n'avez pas assez de tryptophane pour produire de la sérotonine.

On sait tous que la sérotonine est le truc bien dont vous avez besoin quand vous devez prendre du Prozac. Mais vous pourriez juste manger et en fait, un tas de dépressions s'en vont simplement en mangeant de façon appropriée pendant quelques jours. Je l'ai vu maintes et maintes fois. Je l'ai vécu moi-même. C'est une chose un peu surprenante. Et en fait, le meilleur livre à ce sujet est celui de Julia Ross. Il s'appelle The Mood Cure. Et c'est le travail de sa vie, c'est son domaine. Elle travaille sur l'addiction et la dépression et elle les traite nutritionnellement avec un taux de réussite extraordinaire.

Donc si ce sont des problèmes auxquels n'importe lequel de vos auditeurs se trouve confronté, la dépression, l'addiction ou l'anxiété, c'est un livre fabuleux intitulé The Mood Cure et c'est ce qu'elle aborde ; la biochimie du cerveau et comment - si vous n'avez pas suffisamment de protéines et de bonnes graisses animales - vous vous retrouvez avec un tel risque de souffrir de dépression et d'addiction. D'addiction en particulier parce que votre cerveau tente de normaliser, il tente de stabiliser. Et si vous luttez contre votre cerveau, vous n'allez pas gagner. Votre cerveau va avoir des envies furieuses jusqu'à ce qu'il obtienne ce dont il a besoin. Il ne s'agit pas d'une faiblesse émotionnelle. Ce n'est pas un échec politique ou un défaut éthique, c'est simplement biologiquement vrai. Vous avez besoin de certaines choses.

Mais c'est vraiment difficile. Beaucoup de gens m'envoient des emails et je pense que c'est l'un des problèmes qui revient encore et encore, la dépression et l'anxiété. Et ils vont de l'avant et essayent parce qu'ils sont très désespérés. Donc, ils auront une alimentation humaine plus appropriée pendant quelques jours et ensuite ils m'écrivent et me disent : « Vous m'avez sauvé la vie. J'étais tellement déprimé que je ne pouvais pas sortir du lit. Je n'arrive pas à croire à quel point je me sens mieux. ». Et je reçois sans arrêt ce genre d'emails. Et ça compense bien les messages haineux de savoir que j'ai sauvé quelqu'un. J'ai perdu vingt ans de ma vie dans la dépression. Je sais à quel point c'est grave. Je n'éprouve que de la compassion pour ces gens mais ils ont besoin d'élargir un petit peu leurs horizons s'ils veulent un soulagement car en mangeant ce qu'ils mangent, ils ne se sentiront jamais bien.

Joe : Il me vient à l'esprit - je sais qu'on parle des végétariens ici et qu'on leur fait beaucoup porter le chapeau - mais il me semble que terriblement plus de non-végétariens auraient un sérieux problème avec l'idée d'abolir l'agriculture industrielle et la réduction de la disponibilité des céréales que cela impliquerait parce que beaucoup de gens - je pense que c'est le cas pour la plupart des gens, surtout dans le monde occidental, qui mangent de la viande - celle-ci ne constitue qu'une petite partie de leur alimentation par rapport aux céréales et aux graines. Et ils y sont en quelque sorte accros car grosso modo, les céréales se décomposent en sucres dans le corps et les sucres ne sont pas seulement addictifs mais très nocifs pour la santé humaine. Ils sont la source d'un tas de maladies modernes qui n'existaient pas il y a une centaine d'années.

Juliana : Sans oublier le gluten et la caséine dans les produits laitiers et certaines céréales qui créent une dépendance réelle, comme vous le dites Lierre.

Joe : Donc, qu'en pensez-vous Lierre ? Le problème n'est-ce pas aussi les non-végétariens, les mangeurs de viande et leur addiction aux céréales ? La plupart ont été rendu accros aux Cheerios [marque de céréales pour le petit-déjeuner - NdT] mais aussi aux pâtes, au pain et tout ça. Les gens se battront pour ça.

Lierre : Ce sont des substances incroyablement addictives, du moins pour certains d'entre nous. Et je le dis en tant que quelqu'un qui sait. Le gluten, par exemple, traverse le tube digestif lors de la digestion. Pour certains, en tout cas, il se transforme en fait en gluteomorphine, ce qui est exactement de quoi ça a l'air : c'est une forme de morphine dérivée du gluten. Et c'est très addictif. J'ai totalement éliminé le gluten depuis quelques années maintenant. En fait, on m'a diagnostiqué une maladie auto-immune et j'ai réagi par : « Eh bien voilà. Je ne peux plus jamais manger de gluten même pour une petite gâterie de temps en temps », et je l'ai totalement éliminé de mon alimentation. Et je dois dire entre parenthèses que ça a fait une énorme différence. Donc même le moindre bout de gluten que je mangeais déclenchait encore une réaction auto-immune. Mais c'est une parenthèse.

Il se transforme bel et bien en morphine chez certains d'entre nous. Et OK, manifestement, c'est addictif. Et en fait, certaines personnes ont suggéré que c'est la raison pour laquelle on a adopté l'agriculture. Aucune autre explication n'a réellement de sens. Ce qu'on m'a appris quand j'étais à l'école primaire c'était : « Eh bien la population humaine est devenue trop importante et il n'y avait pas assez de nourriture aux alentours donc les gens ont dû intensifier leur usage de leur territoire ce qui signifiait apprendre l'agriculture et ça a été une bonne chose car regardez maintenant combien on est ». C'est à peu près l'histoire qu'on nous racontait quand j'avais dix ans.

Eh bien le problème c'est que les preuves archéologiques ne correspondent pas à cette histoire. On ne voit pas de signes de faim chronique ou de carences. Donc la population humaine n'a pas incité cette activité. En fait, on ne sait pas pourquoi les gens se sont mis à l'agriculture. Ça n'a aucun sens. C'est un labeur éreintant pour une nutrition assez faible, alors pourquoi quelqu'un ferait-il cela ? Et une des explications est qu'on l'a fait parce que c'était addictif car les gens aimaient comment ils se sentaient quand ils mangeaient ces graines annuelles. Et nous y voilà. Et pour moi c'est la seule explication logique principalement parce que j'en ai fait moi-même l'expérience. Je connais l'appel du blé. Il m'appelle de l'autre bout de la ville : « Viens ! Mange un muffin ! Mange un bout de pain ! ». Et tout le monde est comme ça dans ma famille. On ressent tous cette attraction. Et en fait, je me sens vraiment chanceuse qu'on m'ait finalement diagnostiquée une maladie auto-immune car ça a été le point de rupture pour moi. Du genre, vous pouvez mourir de ça ou simplement arrêter de manger ça. Donc j'ai arrêté d'en manger et maintenant ce n'est plus de la nourriture. Style, oublie ça. Je n'ai plus besoin d'y aller. Et c'est vraiment super parce qu'un seul morceau et c'est fini pour la journée ; je ne penserais plus qu'à en avoir plus. Alors, je connais cette sensation de dépendance.

Je pense que vous avez raison, c'est tout le monde. Je ne veux pas stigmatiser les végétariens ou qui que ce soit. Toute la société partout autour du globe, tout le monde désormais, est plutôt accro à ce truc. Et c'est ce qui fait tourner le système alimentaire, la culture de ces céréales. À ce stade, comme je l'ai dit, quatre-vingts pour cent des calories alimentaires qui soutiennent notre population actuelle ne pourraient être obtenues autrement. Donc, on s'est en quelque sorte mis le dos au mur nous-mêmes. Et il y a des issues, ce dont on peut parler, mais les gens prennent peur quand on commence à regarder les chiffres parce qu'on dirait qu'il n'y a aucun moyen de tous nous nourrir sans continuer à faire ça. Et puisque cela détruit la planète, c'est un peu comme se laisser tomber de la falaise. Eh bien que pouvons-nous faire, juste rester là, à attendre l'effondrement ? En fait, je ne pense pas. Je pense qu'on peut faire beaucoup de choses très pratiques pour renverser cela. Mais c'est un moment très effrayant pour les gens, à la fois émotionnellement et intellectuellement parce que : a) on est accro et on veut ces substances mais aussi, b) à plus large échelle, que va nous réserver l'avenir ? Ça a l'air vraiment effrayant.

Pierre : Cette dernière partie de la discussion m'a rappelé un chapitre de votre livre où vous citez un auteur, je crois, qui fait l'hypothèse qu'en fait nous n'avons pas domestiqué les animaux et les céréales mais que ce sont les céréales qui nous ont domestiqués. Et par le biais de la dépendance, elles ont réussi à nous transformer en esclaves. On prend soin d'elles. On plante leurs graines partout dans le monde. On les arrose. On les nourrit et on sert leur objectif fondamental, c'est-à-dire la survie et l'expansion de l'espèce.

Lierre : Oui, c'est une idée que j'ai tirée du livre de Michael Pollan. C'était une façon différente de voir les choses pour moi. Et je pense qu'en fait c'est vrai à cet égard. Vous pouvez voir ça comme : « Eh bien, on fait cette chose incroyable aux plantes et aux animaux », mais si vous regardez dans la nature, tout est relation symbiotique. Chaque espèce change d'autres espèces et pour finir elles œuvrent ensemble, elles sont interdépendantes.

Et je pense à certaines espèces comme la fourmi de l'acacia et l'acacia corne-de-bœuf et sans leurs fourmis, les arbres meurent car les fourmis accomplissent toutes ces fonctions incroyables pour eux. Et de même, les arbres offrent aux fourmis nourriture et abri. Donc l'un sans l'autre, ils meurent tous les deux. Mais ensemble, ils modifient de plus en plus leurs génomes de sorte qu'ils dépendent complètement l'un de l'autre. Et je pense que c'est en gros ce qu'on a fait avec cette très, très petite cohorte de plantes et d'animaux. Et elle est très réduite.

La grande majorité des plantes ne veulent rien avoir à faire avec ça et la plupart des animaux dans le monde sont parfaitement heureux de ne pas souscrire à ce projet des humains. Mais les quelques-uns qui l'ont fait ont énormément réussi. Et l'exemple, bien sûr, ce sont les loups par rapport aux chiens domestiques ; aux États-Unis, il y a moins de quatre mille loups tandis qu'on trouve cinquante millions de chiens dans le pays. Donc, pour les chiens qui se sont lancés et ont dit : « OK, associons nos destins », oui, ça a fonctionné. La moitié d'entre eux reçoivent des cadeaux de Noël. Leur vie est meilleure que celle de plein de gens dans le Tiers-Monde. Je parle ici de ma chienne qui est pourrie gâtée, dort dans mon lit, a son propre canapé et dieu sait quoi encore. Mais ça a fonctionné.

Et vous pouvez le voir de la même façon pour le blé ou le maïs. Qu'ont-ils fait ? Eh bien, ils nous ont offert cette petite bouffée de bonheur dans le cerveau et en échange nous avons dévasté les prairies, déboisé la plupart des forêts et tout transformé en blé et en maïs. Donc, du point de vue de l'espèce, ils ont eu ce qu'ils voulaient. Ils ont conquis le monde.

Joe : Oui, je voulais parler un petit peu de cette idéologie derrière le végétarisme et voir si l'on peut déconstruire certains des arguments les plus courants qui sont utilisés. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous aviez remarqué que tout mange quelque chose d'autre dans la vie, de la bactérie au lion, en passant par le tigre, l'ours et que les humains ne sont qu'une extension de cela. Donc, les végétariens doivent admettre que, comme vous l'avez vu, vos poulets et vos canards mangeaient les limaces et autres insectes et que dans la nature quelque chose mangerait ces poulets et ces canards et ainsi de suite. Donc, y a-t-il des végétariens qui acceptent cela comme un cycle naturel tout comme le fait que les humains en fassent partie ? Et y a-t-il seulement réellement un problème dans la façon dont les animaux sont traités par les humains ? Si on pouvait se débarrasser de l'élevage industriel et des mauvais traitements et de la cruauté qui y sont impliqués, tous les végétariens changeraient-ils d'avis et diraient : « Ok, tant qu'on peut le faire naturellement, alors nous n'avons pas de problème avec ça » ?

Lierre : Je pense qu'il y a une grande variété de points de vue à ce sujet. Donc, je ne sais pas si je peux parler pour tout le monde ici-bas. Bien que je dirais qu'il y a certainement des gens dont le réel problème est que les animaux sont torturés dans les élevages industriels. Et je pense qu'on peut tous s'accorder là-dessus. C'est simplement horrible à tous les niveaux. Et ça doit s'arrêter.

Joe : Oui.

Lierre : Et ça devrait être une chose sur laquelle on puisse travailler tous ensemble, n'est-ce pas ? Je ne connais personne qui défendrait ces pratiques. Je n'ai jamais rencontré une seule âme qui penserait qu'il n'y a pas de problème une fois qu'elle a compris ce qu'il se passe [dans l'élevage industriel - NdT]. Ce sont des êtres sensibles et ils sont soumis à des actes horribles qui ne sont pas nécessaires. Donc, à ce niveau, on pourrait espérer œuvrer tous ensemble.

Mais si vous parcourrez différents sites Web, lisez les journaux, etc. - plus particulièrement pour les végétaliens, je pense, que pour les végétariens - ils détestent vraiment l'idée de « viande heureuse ». Pour eux - et c'était mon cas à l'époque - tout usage humain d'un animal est mal, çe sera toujours de la domination. Donc, j'avais un automatisme « les animaux ne sont pas à nous pour être utilisés, servir de vêtement ou dans des expériences ». Et je suis toujours contre l'expérimentation sur les animaux. J'ai effectivement une veste en cuir [rires] donc j'ai changé d'avis à ce propos. En fait, ça a été un moment un peu amusant parce que je mangeais de la viande depuis quelques années et tout à coup il m'est passé par la tête : « Mon dieu, si j'en mange, je peux aussi bien en porter ! ». Donc, je me suis autorisée à désirer une veste en cuir et finalement j'en ai eu une. Donc, voilà, c'est mon grand aveu. J'ai une veste en cuir. J'aime ma veste en cuir.

En tout cas, diable de moi, je sais que c'est terrible. Mais c'était vraiment la question de savoir ce qu'on va faire de la peau. On devrait utiliser chaque partie de l'animal.

Joe : Oui, absolument.

Lierre : On devrait. On devrait en faire du savon. On devrait utiliser la peau. On devrait utiliser les plumes, en faire des oreillers. Il y a un usage à introduire. On pourrait faire des instruments de musique à partir des tendons, toutes choses que les gens ont fait avec chaque partie de l'animal. Et je ne sais pas, n'importe quoi, c'est une parenthèse.

Donc, je pense qu'il y a cette diversité. Il y a définitivement des gens qui diraient « si on peut se débarrasser de l'élevage industriel, je n'ai pas de problème avec le reste ». Et je pense que ce sont des gens qui sont un petit peu plus réalistes sur la nature de la vie. Ils ne veulent pas participer personnellement et ont ce sentiment « Bon, si je mange ces aliments-ci au lieu de ceux-là, il n'y a pas de mort ». Et c'est là où je pense qu'ils se leurrent. Mais si ça les rend heureux, je m'en fiche. Vous faites ce que vous faites. On n'a pas si souvent cette discussion avec les gens en tant qu'individus.

Et ensuite vous avez les gens plus militants - et à nouveau, c'était moi avant - qui disent simplement que de toute façon se servir des animaux pour des humains, c'est mal. On n'a pas le droit. C'est considéré comme une question de droits. Et pour moi, ce n'est pas une question de droits, c'est une question de réalité, il n'y a pas d'issue. Il n'y a rien qu'on puisse manger qui pour finir ne dépende pas de plantes ou d'animaux morts. Et on peut tout aussi bien accepter cela de manière à le faire au mieux. Et c'est à cette réalisation que j'ai dû en venir.

Joe : Je suppose que ce genre de personnes attribueraient une valeur à différents types de vie sur la planète. Les plantes, les micro-organismes, même les petits insectes et tout ça, ne sont pas...

Niall : Ne sont pas sensibles.

Joe : ... ne sont pas aussi sensibles ou aussi importants ou n'ont pas autant de valeur qu'une vache ou un cochon. Je suis quasiment sûr que c'est comme ça qu'ils voient les choses. Car quel autre moyen y a-t-il pour eux de rationaliser qu'ils mangent des légumes et que cela implique de tuer des animaux ? Alors ils doivent attribuer un jugement de valeur aux animaux plus gros.

Juliana : Et le brocoli ne pleure pas ou ne leur crie pas dessus, tout ce genre de trucs.

Lierre : Eh bien, c'est certainement ce que je croyais. Et c'est une sorte d'argument que vous rencontrerez encore et encore, qu'il y a des animaux qui ont des nerfs qui ressemblent à ceux des humains, donc on sait qu'ils ressentent de la douleur. Et parce qu'ils peuvent souffrir, c'est la ligne de démarcation. Le problème avec cet argument c'est que, pour autant que je puisse le dire à partir des recherches que j'ai effectuées et juste par expérience du monde, chaque chose vivante aime sa vie. Et j'avais aussi l'habitude de poser cette limite mais plus maintenant parce qu'on construit une hiérarchie. On dit : « les créatures qui sont comme moi de cette façon très spécifique sont les seules qui comptent ». Et maintenant, pour moi, je me demande : « pourquoi doivent-elles être comme moi pour compter ? » Toute créature vivante aime sa vie et mérite le respect. Je ne veux plus vivre dans cette hiérarchie.

Et je pensais qu'en faisant ça, j'étais quelqu'un qui renversait ces hiérarchies. Mais je n'en créai qu'une nouvelle. Et elle était toujours fondée autour des êtres humains et de ce que nous pensons être important. Et il se trouve, bien sûr, que les bactéries communiquent tout le temps. Elles se transmettent des quantités incroyables d'information. C'est pour ça qu'on a un problème avec ces « super-microbes », parce qu'à chaque antibiotique qu'on élabore, ils nous dament le pion. Et ils sont capables de communiquer. Chaque bactérie peut communiquer avec chaque autre bactérie. Les bactéries constituent vraiment une seule espèce. Ce sont des créatures fascinantes. Mais elles peuvent se parler. Et presque en une nuit, elles peuvent diffuser tout autour du globe : « OK, voici le nouvel antibiotique que les humains ont inventé et voici comment le combattre ». Et donc, vous avez une résistance presque immédiate. Et c'est pour ça que maintenant, ça fait quoi, seulement deux générations d'antibiotiques et on se retrouve à court parce qu'elles sont plus intelligentes que nous. Elles sont plus malines que nous et elles communiquent là-dessus.

Donc, ce sont les bactéries. Et ensuite vous avez les plantes et les plantes font des choses incroyables, on en découvre de plus en plus sur les plantes, elles communiquent, elles s'entraident. Si une autre plante est attaquée par des insectes, les autres plantes enverront des insecticides par leurs racines et tenteront d'aider l'autre plante à repousser l'agresseur quel qu'il soit. Elles se diront, par exemple s'il y a un cerf ou un ours dans les bois qui frôle une certaine plante, celle-ci dira aux autres dans le voisinage : « Hé, il y a une grosse créature qui marche. Raidissez-vous un petit peu. Vous allez avoir besoin d'aide ». Et donc, toutes les autres plantes feront ce qu'il faut pour être un peu plus solides au cas où elles seraient bousculées par un gros ours.

Là où je vis, dans la forêt de séquoias, il y a en fait des séquoias albinos. Ils ne fabriquent pas de chlorophylle. Donc ils ne sont pas verts, ils sont en fait de couleur blanchâtre. La seule raison pour laquelle ils sont en vie - je veux dire ils ne peuvent pas photo-synthétiser - et la seule raison pour laquelle ils sont en vie, c'est parce que les autres séquoias les nourrissent. Donc, ils n'atteindront jamais la hauteur immense des vrais séquoias, ils sont chétifs, mais ils sont en vie et peuvent vivre assez longtemps. Mais c'est parce que les autres plantes de leur communauté leur envoient des nutriments. C'est leur seul moyen de vivre. Et les plantes font tout le temps ce genre de choses.

Niall : C'est surprenant.

Lierre : Elles luttent mutuellement pour l'espace. Oui, elles s'entraident quand elles le veulent. Elles créent aussi d'incroyables communautés variées. Elles appellent les plantes qui sont nécessaires à leur installation. Et personne ne sait comment mais elles le font. Donc, il y a des graines qui arrivent et ce n'est pas aléatoire. Mais comment les graines savent atterrir là ? Elles n'ont pas d'hélices. Elles n'ont ni bras ni jambes. Comment tombent-elles précisément là où on a besoin d'elles ? Le meilleur livre à ce sujet s'intitule The Lost Language of Plants de Stephen Buhner. Oh, ce livre : ce que font les plantes vous fera tomber à la renverse. Mais quand vous l'aurez fini, vous ne pourrez pas dire : « Oh, les plantes ne sont pas vraiment vivantes. Elles ne sont pas vraiment sensibles. Elles ne ressentent pas vraiment ». Elles sont aussi vivantes que vous ou moi. La seule chose qu'elles ne peuvent pas faire, c'est s'enfuir. Mais à tous les autres niveaux, oh oui.

Et à nouveau, il y a celles qui aident à garder cette planète en vie. Sans elles - ce sont les seules à pouvoir transformer la lumière du soleil en matière. C'est un miracle incroyable. Sans elles, c'est fini. On ne serait pas là. Donc les plantes sont fabuleuses. Et c'est pourquoi tant de cultures indigènes ont ce concept d'arbres ou d'autres sortes de plantes qui sont nos ancêtres. Ils les appellent « nos grands-parents, nos grands-mères, nos grands-pères ». Et si vous avez besoin d'aide, vous pouvez aller leur parler. Et partout dans le monde, les gens croient ça. Et ils le croient parce qu'ils en font l'expérience. Vous pouvez parler aux arbres et leur demander de l'aide. Et si vous êtes humble et vraiment dans le besoin, l'idée est qu'ils vous parleront. Et je pense qu'on a eu cette capacité pendant une majeure partie de l'histoire humaine. C'est une chose surprenante. Ça semble un peu loin de nous, je suppose, pour certaines personnes mais une multitude d'histoires racontent comment les plantes nous ont aidés.

Et quand vous demandez aux curanderos ou n'importe quels guérisseurs traditionnels à travers le monde : « Alors, comment savez-vous que c'est la plante pour telle maladie ou tel problème », encore et toujours ils répondent la même chose : « Eh bien, les plantes nous le disent. Les plantes disent à quoi elles servent quand vous leur demandez, c'est ce qu'elles disent ». C'est la réponse universelle autour du globe. Je trouve ça incroyable.

Juliana : Lierre, maintenant que vous parlez des plantes, pouvez-vous décrire un petit peu comment elles se défendent ? Vous avez une grande explication à propos des lectines et c'est un sujet que les gens souvent ne connaissent pas. Les plantes ne peuvent pas nous fuir, mais elles ont un mécanisme de défense et elles ne veulent pas... ou nous ne sommes pas censés les manger et les digérer. Pouvez-vous expliquer ce processus ?

Lierre : Bien sûr. La plupart des graines ne sont pas vraiment comestibles. Et cela inclut les fruits à coque, cela inclut les céréales, ce sont toutes des graines. Donc, pour les rendre comestibles, nous devons leur faire toutes sortes de choses, comme les cuire. Vous ne pouvez pas manger de blé cru. Je veux dire, vous pouvez essayer si vous voulez mais vous allez être très malade. Donc, si vous avez besoin d'expérimenter, allez-y, mais c'est un peu inutile. On sait déjà ce qui va arriver. Donc, les cuire est la première chose à faire pour rendre ces plantes comestibles. Et la raison pour laquelle nous devons le faire est parce qu'elles défendent leurs bébés. Quand elles engendrent une graine, celle-ci arrive enrobée de toutes sortes de protections qui la rendent non comestible, qui nous rendra malade si nous la mangeons. Le fait est que comme une mère ours protège ses oursons, la mère plante et le père plante protègent aussi leurs bébés. Et ils le font en enrobant les plantes, les graines, de toutes sortes de substances qui vous irriteront ou vous tueront purement et simplement.

Et donc, une de ces substances est la lectine, vous avez toutes sortes d'anti-nutriments - anti-nutriment est un mot qui signifie que quand vous tentez d'en manger, lors de son parcours dans le tube digestif, cet anti-nutriment se liera aux minéraux. Donc c'est pire que de ne rien manger. Ça expulse la nutrition de votre corps et c'est la façon de la plante de dire : « Eh bien tu peux manger mes bébés mais tu vas souffrir pour ça. En fait, tu pourrais ne plus être capable de te reproduire si tu continues à manger ces bébés plantes. Tu ferais mieux de nous laisser tranquilles. ».

Et le soja, bien sûr, est un bel exemple. Le soja contient toutes sortes d'anti-nutriments mais le gros problème avec le soja, ce sont les phyto-œstrogènes. Donc, ce sont des substances qui imitent les œstrogènes humains. Donc, elles ressemblent beaucoup aux œstrogènes que nous avons dans le corps mais elles sont un petit peu différentes. Elles sont suffisamment semblables pour que le corps pense que ce sont des œstrogènes et en fait, les phyto-œstrogènes rempliront les récepteurs à œstrogènes de nos cellules. Donc, vous pensez avoir suffisamment d'œstrogènes. Ce n'est pas le cas car en fait ils ne se comportent pas comme le font les œstrogènes humains. Mais c'est suffisamment proche. Donc, en imitant les œstrogènes humains, la plante est capable de boucher nos récepteurs à œstrogènes. Dès lors, on a en fait plus suffisamment d'œstrogènes ce qui signifie qu'on ne sera pas capables de se reproduire. Et c'est pourquoi le soja est lié à tous ces terribles problèmes de reproduction comme le cancer du sein et d'autres types de cancer des organes reproducteurs.

Ma sœur a aussi été végétalienne pendant longtemps et elle a fini avec une terrible endométriose à cause du soja et elle a fini par subir une hystérectomie. C'est la façon du soja de riposter. Oui, tu peux me manger, mais ça s'arrête là. Ta lignée s'éteint. Tu manges trop de soja, c'est fini. Donc, le soja... je mets vraiment très fortement les gens en garde contre le soja.

Niall : Et le soja est vraiment l'aliment de base d'un régime végétarien/végétalien depuis tout ce temps. C'est vraiment tragique quand on y pense.

Lierre : C'est un truc épouvantable. Ce n'est pas comestible. Et certains chercheurs diront de but en blanc : « Ce ne sont pas des aliments, ce sont des drogues ».

Niall : Eh bien, c'est le paradoxe, non ? La quantité de travail qui passe par un labeur éreintant, comme vous l'avez dit plus tôt, pour cultiver des céréales. Vous devez défricher le terrain, vous devez les faire pousser, elles ont besoin de beaucoup d'attention et puis elles ne sont même pas encore comestibles. Vous devez les récolter, les traiter et les cuire. Maintenant, vous êtes prêts. D'un côté c'est une drogue.

Joe : Et même là, vous avez toujours des lectines dans beaucoup d'entre elles.

Niall : Exactement. D'un côté c'est une drogue et vous voulez subir tout cela pour en avoir, et de l'autre, ça vous tue. C'est comme un anti-cycle de la vie.

Joe : Je me demande en fait, si on donnait le choix aux végétariens et aux végétaliens, s'ils préféreraient que la race humaine s'éteigne et laisse la planète aux animaux et aux plantes.

Lierre : Eh bien...

Niall : Qu'en pensez-vous Lierre ?

Joe : Si ça se résumait à ça, vous savez ?

Lierre : J'éprouve un peu de compassion face à cela. Je vois les terribles dégâts que l'on commet et si on disparaissait demain, je pense que la planète s'en sortirait sans nous. On va atteindre un point critique au-delà duquel elle ne le pourra plus. Je préférerais d'autres choses. Je pense que c'est aussi notre maison et si on arrêtait simplement de la détruire, je pense que ça irait bien. Et je ne pense pas que ce soit notre nature de faire ça. Je pense qu'on a échangé une terrible combinaison de forces sociales et politiques qui mènent à cela. Et il y a des responsables. Il y a une structure de pouvoir. Il y a des responsables et beaucoup de gens qui sont dépossédés. Donc, ce n'est pas la nature humaine.

Et je ne crois vraiment pas que ce sont nos gènes qui nous font faire ça, notre histoire évolutive, parce qu'il y a deux millions et demi d'années, on vivait très bien sur cette planète. On était des participants. Vous pouvez regarder l'art primitif que l'on faisait et voir qu'on avait du respect et de la reconnaissance envers les créatures qui nous donnaient la vie. En fait, on était tellement contraints par ce respect et cette reconnaissance qu'on a découvert comment faire de l'art, ce qui est plutôt surprenant. On se sentait tellement forcé à dire merci qu'on a appris comment dessiner. On devait l'exprimer d'une manière ou d'une autre. Donc, c'est de là que je viens. Je pense que c'est plus dans nos corps que dans nos cerveaux ; ce respect et cette envie de participer qu'il est devenu tellement difficile d'atteindre maintenant parce qu'on est tellement aliénés.

Mais je compatis au désir, au moins émotionnellement, de dire : « Mon dieu, si on pouvait se débarrasser des humains, tout irait bien ». Parce que je pense que pratiquement toutes les autres espèces de la planète pousseraient probablement un soupir de soulagement. Elles sont attaquées. Elles mènent une guerre et elles perdent. La vie perd.

Niall : Oui, sauf les chiens. Bon, les gens se comportent effectivement comme un virus.

Lierre : Actuellement, oui, on se comporte comme ça.

Niall : Le truc, et vous l'avez mentionné dans votre livre, vous avez cette vue d'ensemble de l'histoire, disons les dix mille dernières années depuis l'aube de l'agriculture, et les gens peuvent voir ça et se dire : « Bon, ça fait longtemps. Vos idées sont géniales mais waouh, on est coincé là-dedans. C'est tout ce qu'on connaît, la civilisation agricole ». Mais il y a sûrement de l'espoir dans le fait que ce qu'on est, notre empreinte génétique même, est en fait bien plus ancienne, comme vous le dites, elle s'est développée au cours de deux millions d'années d'un mode de vie totalement différent.

Lierre : Oui. Loren Cordain, un expert en nutrition paléolithique, utilise cette image d'un terrain de football, donc c'est un terrain de football américain. Je ne sais pas combien mesure un terrain de foot européen, mais de toute façon, c'est un grand terrain, d'accord ? Et donc, il utilise ça pour figurer l'histoire entière des humains sur Terre. Donc, deux millions et demi d'années. C'est représenté par ce terrain. Et les derniers quarante-cinq centimètres, c'est là où l'agriculture commence. Donc, on a été sur cette planète tout ce temps et ce sont vraiment à ces derniers quarante-cinq centimètres que la destruction commence. Et ensuite, les cinq derniers millimètres, c'est l'ère industrielle. Donc, l'agriculture est vraiment une courte période de temps au regard de notre identité, biologiquement parlant. C'est réellement une activité nouvelle.

Pierre : Et dans votre livre, vous expliquez qu'on devrait être prudent avec l'illusion de revenir à l'alimentation des chasseurs-cueilleurs en mangeant uniquement de la viande moderne, des races modernes et des espèces modernes de légumes et de fruits, comme le faisaient les chasseurs-cueilleurs parce que vous soulignez qu'entre les espèces modernes riches en sucre, très maigres pour la viande, et historiquement avec toutes les espèces, il n'y a presque rien en commun.

Lierre : Oui, beaucoup de gens qui adoptent une sorte d'alimentation fruitarienne pensent qu'ils peuvent vivre de fruits frais, mais ils ne le peuvent pas. Ils vont devenir vraiment malades. C'est assez triste à voir. Mais ils ne comprennent pas que ça n'existe pas dans la nature. Ce sont des formes d'aliments extrêmement hybridés. Et ce qu'on a fait en domestiquant des choses comme les pommes ou les baies, on a retiré tout un tas d'anti-nutriments qui étaient très amers. Les pommes sauvages sont fondamentalement immangeables. Elles sont si amères que vous auriez un haut le cœur si vous en croquiez une. Donc, on a retiré tous les anti-nutriments et on les rendues de plus en plus sucrées.

Vous mangez alors bien plus de sucre que quelqu'un qui y aurait eu accès, même il y a dix mille ans. Et je ne pense pas qu'ils se rendent compte de ça. Ils font toutes sortes d'affirmations comme : « C'est l'alimentation humaine naturelle », mais ça n'existait pas. Ce n'est là que depuis quelques milliers d'années. Et d'énormes efforts humains ont été faits pour nous les rendre comestibles. Donc, ce type de conte de fées s'effondre vraiment. Ai-je répondu à votre question ?

Joe : Oui.

Pierre : J'ai une autre question pour essayer de mieux comprendre le mythe végétarien. Je dois confesser avoir été végétarien pendant onze ans. Personne n'est parfait. Et durant cette période de ma vie, un de mes principaux arguments, et j'y croyais, était que pour produire un kilogramme de légumes on a besoin, disons, d'un hectare, et pour produire un kilogramme de viande, on a besoin de dix fois cette surface. Donc, avec tous ces gens qui meurent de faim, le végétarisme est la façon de faire. C'est un meilleur usage du sol disponible. Alors, y a-t-il un quelconque défaut dans ce raisonnement ?

Lierre : Oui, c'est pour ça que je l'ai appelé le mythe végétarien et pas le mensonge végétarien, d'accord ? Il y a une once de vérité là-dedans. Et la vérité est que oui, si vous avez un élevage industriel, vous avez besoin d'une quantité phénoménale de maïs pour nourrir ces vaches. Et donc, l'argument est : « Eh bien, ce maïs devrait plutôt aller aux humains », ce qui est logique pour la surface. C'est un argument simple et j'y ai cru moi-même pendant de nombreuses années. C'était le début de toute cette sorte d'éthique végétarienne quand elle s'est développée dans la culture populaire et ça venait en réalité du livre de Frances Moore Lappé, Diet for a Small Planet. C'est elle qui a vraiment avancé cet argument. Et il a vraiment bien pris. Et je comprends pourquoi les gens y croient. C'est logique par rapport à la surface. Mais en descendant de quelques couches sous la surface, tout s'effondre essentiellement.

Le premier problème est donc : pourquoi nourrir les vaches avec du maïs ? En fait, ça n'a pas de sens. Ce n'est pas leur alimentation d'origine. Cela les rend vraiment malades, en fait. Elles ne peuvent vivre de ces parcs d'engraissement que peut-être deux mois. Après cela, littéralement dix pour cent d'entre elles deviennent malades car ce n'est pas la nourriture qu'elles sont censées manger. Un problème est que c'est bien trop acide. Elles sont censées manger de l'herbe, d'accord ? Mais quand vous les nourrissez au grain, elles ont quatre estomacs, le rumen devient bien trop acide et ça creuse littéralement des trous dans leurs estomacs. Donc ensuite, leur sang s'empoisonne à cause de la nourriture quelle qu'elle soit, à moitié digérée avec toutes les bactéries, ça passe dans leur sang, ce qui crée bien entendu une maladie du foie car le pauvre foie essaye de nettoyer le sang. Donc, tous ces animaux vont à l'abattoir très malades. Ce n'est pas ce qu'ils sont censés manger. Et la seule raison pour laquelle on fait ça - et c'est là où ça devient plus compliqué - donc, 1950, c'est vraiment le début de l'élevage industriel. La Seconde guerre mondiale, ils avaient déjà trouvé le procédé Haber-Bosch à la Première guerre mondiale. À la Seconde guerre mondiale, ils produisent en quantités industrielles tout cet azote pour fabriquer...

Pierre : Le procédé Haber-Bosch, c'est le moyen de produire de l'azote industriellement à partir de produits pétroliers, exact ?

Lierre : Exactement, oui. Et lors de la Première guerre mondiale, les Allemands utilisaient du guano de chauve-souris, des déjections de mouettes ou quelque chose que l'on trouvait en Argentine, je crois, il y avait d'énormes grottes de ça et c'est ce qu'ils utilisaient pour fabriquer des munitions. Et l'acheminement des Allemands a été coupé par les Anglais ou les États-Unis. Ils ne pouvaient plus en avoir. Donc les chimistes ont travaillé d'arrache-pied pour essayer de trouver comment produire nous-mêmes de l'azote et donc pouvoir continuer à mener cette guerre. Et ils ont réussi à trouver. Fritz Haber l'a fait.

Et en fait, c'est intéressant d'en apprendre sur Fritz Haber, sur ce qui lui est arrivé parce qu'il était juif. Au bout du compte, il a été tué par les Nazis, même s'il avait créé ce procédé dont ils avaient vraiment besoin. Ça a très, très mal fini pour lui, d'être impliqué dans le monde scientifique. Et en fait, sa femme s'est suicidée à cause de ce qu'il avait fait. Il a créé le gaz moutarde, certains gaz très toxiques qui ont été utilisés pour tuer des gens au front, et elle n'a pas pu le supporter. C'était aussi une scientifique et elle s'est donné la mort. Pour elle, c'était insupportable ce que cet homme faisait. Après avoir rendu tous ces merveilleux services de guerre, il a été mis à mort par son propre pays parce qu'il était juif. Donc, cette histoire se termine mal, où qu'on regarde. Son fils s'est aussi suicidé, ce qui fend vraiment le cœur. La génération suivante a aussi été un gâchis de mort et de destruction. C'est la plus triste des histoires.

Quoi qu'il en soit, c'est lui qui a inventé le procédé Haber-Bosch. Donc oui, à la Seconde guerre mondiale, ils en avaient vraiment fait une science. Ils produisaient de l'azote en quantités industrielles. La guerre mondiale fini, que faire de toutes ces usines à munitions ? Eh bien, aux États-Unis, ils les ont transformées en usines à engrais. Et en 1950, la Révolution verte a vraiment démarré. Donc maintenant, ils ont tous ces engrais azotés qui se déversent de ces usines. Et tout ça fini évidemment en Iowa, au Nebraska et dans le Midwest, qui était auparavant une prairie, et tout est répandu partout et cette montagne de maïs est créée avec cet engrais.

Il y a tellement de maïs sans destination et dès lors le maïs devient tellement bon marché qu'il est économiquement logique de retirer les vaches de leur habitat d'origine, de leur alimentation gratuite d'herbe, de l'herbe qui ne fait que pousser, non ? Et de les mettre en gros dans des villes. Elles vivent sur un sol en béton dans des bâtiments horribles, complètement entassées. Au fond, vous les entassez dans une ville et les nourrissez avec ce truc bizarre qu'elles ne sont pas censées manger, et c'est du maïs. Et c'est seulement parce que le maïs est devenu très bon marché.

Jusque-là, l'élevage industriel n'existait pas. Il ne le pouvait pas jusqu'à ce que le maïs soit aussi peu cher. Donc, la seule raison pour laquelle on a de l'élevage industriel, c'est à cause de la Révolution verte, à cause du procédé Haber-Bosch.

Maintenant, ce qui arrive dans le Midwest tous les ans, ici aux États-Unis, on a ce qu'on appelle le Farm Bill [Loi agricole - NdT]. Et le gouvernement donne ces subventions aux agriculteurs. Il y a six sociétés qui contrôlent pour l'essentiel le marché alimentaire et parce qu'elles ont le monopole, elles peuvent fixer le prix des céréales en dessous du coût de production. Donc, peu importe à quel point ces pauvres agriculteurs travaillent dur, ils ne peuvent pas garder la tête hors de l'eau. Ils ne peuvent pas faire de profit parce que c'est un système de monopole, OK ? Donc, les céréales sont extrêmement bon marché. Ça leur coûte en fait plus cher de les produire donc, l'année suivante, ils doivent en produire encore plus pour essayer de se faire quelques centimes de plus en produisant plus. Mais ça ne fait que baisser encore plus les prix. Donc, chaque année, les agriculteurs se trouvent dans une situation encore pire.

Maintenant, au lieu de briser ces monopoles, le gouvernement étasunien, servile aux grandes sociétés, décrète ce Farm Bill et alloue des subventions. Donc, ils accordent aux agriculteurs tout juste de quoi rester en activité et ne font rien sur le fait qu'il s'agit d'un système de monopole tout autour du globe.

Dans d'autres pays, et en fait par le passé dans ce pays, on avait un système totalement différent. Ce n'était pas comme ça que la nourriture était produite et on ne le permettait pas. Mais bien sûr, tout ça a été dérégulé sous Ronald Reagan dans les années 1980 et maintenant les agriculteurs se trouvent dans cette position simplement horrible. La première cause de décès chez les agriculteurs dans ce pays, et en Inde, c'est le suicide, et c'est vraiment triste, n'est-ce pas ? Peu importe qu'on soit dans un pays vraiment riche ou vraiment pauvre ou quelque part entre les deux. Les agriculteurs sont dans la même situation. Ce sont des serfs et il n'y a aucune issue, donc ils finissent par se tuer. C'est tout simplement horrible.

En tout cas, c'est pour ça qu'on a de l'élevage industriel, OK ? C'est parce que le maïs est si peu cher. Et la raison pour laquelle il est si peu cher est à cause du monopole et à cause des combustibles fossiles. Et c'est la seule raison pour laquelle l'élevage industriel existe. Donc, une réponse est certainement d'arrêter l'élevage industriel, je pense qu'on peut tous être d'accord. Mais la réponse n'est pas d'arrêter de consommer du bœuf pour cette raison. Il y a plein de bonnes raisons de ne pas manger ce bœuf élevé industriellement, mais ce n'est pas comme ça que vous nourrirez les affamés. Le maïs n'est pas produit pour que les vaches puissent en manger. Il est produit en excès à cause du monopole, parce que les agriculteurs doivent en produire plus chaque année pour essayer de gagner un petit peu plus d'argent de façon à pouvoir payer leurs emprunts. C'est la seule raison pour laquelle le maïs inonde le Midwest chaque année.

Il finit par nourrir les vaches mais les vaches n'en demandent pas. Les gens qui le demandent ce sont ce terrible système de marché où ils ne peuvent même pas faire de profit sur ce qu'ils produisent. C'est pour ça qu'il y a un surplus de maïs. Donc, que vous ou moi mangions ce bœuf est absolument sans importance. Les agriculteurs vont devoir continuer à surproduire tant que ce système économique et politique les étrangle en quelque sorte.

Joe : Système fondé sur la cupidité, au bout du compte.

Lierre : Absolument, oui. Et nous allons devoir abattre ces puissants systèmes pour changer cela. Que vous et moi nous retirions de ce supermarché bovin ne fera pas un seul iota de différence. Maintenant, l'autre moitié de la question est : « Oh, on devrait donner le maïs aux gens qui ne peuvent pas se payer de nourriture ». OK, donc c'est un tout autre problème. Pourquoi les gens au Cambodge ou en Inde devraient dépendre d'un pays riche comme les États-Unis pour la nourriture ? C'est un peu insensé. Ils devraient être capables de se subvenir à eux-mêmes et en fait ils savent comment subvenir à eux-mêmes.

Et si vous parlez à des militants contre la faim partout dans le monde, ils répéteront encore et toujours la même chose. On sait comment nourrir notre peuple. On doit nous laisser seuls pour ça. Faites partir vos entreprises de notre pays. Car ce qui arrive, c'est que ces entreprises qui ont acheté ces céréales incroyablement bon marché subventionnées par le gouvernement étasunien, font ce qu'on appelle du dumping agricole. Donc, elles iront dans un pays pauvre comme les Philippines, le Mexique ou ailleurs, et elles inondent le marché de ces céréales pas chères et coulent les agriculteurs locaux, détruisent l'économie locale et ensuite ce qui arrive, c'est que ces personnes qui étaient autosuffisantes, possédaient des terres, une culture et une communauté, sont expulsées de leurs terres. Elles perdent tout et ensuite il y a ce flot de réfugiés, de réfugiés économiques dans les villes. Et c'est pour ça que vous avez cette misère croissante dans des villes comme Mexico. Parce que tous ces fermiers ont été évincés de leurs terres précisément par ce processus.

Et ensuite vous avez les gens qui pensent se soucier du monde en disant que c'est en quelque sorte une bonne chose. À chaque fois que vous faites du dumping agricole, vous ne créez que davantage de misère humaine en coulant ces agriculteurs. Ils n'ont pas besoin de nos céréales bon marché. La dernière chose à faire est de larguer des céréales bon marché sur des affamés chroniques. Ils devraient pouvoir subvenir à eux-mêmes. La seule raison pour laquelle ils ne le peuvent pas est précisément à cause des céréales étasuniennes bon marché. Donc, les végétariens comprennent tout à l'envers quand ils disent : « Oh, ça devrait servir à nourrir les affamés ». Non, ça ne devrait pas, en fait. On devrait les laisser tranquilles parce qu'ils savent comment se nourrir eux-mêmes.

Joe : Est-il possible, si toutes les terres qui ont été allouées à la culture des céréales dans tous les États-Unis, par exemple, si toutes ces terres étaient redonnées au bétail pour qu'il mange de l'herbe, cela produirait-il suffisamment de viande pour nourrir la population en l'absence de la plupart des céréales ?

Lierre : En fait, je n'arrive pas à trouver de statistiques fiables là-dessus. Je sais parfaitement que l'on va beaucoup trop loin. Et c'est inévitable. Nous allons devoir affronter le fait qu'il y a beaucoup trop de gens sur la planète. Mais cela n'a pas à être triste. En fait, il y a des moyens d'y remédier et le seul moyen d'y remédier, je pense, est en fait de soutenir les droits de l'Homme. Mais on pourra en parler dans un instant.

Votre remarque est vraiment bonne. Dans de très nombreux endroits, s'il y a suffisamment de pluie, vous pourriez prendre la même surface de terrain et produire la valeur d'un bœuf, sauf que vous pourriez le faire de deux manières différentes. La première est ce qui est arrivé et c'est un peu insensé. Vous prenez cette terre, une jolie prairie qui comporte toutes sortes de plantes et d'animaux. Donc, vous avez des oiseaux terricoles, des petits mammifères, des reptiles, des amphibiens. À côté il y a un cours d'eau vraiment sain qui abrite des poissons. Vous avez une nappe phréatique qui se recharge tous les ans. C'est la vie et ça pourrait continuer éternellement jusqu'à ce que le Soleil s'éteigne. Tout est pour le mieux.

OK, ensuite vous arrivez avec un tracteur, vous broyez tout, vous tuez les animaux, vous expulsez tout le monde, vous dénudez le sol, ce qui signifie que vous le détruisez, et ensuite vous plantez du maïs. Donc vous cultivez un hectare de maïs sur ce terrain. Vous détruisez la nappe phréatique, vous détruisez le cours d'eau, tout le monde est mort. OK, vous avez cet hectare de maïs. Vous pouvez prendre cet hectare de maïs et en nourrir une vache et à la fin de l'année, vous aurez une vache vraiment malade qui a eu une vie misérable mais elle est grasse et prête pour le marché et ensuite elle peut nourrir les humains et rendre aussi les gens malades. Mais c'est la quantité de bœuf qui a été produite, une vache sur cet hectare de maïs.

OK, un autre scénario pour un terrain de même surface. Vous y laissez les herbes. Toutes ces autres créatures vivent là. Vous avez une nappe phréatique saine. Les cours d'eau avoisinants sont pleins. Il n'y a pas de combustible fossile. Dessus vous avez un ruminant, une vache. Cela pourrait continuer éternellement. C'est un circuit fermé. Tout le monde joue un rôle. À la fin de l'année, vous avez la même quantité de viande à partir de cette vache, mais c'est vraiment du bon bœuf. Elle a bien vécu et la vie de cet endroit, cette communauté biotique, est totalement intacte. Et vous pouvez nourrir le même nombre d'humains avec.

Ceci est vrai sur de très, très nombreux kilomètres de terres, de kilomètres carrés de terres où il y a suffisamment de pluie. Vous avez ce scénario où vous pouvez faire soit l'un soit l'autre. Et on a pratiqué cette chose totalement insensée qu'on appelle agriculture et élevage industriels. Et au bout du compte, le deuxième scénario est celui qui a un sens à tous les niveaux, mais ce n'est pas ce qu'on fait. Mais c'est la même quantité de nourriture. Et je pense que c'est vraiment ce que vous demandez. Dans de nombreux endroits, oui, vous aurez la même quantité de nourriture mais c'est de la nourriture saine, de la nourriture humaine et cette nourriture participe à un cycle très résilient de continuité de la vie. Donc, je ne sais pas pourquoi on pratique l'autre scénario. De prime abord, ça n'a aucun sens. Je comprends qu'il y a des raisons politiques et économiques, mais au fond c'est psychopathique.

Joe : Exactement.

Lierre : Mais même au niveau superficiel, que font ces gens ? C'est fou. Donc, dans de nombreux endroits, oui, c'est la seule voie, retourner aux prairies. Laisser les prairies renaître.

Niall : Tout à l'heure, vous avez suggéré que c'est une question de politique, que c'est un choix qui est fait et que c'est contrôlé par un monopole. Ont-ils même la moindre idée ou la moitié de la vue d'ensemble que vous partagez avec nous aujourd'hui ? Est-ce fait volontairement ? Je ne peux pas imaginer le comité de direction de Monsanto s'asseoir pour manger tout ce qu'ils vendent...

Joe : Non, ils n'en mangent pas.

Niall : ... aux gens.

Lierre : Oui.

Joe : Il a été révélé qu'ils vendent du bio à la cafétéria de Monsanto.

Lierre : [Rires]

Joe : Ils ne vendent que du bio.

Lierre : Oh, ça se comprend.

Joe : Et apparemment au gouvernement aussi, le restaurant du Congrès, là où ils vont tous manger, c'est tout du bio. Pourtant ils signent tous des lois et font passer des lois qui donnent de la merde aux gens, vous savez ?

Lierre : Au congrès, ils ont aussi un régime d'assurance maladie unique, tous les membres du Congrès. L'ironie, c'est qu'ils arrêtent actuellement le gouvernement parce qu'ils haïssent tellement l'Obamacare, mais ils ont un système de soins de santé à payeur unique toute leur vie.

Oui. Quoi qu'il en soit, je ne sais pas, tout ça est simplement tellement psychopathique, n'est-ce pas ? Je n'ai pas d'explication à un niveau émotionnel sur la motivation de ces gens. Ils l'ont hautement rationalisé, c'est clair. Et ils sont certainement récompensés. Ils se font tellement d'argent en faisant ça, mais ils doivent bien aimer quelque chose.

Joe : Vous venez juste de le redire. Vous avez énoncé les deux points : la psychopathie et l'argent. C'est leur dieu. C'est l'essentiel pour eux et rien d'autre n'importe. Et comme je l'ai dit, ils prennent soin d'eux et arnaquent les gens.

Juliana : Et c'est vraiment triste parce que vous avez mentionné tout à l'heure comment en gros la majorité des êtres humains n'ont pas cet état d'esprit. Ils ne veulent pas détruire. Ils ne veulent pas la guerre. Ils ne veulent pas le système.

Niall : Ils ne dominent pas naturellement.

Juliana : Oui, exactement. Ils ne veulent pas détruire. Ils suivraient probablement une sorte de mode vie sain, harmonieux, si on les laissait...

Joe : Leurs propres procédés.

Juliana : ... choisir. Mais le problème ici c'est qu'on a, corrigez-moi si je me trompe Lierre, mais ici on a des gens qui seraient bien intentionnés pour commencer. Certains psychologues disent que un pour cent de la population est génétiquement psychopathe. Imaginez qu'une majorité de ceux-ci soient au pouvoir et prennent ces décisions. Et on a ces gens qui veulent, qui en fait payent leur poison car ils vont au supermarché et payent pour ça. Et ensuite ils doivent dépendre des produits pharmaceutiques. Et je ne veux pas devenir totalement conspirationniste et tout ça...

Niall : Oh, vas-y.

Juliana : ... mais ça y ressemble vraiment, n'est-ce pas ? C'est juste un minuscule petit groupe de gens qui font ces lois, appauvrissent les pays qui achètent leurs graines et si vous n'achetez pas les graines brevetées, vous êtes foutus pour toujours. C'est simplement un cycle. Et si seulement les gens pouvaient choisir pour une fois, décider et réaliser que c'est en réalité une poignée de ces dirigeants qui sont derrière ce monopole.

Lierre : Oui, je ne saurais être plus d'accord. C'est moche par ici.

Niall : Eh bien, cette petite partie de l'histoire que vous avez racontée, à propos de l'explosion de l'usage des engrais après la Seconde Guerre mondiale, est fascinante. Donc, la guerre cesse et il leur reste toutes ces munitions. Alors, qu'en faire ? Je peux imaginer qu'à l'époque c'était une solution commode à un problème temporaire. Mais regardez où ça a mené, une chose après l'autre. Et aujourd'hui, on est dans cette situation où la couche arable est tellement détruite que, nous disent-ils, les céréales qui allaient déjà assez mal, ne peuvent plus pousser, donc voici notre version génétiquement améliorée, prenez ça et ça résoudra les famines qui ont été causées par nos prédécesseurs. Donc, c'est comme si on s'était enfoncé de plus en plus loin dans ce cul-de-sac.

Joe : Mmm mmm.

Niall : Donc, en termes globaux, que peuvent faire les gens ? On ne sait pas mais peut-être qu'il y a certaines solutions pour ceux d'entre nous qui nous inquiétons et voulons améliorer nos propres vies et celles de la flore et de la faune qui nous entourent. Donc, peut-être peut-on aborder certaines solutions. Je crois que vous vous décrivez vous-mêmes comme une cultivatrice Lierre, cultivez-vous chez vous ?

Lierre : Oui. J'ai deux hectares et j'ai des chèvres et je vais avoir des poulets et des canards très bientôt. Et j'ai un très gros chien et un jardin. Ça ne fait pas longtemps que je vis là, je viens juste d'emménager mais je vais mettre quelques arbres fruitiers aussi. Oui, et avant cela, j'ai aussi vécu dans d'autres petites fermes où on faisait du poulet, des œufs et d'autres trucs aussi. J'ai bien élevé ma propre nourriture. J'ai compris l'idée, les coûts de tout ceci, à la fois émotionnellement et économiquement. C'est beaucoup. Les gens ne réalisent pas ce que ça comporte.

En tout cas, des solutions, oui, je pense qu'il y en a à la fois au niveau global et à un moindre niveau. Donc, au niveau le plus global, le réchauffement planétaire s'abat et certains estiment que quatre cent mille personnes sont déjà mortes à cause du chaos climatique planétaire. Et ça ne va aller qu'en empirant, d'accord ? Donc, la meilleure chose à faire pour notre planète est de prendre les prairies saccagées qui ont été détruites par l'agriculture et de les laisser renaître. On laisse simplement l'herbe revenir. Si l'on faisait ça seulement pour soixante-quinze pour cent des prairies détruites du monde, en quinze ans, on séquestrerait tout le carbone, la totalité de ce qui a été émis depuis le début de l'ère industrielle. C'est une statistique incroyable.

Mais on doit se rappeler de ce que font les prairies. Ces herbes sont réellement douées pour construire le sol. C'est leur principal travail. Et la brique, c'est bien sûr le carbone. Donc, elles aspirent le carbone de l'air et construisent le sol. Et désormais, il est séquestré. En fait, ce matin même, j'ai lu un article fabuleux sur toutes les terres arables abandonnées en Russie. Les agriculteurs sont partis pour les villes et les fermes restent là. Et bien sûr, ce qui arrive c'est qu'elles reviennent à l'état de prairie ou de forêt très rapidement. Et quelqu'un a calculé la quantité de carbone qui a été réintroduite dans le sol simplement parce que les gens ont arrêté l'agriculture en Russie. Et c'est une quantité astronomique. C'est environ dix pour cent de tout leur carbone industriel qui a été re-séquestré simplement en ne faisant rien. C'était énorme. Je ne suis pas sûre à cent pour cent du chiffre exact mais c'était réellement stupéfiant. Et donc, là-bas, ils ne l'ont même pas fait volontairement et ça a commencé à arriver.

Donc c'est notre meilleur espoir. Aux États-Unis, on pourrait faire ça rien qu'à l'est du Mississipi. La première année, les États-Unis pourraient devenir une nation séquestrant du carbone. C'est une statistique vraiment extraordinaire mais totalement vraie. Et souvenez-vous simplement de ce que font les prairies. Elles construisent le sol. C'est leur principal travail. Donc, c'est un brin d'espoir.

Joe : Vous avez mentionné que l'on allait devoir affronter le fait que nous sommes trop nombreux sur la planète. Est-ce un problème aussi grave et rapide ?

Lierre : Oui. Eh bien pour moi, je ne vois pas ça... certaines personnes sont très terrifiées d'affronter cela en tant que concept au point qu'elles restent dans le déni à ce sujet, mais je pense qu'on devrait carrément l'affronter car les solutions qui aident la planète sont aussi réellement cruciales pour les droits humains. Donc, ce n'est pas les humains contre la planète, ce sont les humains avec la planète. C'est la seule chose qui nous mène vers le monde dont nous avons besoin. La première chose qu'on peut faire c'est de baisser le taux de natalité mondial, et apprendre aux filles à lire. C'est aussi simple que cela. Quand les femmes et les filles ont beaucoup plus de pouvoir sur leurs vies, elles choisissent d'avoir moins d'enfants. La première chose est d'éduquer les filles simplement en leur donnant une instruction de base. Quand les filles sont instruites, toute la communauté se porte mieux. On appelle ça l'effet multiplicateur car quand les filles vont mieux, les jeunes femmes vont mieux. Et quand les jeunes femmes vont mieux, leurs enfants aussi, et ensuite la communauté toute entière se porte mieux.

Et cela devient un cycle qui sort tout le monde de la pauvreté. Mais les femmes dans le monde ont très peu de contrôle sur les usages auxquels les hommes dominants soumettent nos corps. Donc, dans l'état actuel, environ la moitié des grossesses sont non désirées ou non planifiées. Tout ce qu'on a à faire c'est de donner aux femmes le contrôle de leur corps et le taux de natalité chutera de moitié. Pour moi, c'est extraordinaire. Et on devrait s'en préoccuper de toute façon parce que les femmes sont des êtres humains et on mérite d'avoir des droits humains. Et cela commence par « non, je n'ai pas envie de sexe. Non, je ne veux pas de bébé. Non, je veux tout de suite une éducation ». C'est tellement fondamental pour la vie de n'importe qui.

Et dans les pays où on a fait ça, ça a marché. L'exemple vraiment incroyable est l'Iran car c'est un pays contrôlé essentiellement par une théocratie religieuse, très conservatrice. Mais ils ont fait des calculs et ils ont vu que leur taux de natalité était pratiquement la limite biologique, la limite supérieure. Et ils ont réalisé qu'en une génération il n'y aurait plus nulle part où se tenir et encore moins d'eau à boire ou de nourriture. Et ils avaient un problème. « Donc, qu'allons-nous faire ? » Donc, ils ont fait une énorme réunion avec tous ceux qui se préoccupaient de la question et ont développé une approche à axes multiples mais au centre de laquelle il y avait l'idée qu'on devait éduquer les filles et donner aux femmes un certain contrôle sur leur vie.

Donc, ils ont d'abord proposé la contraception à tout le monde. Si on voulait avoir la permission de se marier, on devait suivre un cours sur la contraception. Et c'était gratuit et à disposition. Dans les villes, ils ont établis ce qu'ils ont appelé de petites maisons de santé, quasiment à chaque coin de rue, vous pouviez y aller et avoir des contraceptifs gratuits. Mais ça devait être culturellement approprié parce que s'il ne s'agissait que de contraception, personne n'allait y aller. Donc, ils ont dû prétendre que vous pouviez y aller et faire contrôler votre tension ou autre, faire analyser votre sang pour le cholestérol. Ce n'était pas vrai. Tout le monde savait un peu à quoi ça servait mais ça a marché. Donc les gens s'en sont vraiment servis.

Et dans les régions rurales, ils avaient des unités mobiles qui allaient de village en village et parlaient simplement à tout le monde. Et puis dans chaque quartier, ils ont des femmes qui se sont engagées à faire ça, des aînées de la communauté, qui ont été formées à différentes méthodes contraceptives et je ne sais quoi. Et elles allaient de maison en maison et parlaient à tout le monde. « Voulez-vous un contraceptif ? Comprenez-vous la contraception ? Quelles sont vos interrogations ? Que peut-on vous procurer ? » Donc, c'était vraiment énorme de donner l'accès à tout le monde.

Il y a eu un vrai tournant quand ils ont rallié la communauté religieuse et que de grands responsables religieux ont déclaré qu'il n'y avait rien dans le Coran contre la vasectomie ou la ligature des trompes. Donc, c'était parfait. Si vous aviez suffisamment d'enfants et ne pouviez en assumez plus, c'est réellement important pour dieu et vous êtes autorisés à dire que c'est fini pour vous, et donc littéralement en une nuit des hommes ont fait la queue pour se faire vasectomiser car ils ne voulaient pas avoir douze enfants non plus. C'était aussi leur vie qui était impactée par cela.

Alors, ça a fait une énorme différence. Et ensuite il y a eu toute une discussion à travers tout le pays où ils ont fait que certains scénaristes de feuilletons ou de téléfilms incluent des dialogues sur la contraception et la taille des familles dans les scénarios. Donc, vous aviez une jeune femme qui parle à sa mère du genre : « Oh, je ne sais pas, on va se marier. Que dois-je faire à propos de la contraception ? ». Et il y avait tout un dialogue sur le sujet, très ouvertement. Donc, ils ont rendu la conversation possible pour tout un chacun. Et il y avait des panneaux d'affichages sur le sujet.

Donc, ça a été une énorme entreprise d'éducation publique. Ils ont fait des efforts considérables pour augmenter l'alphabétisation féminine, donc des filles à l'école. C'est passé de vingt-cinq à soixante-quinze pour cent en cinq ans, ce qui est incroyable. Et donc, tout le monde a compris que garder les filles à l'école était important.

Un couple avec un ou deux enfants avait toutes sortes de réels avantages de l'état. Vous pouviez obtenir des coupons pour de l'alimentation et divers produits de garderie. Si vous aviez trois enfants, alors tous les avantages disparaissaient. Ils ne vous pénalisaient pas, mais vous n'aviez aucun avantage. Donc, il y avait définitivement un petit peu de bâton avec la carotte mais ce n'était pas comme en Chine avec ces sacrés horreurs quant aux droits de l'Homme. C'était simplement : « Oh, eh bien, plus de cadeaux ». Et tout ça mis ensemble, en cinq ans leur taux de natalité a chuté au niveau de remplacement.

À nouveau, il y a des choses dont on devrait se soucier de toute façon. Les gens méritent de contrôler leur vie reproductive. Les filles méritent d'être à l'école. Personne ne devrait se marier à douze ans. Et c'est tout ce qu'ils ont fait. Ils ont changé tout ça, très rapidement, ce qui montre aussi que le désir d'enfant des gens est réellement plastique. Il était en fait très malléable. Et face aux faits et à d'autres alternatives, ils ont arrêté d'avoir douze enfants. En fait, personne ne voulait se faire ça. Donc, ça a marché. Et ça a marché d'une manière vraiment magnifique qui a donné à tout le monde plus de pouvoir, de contrôle et de droits humains.

Et, c'est pour ça que je dis qu'il ne s'agit pas des humains contre la planète. C'est les humains avec la planète, c'est la seule façon d'avancer.

Pierre : Lierre, permettez-moi de revenir en arrière sur la surpopulation. Dans votre livre, vous expliquez que, en gros, depuis le 19e siècle, on fonctionne en capacité limite fantôme. On a réussi à atteindre une population tellement énorme, sept milliards peut-être, parce qu'indirectement on mange du pétrole. Donc, même si on fait marche arrière maintenant, qu'on transforme toutes ces monocultures annuelles en pâturages, on ne pourra nourrir ces sept milliards de gens car ils sortent d'une capacité limite fantôme.

Joe : Eh bien, elle vient juste de proposer une explication - une solution à cela qui est essentiellement que les femmes cessent d'avoir autant d'enfants afin que le nombre de gens qui meurent soit plus grand que le nombre d'enfants qui naissent, donc au bout d'une certaine période, on aura un déclin de population. C'est un objectif à long terme.

Lierre : Oui, il faudrait deux ou trois générations mais ça peut se faire. Pas besoin d'affamer la population ou ce qu'on voit dans ces terribles films dystopiques, Mad Max ou autres. On a tous ces idées horribles sur l'effondrement. Il n'est pas nécessaire que cela se passe comme ça. On pourrait prendre le contrôle de la situation, en tant que société, en tant qu'espèce, et le décider pour toutes ces très bonnes raisons. Personne n'a besoin d'avoir autant d'enfants et on en aura juste un ou deux chacun et c'est tout. Et très naturellement, la population diminuera simplement et on pourra vivre à nouveau d'une manière vraiment durable. Donc, avec la réduction de la population humaine, les prairies et les forêts pourraient renaître et on pourrait revenir à une nourriture simplement issue de ces communautés vivantes plutôt que de nous imposer à elles.

Et je pense que ce projet est très réalisable. Vous pouvez voir comment ça fonctionnerait. Il y a des pays qui ont déjà essayé certaines de ces choses et ont vu leur réussite. On a seulement besoin de compréhension politique et puis de volonté politique pour les mettre en œuvre. Et c'est là le problème.

Joe : Oui. Avant tout ces plans, on a besoin d'une révolution.

Lierre : Oui, tout à fait.

Niall : Alors on peut faire toutes ces choses. On a juste besoin de ça. Oh, OK, mais oui, je comprends. Nous humains sommes des créatures créatives. On trouve des solutions. On a essayé et testé nombre de chose qui ont fonctionné. C'est juste qu'il y a cette chose qui nous traque, vous savez, à chaque pas en avant, elle veut nous faire reculer de deux.

Joe : Oui.

Niall : Car pour chaque pays qui se dirige vers des compréhensions progressives, relativement séculaires, de la valeur de l'éducation, qui tente de réellement informer son peuple, vous avez deux pays qui sont ramenés à l'âge de Pierre, une clique de type Taliban s'empare du pouvoir et ça continue. C'est presque comme si pour chaque, disons, bon missionnaire qui vient de l'Occident, il y a deux joueurs qui foirent et prennent les gens et ramènent les pays à une existence moyenâgeuse. Je ne sais pas. J'ai beaucoup de foi envers les gens et ce qu'ils peuvent faire mais oui, à moins d'une révolution contre cette chose, la bête, pour que toutes les solutions marchent réellement, il faudrait que ça vienne d'en haut, exact ?

Lierre : Nous allons avoir besoin de rallier toutes les institutions qui contrôlent actuellement la société dans le monde entier.

Niall : Oui.

Lierre : Et elles ne veulent pas. Vous avez par exemple l'église catholique qui ne peut même pas se faire à l'idée des préservatifs. C'est ridicule. On a des hommes en robes qui disent aux femmes ce qu'elles doivent faire de leur corps. C'est totalement absurde, non ?

Joe : Faites passer quelques préservatifs.

Lierre : Oui [Rires].

Joe : Faites tourner. C'est une solution au problème catholique. Continuez. Désolé.

Lierre : Au moins, les pires d'entre eux ne se reproduisent pas au niveau supérieur mais ils semblent maintenir tous les autres en servitude. Ce qui est vraiment marrant chez les catholiques c'est que les nations fortement catholiques ont un taux de natalité négatif. Manifestement, les gens utilisent des contraceptifs. Je veux dire qu'ils se servent à l'évidence de la contraception. Personne n'écoute le pape. Il devrait la fermer un moment. Il devrait les écouter.

Mais je vois ce que vous voulez dire. Il y a tous ces fondamentalistes en tout genre dans le monde et ils contrôlent les ressources et laissent les hommes contrôler les femmes, et ils contrôlent l'argent, les structures de pouvoir et beaucoup d'entre eux sont de purs psychopathes. Et on les a laissé faire. On a récompensé leurs comportements au lieu de les désapprouver, on les a récompensés. Et c'est le problème avec des systèmes comme le capitalisme, la civilisation et le patriarcat, la racaille grimpe et ils sont récompensés. On aurait dû les jeter de la banquise quand ils avaient quatre ans et qu'il est devenu clair qu'ils ne se comporteraient pas bien avec les autres, quoi qu'il arrive, ou du moins ne pas leur donner le pouvoir de faire quoi que ce soit. On pourrait leur balancer de la nourriture de loin mais on ne le fait pas. À la place, ils gouvernent le monde.

Donc, c'est pour ça que le travail que vous faites sur cette question est si important. Votre maison d'édition, vous sortez des livres sur les psychopathes et c'est pour ça que j'écris des livres. Je veux que les gens comprennent l'étendue du problème, l'organisation du problème pour que l'on puisse parler de réelles solutions.

Pierre : Et en parlant de ça, je ne suis pas sûr que la solution vienne d'en haut parce que comme vous l'avez dit, les psychopathes sont au pouvoir. Quand vous vous informez sur la psychopathie, une des deux principales caractéristiques de ces étranges profils psychologiques est : a) leur pouvoir, la quête de davantage de pouvoir et d'argent, et b) le plaisir à la souffrance d'autrui. Et finalement j'ai réalisé qu'avec l'agriculture, ils ont atteint ces deux objectifs. Ils ont réussi à transformer toute la population en drogués, littéralement des mort-vivants qui veulent payer la drogue qui les détruit. Donc, ils obtiennent l'argent et la souffrance des autres. Donc, d'un point de vue psychopathique, l'agriculture est géniale.

Lierre : Oui, c'est un système plutôt parfait. Mais la seule bonne chose c'est qu'il y a toujours des gens qui ne veulent pas être esclaves. Prenez n'importe quelle période de l'histoire, il y a toujours une résistance.

Pierre : Oui.

Lierre : Et avec toute la vie en jeu, je dois croire que la résistance se développera.

Pierre : Oui, c'est là un double défi, je suis d'accord avec vous. Je pense que si un changement survient, il viendra d'en bas, du mouvement collectif de gens qui en ont assez de souffrir, en gros. Et il y a un double défi parce que : a) on a besoin de cette conscience croissante à propos de ce système dans lequel on vit, cette dimension psychopathique, la nature réelle de nos élites, et b) on doit vouloir aller au-delà de notre dépendance qui aveugle notre pensée, qui nous rend subjectifs et nous empêche de voir les choses telles qu'elles sont. Donc, il y a un double défi à relever.

Joe : Je voudrais étudier une petite théorie de mon cru et voir ce que vous en pensez, Lierre, à propos des végétariens et des végétaliens. Comme on l'a un peu mentionné précédemment, la façon dont ils semblent avoir presque une plus grande affinité pour les animaux que pour les humains, que telle est la force de leur dégoût et de leur aversion à l'idée de tuer des animaux et de les manger. Je me demande si : a) vous pensez qu'il peut y avoir une sorte de problème insoluble par rapport à un certain nombre de gens sur la planète qui en fait, pour résumer, diraient que les animaux sont plus importants que les humains et laisseraient les humains mourir et les animaux rester quoi qu'il arrive, peu importe la solution qu'on leur présente, jamais ils n'envisageront que l'idée de tuer un autre animal est convenable. Peut-être que c'est une première chose.

Lierre : Eh bien, à un niveau, ça n'a pas vraiment d'importance que des gens s'accrochent aussi fortement à une idéologie comme celle-là parce qu'ils n'ont pas vraiment de pouvoir. Ils ne peuvent rien faire avec une idéologie comme ça. Et honnêtement, je pense que les solutions sont très simples. Ils n'ont qu'à cultiver leur propre nourriture et ils verront. Et c'est comme ça que j'ai appris. J'ai simplement essayé moi-même et j'ai pu voir que peu importe la façon de m'y prendre, ça se terminait avec un animal mort. Et à un moment donné, dans la lutte contre les limaces, j'ai tout simplement abandonné. Je n'arrivais pas à les tuer. Je ne savais pas quoi faire. Donc, je suis allée au magasin acheter de la laitue et du brocoli au lieu de les cultiver et pendant une seconde, j'ai éprouvé un sentiment de soulagement, du style « Oh, dieu merci. J'en achèterai à la place ». Et je me suis littéralement retrouvée là avec cette laitue dans les mains et il y a eu ce moment : « Mais grandis. Grandis enfin ! C'est ridicule. Penses-tu que les gens qui ont produit cette laitue n'ont pas tué de limaces ? Évidemment qu'ils ont tué des insectes pour que tu aies cette laitue. Ils en ont probablement tué bien plus. Ils ont probablement utilisé d'horribles produits chimique et tué des oiseaux, des reptiles et des mammifères ainsi que quelques limaces. Tu te leurres si tu penses qu'il n'y a pas de mort à chaque étape de la culture de cette laitue. ». Et ça a été un moment vraiment difficile mais c'était la réalité. Mais c'était tellement mieux de finalement y faire face et d'arrêter de fuir. C'est comme si ma vie dépendait de la mort. On doit simplement tenir bon et y faire face.

Donc, je pense que, s'il y a des gens qui sont dans le même état d'esprit que celui où j'étais, je pense qu'il y a une solution vraiment simple. Cultivez votre propre nourriture et vous verrez. Il n'y a pas d'issue à ça.

Joe : Si j'ai pensé à ça c'est à cause de l'idée que certaines personnes, certains êtres humains sont légèrement différents des autres. Disons, que de façon assez fondamentale, on ne naît pas égaux ou tout le monde n'est pas créé de la même façon, parce que j'ai aussi remarqué - peut-être que je me trompe - mais j'ai l'impression que certains végétariens se portent beaucoup mieux que d'autres.

Lierre : Je pense que si on est végétarien, c'est plus facile que d'être végétalien parce qu'au moins on a certaines graisses animales et certaines vitamines liposolubles. Donc, on peut traîner beaucoup plus longtemps sous ce régime. Le végétalien tombe en ruines tout simplement. C'est inévitable. Mais les végétariens peuvent durer plus longtemps.

Joe : N'y a-t-il pas d'exemples de végétaliens en bonne santé ?

Lierre : Non, je suis désolée, mais il n'y en a tout simplement pas. Vous pouvez continuer un moment. Quand vous avez la vingtaine, vous pouvez vous en sortir avec quasiment n'importe quoi. Mais dès trente ans, ça va être l'épreuve de vérité. Et je dirais que pour ces gens, même dans la vingtaine, leur corps s'est construit sur des produits d'origine animale. Il n'y avait pas de grossesses végétaliennes. Leurs mamans ont mangé des produits animaux. Et bien entendu, dans toute leur enfance, ils ont bu du lait, mangé des œufs, du steak haché. Et ensuite, pendant quelques années, ils décident d'essayer ça. Eh bien, allez-y mais pour finir vous êtes constamment en perte de vitesse. Vous épuisez simplement les nutriments de votre corps jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus.

Joe : Oui, il y a eu en fait un cas en France il y a quelques années où une mère qui avait été végétalienne pendant toute sa grossesse et même avant et quand elle a allaité le bébé, il a fini par mourir et ils ont accusé son régime alimentaire.

Lierre : Oui.

Joe : Et son lait et son alimentation avant la naissance du bébé, les nutriments que recevait la mère n'étaient pas suffisants pour nourrir le bébé et par la suite, quand elle l'a allaité, ça n'a pas suffi non plus et le bébé est mort. C'est une sacrée mise en cause du régime végétalien, vous savez ?

Lierre : Oui, on voit de temps en temps apparaître ces histoires aux infos mais il est bon de se rappeler que le lait maternel ne sert qu'à la nutrition. Donc, si n'avez pas une alimentation suffisamment riche en nutriments, il n'y aura pas moyen de produire ce lait. Donc oui, je veux dire que le lait de la mère est toujours meilleur mais dans le cas de quelqu'un qui est végétalien, non, le lait de la mère n'est pas meilleur. Le lait de la mère fera mourir cet enfant de faim.

Pierre : Je voulais juste faire un commentaire sur ce que vous avez dit précédemment. Je pense qu'il y a en effet beaucoup d'hypocrisie, en ce que les végétariens développent leur bonne conscience sur cette hypocrisie tant qu'ils ne voient pas ce qu'il y a au-delà des produits végétariens qu'ils consomment. Pour pas cher, ils accèdent facilement à la bonne conscience. Et s'ils savaient ce qu'il y a au-delà du pauvre brocoli, toute la souffrance, ils détruisent la nature, la faune et la flore, les engrais azotés et toute la mort impliquée dans ce brocoli, ils réaliseraient que ce n'est pas aussi rose qu'ils le pensent. Et ça me rappelle quand j'étais végétarien, la seule viande que je consommais c'est en fait quand j'allais à la pêche sous-marine, donc passer des heures dans la mer à essayer d'attraper un poisson. Et il fait froid, c'est fatiguant. Vous attrapez le poisson. Vous le tuez, ce qui n'est pas très séduisant et vous le ramenez. Vous devez l'éviscérez, etc., etc. C'est beaucoup de travail. Et vous vous sentez vraiment mal en le tuant. Et c'est une telle inversion des valeurs. Quand vous mangez du brocoli, vous vous sentez bien. « OK, je n'ai pas tué d'animaux. Tout est propre. Tout est joli », bien que cela induise un tas de destruction. Et de l'autre côté, quand vous tuez vous-même un poisson, comme un chasseur ou un pêcheur, vous vous sentez mal parce que vous avez la mort en face de vous bien que dans ce cas, ça pourrait être la façon la moins nuisible de vous nourrir. Parce que les choses sont claires, la dernière question est : OK, c'est lui ou moi, parce que si je ne mange pas je meurs, si je le mange, il meurt. Donc, on ne peut pas retirer la mort de l'équation.

Lierre : Oui, je pense que vous avez parfaitement raison. Et c'est un moment difficile.

Joe : Je pense que les végétaliens et les végétariens ont réellement besoin de réaliser qu'en soutenant l'agriculture moderne, ils soutiennent un système qui tue beaucoup d'animaux. Elle nuit aussi et, finalement, tue beaucoup d'êtres humains car en soutenant l'agriculture moderne, ils soutiennent tout ceux dans le monde qui mangent des céréales, ce qui provoque toutes sortes de troubles et de maladies modernes et ça tue beaucoup de monde. Et ils soutiennent aussi un système, une hiérarchie au sommet de la pyramide qui contrôle cette agriculture moderne, qui est étroitement liée aux grandes entreprises, au gouvernement, à l'armée qui tue aussi beaucoup de gens dans le monde de manière très directe. Donc, de tous les côtés, ils soutiennent un système très destructeur qui tue tout le monde, au bout du compte, toutes formes de vie sur cette planète, de bas en haut, si les humains sont en haut.

Niall : Il n'est pas difficile de voir comment, en tant qu'idéologie, c'est séduisant pour les gens qui se sentent concernés, et qui sont contrariés par ce qu'ils voient et souhaitent faire quelque chose.

Joe : Mais qui ne pensent pas.

Niall : C'est bien ça.

Joe : Et qui peut-être ne peuvent pas penser.

Niall : Oui, ça revient à l'étendue de réalité que l'on voit. Ce que tu as dit, Pierre, me rappelle le dicton « loin des yeux, loin du cœur ». Et je pense que ça s'applique dans l'ensemble à tout le monde. Les gens ne réalisent pas d'où vient leur nourriture, donc ils n'y pensent pas. Et ce ne sont pas seulement les végétaliens/végétariens. Lierre, vous avez dit vous-même il y a quelques minutes, et je pense que ça résume votre livre, pour moi en tout cas, ce qui marque les esprits, c'est qu'il s'agit de grandir. Et ça ne vous laissera pas désespéré et déprimé. C'est au service de la vie car on apprend des faits importants de la vie qui donnent bel et bien de l'espoir et des idées. Vous êtes avec nous ici aujourd'hui et c'est super de vous entendre parler car vous êtes clairement passionnée par le sujet.

Joe : Elle a traversé ce processus.

Niall : Vous l'avez traversé et vous comprenez. Vous voyez davantage de réalité et de potentiel chez les gens. Vous voyez plus de solutions.

Joe : Mais nous sommes confrontés à une réalité déplaisante, aux faits de la réalité dans laquelle nous vivons et la vie que nous menons. Et sortir de cette vision du monde farfelue d'amour et de lumière un peu idéaliste qui bloque beaucoup de la réalité en coulisses, et c'est ça grandir.

Juliana : En fait, je voulais simplement vous remercier parce que vous ne le savez peut-être pas car tout le monde ne vous a pas écrit, mais nous avons des milliers de gens sur notre forum et en fait probablement quelques centaines ont tenté de changer leur alimentation. Et ce qui est surprenant, c'est que tout le monde a des problèmes auto-immuns, toutes sortes de problèmes, psychologiques ou physiques, et les effets ont été surprenants, y compris pour nous. C'est simplement stupéfiant. Et je ne pense pas que vous savez tous les gens que vous aidez avec votre travail. Donc, pour les gens, si vous écoutez et que vous n'avez pas lu ce livre, ça s'appelle Le Mythe végétarien de Lierre Keith et vous devriez vraiment le lire. Et il existe aussi en français.

Pierre : Oui, il existe en français. On l'a traduit et on en est très fiers. On a commencé à le faire il y a deux ans environ par ce qu'on était tellement enthousiasmés par le livre. Il ouvre vraiment les yeux et je peux partager un témoignage. J'ai été végétarien pendant onze ans, comme je l'ai dit. Et après ces onze années, je suis tombé vraiment malade, et j'ai eu deux cancers du cerveau qui sont considérés parmi les plus incurables, des cancers de stade 3. Et c'est à cette époque que j'ai changé d'alimentation. Et j'ai arrêté d'être végétarien et ce problème est apparu il y a environ quatre ans. Et je suis toujours en vie aujourd'hui et le taux de mortalité est de l'ordre d'environ quatre-vingt-trois pour cent. Bon, on ne peut tirer de statistiques ou de règles à partir d'un cas isolé, mais je peux témoigner que je pense que ce changement d'alimentation a significativement contribué à ma survie et à ma santé. Donc, je vous remercie de diffuser ce message très important.

Lierre : Eh bien, merci d'avoir partagé votre histoire. C'est plutôt profond. Sur le cancer en particulier, on sait une chose absolument vraie, c'est qu'il mange du sucre. Donc, si vous retirez tout le sucre, et ça inclut les céréales parce que c'est vraiment ce que c'est, tout le sucre de votre alimentation, vous ferez simplement mourir de faim ces cellules cancéreuses. Et c'est pourquoi le cancer est ce qu'on appelle une des maladies de civilisation. Les chasseurs-cueilleurs n'attrapaient pas le cancer. Ce sont seulement les agriculteurs qui le font. Et on considère que ça fait partie de la vie parce que tout le monde l'attrape. Mais c'est faux. Même dans les années 1950, dans le Canadian Medical Journal, il y a eu un article qui débutait par quelque chose comme : « Bon, on sait tous que les Esquimaux n'ont pas de cancer ». Et non, regardez ce qu'ils mangent. Des mammifères marins et du poisson, il n'y a pas de sucre dans leur alimentation. Et ils n'ont pas le cancer. Bien sûr, tout a changé maintenant. Leurs modes de vie traditionnels ont été quasiment détruits. Mais on a pu observer le cancer se répandre tandis que ce que Weston Price appelait les aliments déplacés du commerce moderne se diffusaient dans le monde. Mais ce n'est pas normal. Ce n'est pas naturel. On n'est pas tous censés attraper le cancer. Et rien que ce simple fait que le cancer mange du sucre peut sauver de nombreuses vies si on le sait. Éliminez les céréales. Éliminez le sucre et regardez ce qui arrive.

Pierre : Et on doit insister pour certains auditeurs qui peuvent ne pas savoir que les céréales, les féculents et tout ça ne sont que des glucides qui au final seront transformés en sucre. Donc, le sucre ce n'est pas seulement le truc agréable qu'on met dans le thé ou le café.

Lierre : Oui, chaque molécule sera décomposée en sucre simple. Donc vous appelez ça des glucides complexes, mais quand votre corps en a fini avec, c'est transformé en sucre simple. Et votre pancréas et vos récepteurs à insuline doivent s'occuper de chaque molécule qui reste. Donc, c'est la même chose. La quantité de glucides complexes qu'on nous dit de manger aux États-Unis - on a cette pyramide alimentaire où les glucides représentent la base de l'alimentation - ça équivaut à deux tasses de sucre par jour. C'est la quantité de sucre qu'on nous dit de manger. C'est fou ! Le corps humain n'a jamais été censé traiter autant de sucre. Pas étonnant que tout le monde soit aussi malade. Je ne sais pas comment c'est où vous êtes mais ici tout le monde a mauvaise mine. Tout le monde est malade. Tout le monde a du diabète, une maladie du cœur, un cancer, c'est terrible.

Niall : C'est général.

Juliana : Et Lierre, je me sens vraiment mal pour tous ces gens qui ont de bonnes intentions mais prétendent qu'on peut vivre sans manger et juste respirer ou je ne sais quoi. Et j'aimerais savoir ce que vous leur dites, parce que pour moi, c'est comme, si je fais ça, oui je ne tuerai rien mais je ne penserai pas. Je ne ferai rien de ma vie. Quel est le but de ce genre de vie où vous ne pouvez rien faire pour faire une petite différence dans le monde ? Que dites-vous à ces gens qui disent : « Non, je crois vraiment qu'on peut contempler le Soleil et vivre de rien ? ».

Lierre : Ces personnes ont un trouble de l'alimentation [Rires]. Elles sont anorexiques. Sérieusement ! Elles ont besoin d'aide. Elles ont trouvé une idéologie qui soutient leur trouble de l'alimentation et il existe en fait un mot pour ça, on appelle ça de l'orthorexie nerveuse, comme « orthodoxie », donc orthorexie nerveuse. Et c'est la même chose, la même biochimie est impliquée quand les gens sont accro à leur propre faim. Et de l'aide existe mais elles ont besoin d'aide. Et on ne peut pas en dire tant que ça à des gens qui sont aussi malades parce que c'est simplement une maladie mentale à ce stade. Tous ceux qui dans leur vie s'occupent d'elles, leur famille, leurs amis, tous ces gens ont besoin d'intervenir. Et elles ont besoin d'une intervention, elles doivent aller à l'hôpital parce que c'est simplement de la folie. On ne peut pas vivre sans calorie. On a besoin d'énergie. Nous ne sommes pas des plantes. On ne peut pas faire de photosynthèse. Donc, je ne peux pas dire grand-chose.

Juliana : On en a vu quelques-uns donner des conférences ou autres parce qu'ils peuvent survivre pendant peut-être trois mois. Et ils pensent se sentir bien et ensuite, trois mois plus tard, on apprend qu'ils ont fini à l'hôpital.

Lierre : Évidemment.

Juliana : Et les gens les croient encore.

Joe : Oui, ou vous apprenez qu'ils se sont enfilés des Mars ou des Snickers quand personne ne regardait.

Lierre : Oui.

Pierre : Ce qui est aussi trompeur, c'est qu'il n'y a pas toujours une corrélation directe immédiate entre ce qu'on mange et notre état de santé. C'est ce qu'on appelle une « maladie silencieuse », des processus métaboliques qui se développent sur des années et des années et on a l'air en bonne santé pendant des décennies, et un jour on peut tomber raide mort d'un anévrisme, d'une attaque, de n'importe quoi. Donc, ce n'est pas parce qu'un végétarien a l'air en bonne santé, végétarien ou non végétarien, ce n'est pas parce que quelqu'un a l'air en bonne santé maintenant qu'il est sur la bonne voie nutritionnellement parlant.

Lierre : Eh bien, la chose à se rappeler est qu'on est en perte de vitesse. Quand vous avez une alimentation qui ne contient pas tous les nutriments dont vous avez besoin, les minéraux, les vitamines liposolubles, la graisse elle-même, tout est puisé dans des organes ou des tissus de votre corps. Et ça ne peut pas durer plus longtemps que ça.

Pierre : Oui.

Joe : Il me semble qu'au final, la vision d'ensemble est que les pouvoirs en place ont institué un système ici sur la planète Terre où la nourriture, les nutriments de base qui gardent les gens en vie, sont conçus pour les tuer.

Niall : Ou les garder à cran.

Joe : Ou les garder tellement malades et mentalement embrouillés qu'ils ne peuvent rien y faire. C'est une théorie conspirationniste mais, vous savez, ça colle. Mais ça n'a pas nécessairement besoin d'être un complot au sens où ça pourrait juste être une évolution naturelle du genre d'état d'esprit psychopathique où c'est un peu tout ce que je fais, mon âne le refait. C'est du genre : « on veut ça et on va y aller et l'avoir et au diable les conséquences ». Et si on laisse ça se perpétuer, on va avoir de terribles résultats. On aura la destruction, l'entropie et un effondrement du système au bout du compte.

Lierre : Je suis au courant pour l'ancienne société aztèque, une civilisation basée sur le maïs...

Niall : Ce n'est pas tellement différent mais mis à part un réel désastre ultime, ça me frappe que même à l'heure actuelle, quand vous parlez à un tas de gens qui voient beaucoup de ce qui se passe sur la planète, ils retombent toujours dans « une croyance est une croyance », c'est-à-dire que ce n'est pas vrai, que les choses vont toujours bien, qu'il y a toujours autant de bien qu'il y en avait. Nous sommes huit milliards et de plus en plus de gens ont accès aux ressources de base, à la nourriture et ainsi de suite. Mais quelle est la qualité de vie des gens ? C'est un peu comme...

Joe : Une nation d'esclaves.

Niall : C'est une nation d'esclaves mais en même temps, pour que ça reste comme ça, ils ont besoin de lunettes idéologiques roses pour recouvrir la réalité.

Joe : Je pense, comme Lierre l'a mentionné tout à l'heure, quand ont dit que la morphine du gluten et la morphine tirée de la caséine, la casomorphine je crois, les gens mangent du blé et des produits laitiers tous les jours de leur vie, la plupart des gens du monde occidental. Donc ils sont drogués et ils aiment ça. Dans une certaine mesure, les gens vivent évidemment des épreuves mais cela calme beaucoup de monde. Je ne pense pas qu'on puisse ignorer l'effet de la nourriture sur les gens pour ce qui est de les maintenir satisfaits et tranquilles. Et c'est pour ça qu'on dit toujours qu'il n'y a une révolution, une vraie révolution qui ait un effet, que quand les gens ont faim, quand on leur enlève leur drogue au fond. Et on parle de drogue ici, de morphine, ou d'une version de morphine.

Pierre : Les opioïdes vous gardent suffisamment en vie pour être esclave mais pas suffisamment vivant pour vous libérez.

Joe : Sommes-nous trop pessimiste ici ?

Niall : Je suis curieux de savoir à quoi ressemble son alimentation désormais. Elle parle de graisses animales et de viande donc elle mange vraisemblablement beaucoup de viande. Je me demande si elle a entendu parler du régime cétogène dont on a discuté à l'émission parce que ce n'est pas seulement qu'on a besoin d'un régime naturel tout ce temps. Il y a une alimentation naturelle, une qui correspond. Elle a reçu le nom de « régime cétogène ». On se demande ce que c'est mais en gros, c'est l'alimentation naturelle ou qui l'a été pendant des centaines de milliers, si ce n'est des millions d'années pour les humains en développement. Et ne serait-ce que tout ce qu'on a mangé incorrectement, pour ainsi dire, grâce à l'agriculture au cours de ces dix mille dernières années, la science est aujourd'hui revenue à la case départ pour montrer ce que la vraie nutrition peut être et devrait être.

Joe : Merci d'avoir été présente à l'émission. C'était super et peut-être que vous reviendrez une autre fois pour approfondir ces questions.

Lierre : On dirait un plan.

Juliana : Merci, merci pour tout votre travail.

Joe : De notre part à tous, oui.

Pierre : Merci Lierre.

Lierre : Merci à tous et à tous les auditeurs.

Joe : On arrivait à la fin de toute façon.

Lierre : OK.

Joe : OK, donc veux-tu terminer ce que tu disais Niall ?

Niall : Non, restons-en là. Je veux juste remercier Lierre d'être venue. Merci d'avoir écrit votre livre. Merci de lutter et de vous sentir concernée. On a besoin de plus de gens comme vous.

Pierre : Et merci à vous pour l'espoir.

Joe : Oui, très bien. On va arrêter là pour cette semaine. Jusqu'à la semaine prochaine, passez une bonne semaine. Merci à nos chatters, à nos auditeurs et aux appelants que l'on n'a pas pu prendre. On reviendra la semaine prochaine avec une autre émission et on verra sur quel sujet pendant la semaine aux endroits habituels.