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© AFP/Frank PERRYMagistrats, greffiers, fonctionnaires et avocats du Palais de Justice de Nantes ont reporté les audiences du 7 février
Les magistrats organisaient la riposte lundi, quatre jours après les accusations de laxisme de Nicolas Sarkozy

Fruit d'un "ras-le-bol" des magistrats qui réclament plus de moyens, cette épreuve de force est sans précédent et menace de s'étendre.

Après Nantes, une cinquantaine de juridictions - un quart du total - ont décidé de reporter toutes les audiences non urgentes jusqu'à jeudi, où une manifestation nationale de magistrats est prévue à Nantes.

Cette "grève" a été menée notamment à Bordeaux, Aix-en-Provence, Lyon, Besançon, Pointe-à-Pitre, Mayotte, Strasbourg, Dijon, Saint-Etienne, Avignon, Auxerre, Bayonne, Rennes, La Rochelle, et au Havre.

Mardi, le mouvement pourrait s'étendre: environ 150 assemblées générales sont programmées, notamment à Paris, selon les syndicats.

Evénement rarissime, même les magistrats de la Cour de cassation, plus haute instance judiciaire du pays, songent à se joindre au mouvement de protestation.

"C'est une sorte de raz-de-marée, c'est vraiment le ras-le-bol de l'intégralité des magistrats français", a dit à Reuters Virginie Valton, vice présidente de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).

Le secrétaire général du Syndicat de la Magistrature (SM, gauche), Matthieu Bonduelle, estime n'avoir "jamais vu un état de mobilisation pareil".

François Fillon a appelé lundi les magistrats à la "responsabilité". "Leur réaction est excessive. Je crains qu'elle ne puisse pas être comprise des Français", a déclaré le Premier ministre.

Nicolas Sarkozy: un multirécidiviste, pour Marc Trévidic

Le juge antiterroriste Marc Trévidic a estimé lundi que Nicolas Sarkozy était un "multirécidiviste" dans ses attaques contre les magistrats. "Je pense qu'il est largement temps de lui appliquer la peine plancher, puisqu'il faut être très dur envers les multirécidivistes", a ironisé sur France Info le juge, qui préside l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI).

"Cela fait des années qu'on dit qu'on n'a pas les moyens de fonctionner normalement, cela ne date pas de Nicolas Sarkozy", a admis le juge. Mais la différence, c'est que maintenant, "en plus, c'est de notre faute".

"On vote plein de lois pour satisfaire les citoyens qui réclament de plus en plus de sécurité, et dès qu'on a voté une loi, on se moque complètement de son application", a-t-il constaté: "Il n'y a pas de politique à long terme, il n'y a que de l'affichage, que du pipeau."

Les juges dénoncent le manque de moyens

Pour les professionnels de la justice, les seules défaillances dans le suivi de Tony Meilhon, le principal suspect du meurtre de Laëtitia Perrais à Pornic (Loire-Atlantique), sont liées au manque de moyens de la juridiction nantaise. Les responsables avaient à plusieurs reprises tiré la sonnette d'alarme et informé qu'ils avaient des dizaines de dossiers en attente.

Un syndicat policier dénonce la tentation de "chercher des lampistes"

Deux importants syndicats de policiers, le SNOP et Unité SGP-FO, respectivement majoritaire chez les officiers de police et premier syndicat des gardiens de la paix, ont également haussé le ton vendredi contre le président de la République.

Le Syndicat national des officiers de police (Snop) dénonce la tentation pour le pouvoir politique de chercher des "lampistes", tandis que Unité Police SGP-FO dénonce une "mode qui consiste à rechercher à l'occasion d'événements médiatisés, pour satisfaire l'opinion publique, la responsabilité des serviteurs de l'Etat".

Les propos de Nicolas Sarkozy

En visite jeudi 3 février à Orléans, Nicolas Sarkozy avait affirmé que les "dysfonctionnements graves" des services de police et de la justice, qui ont permis la remise en liberté du principal suspect du meurtre de Laëtitia à Pornic (Loire-Atlantique), seraient sanctionnés.

"Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés, c'est la règle", avait déclaré le chef de l'Etat lors d'une allocution devant des policiers et gendarmes réunis au commissariat central d'Orléans. C'était là son premier déplacement sur le thème de la sécurité depuis septembre.

Faisant écho aux propos de Nicolas Sarkozy, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux avait enfoncé le clou, vendredi dans un entretien à France Soir, estimant que d'éventuels "dysfonctionnements" ne pourraient pas "rester sans réponse. (...) C'est pour cela qu'avec le garde des Sceaux nous avons diligenté des enquêtes d'inspection. Au vu de leurs résultats définitifs, nous verrons quelles suites doivent leur être données." Tentant de calmer le jeu, le Garde des Sceaux Michel Mercier a proposé pour sa part de rencontrer les syndicats.