Traduit par Résistance 71

"Le président Hosni Moubarak a décidé de laisser la présidence de l'Egypte et a designé le haut conseil des forces armées pour présider aux affaires du pays." A déclaré Souleiman dans ine breve annonce télévisée. "Puisse Dieu nous venir en aide".

Des cris de joie pouvaient être entendus dans les rues du Caire avant même que Souleiman s'arrêta de parler. Et bien qu'il n'y ait eu un moyen quelconque de savoir si l'armée suivrait sa promesse de sauvegarder le processus d'élections démocratiques, la foule était euphorique a la nouvelle que les trente ans de régime Moubarak étaient terminés. "L'Egypte est libre, l'Egypte est libre", chantait la foule sur la place Tahrir. "Le régime est tombé."
(Washington Post du 11 Février 2011)

Un pharaon arrogant est tombé. Les Egyptiens chantent peut-être que leur pays est libre, mais leurs peines et luttes sont loin d'être terminées. La République Arabe Unifiée d'Egypte n'est pas encore libre. L'ancien régime et le vieil appareil d'état sont toujours en place et attendent que l'affaire se décante. L'armée égyptienne est officiellement en charge du pays et la contre-révolution émerge déjà. Une nouvelle phase de lutte pour la liberté a commencé. Les soi-disant "phases transitoires" désirées par les régimes en place en Tunisie et en Egypte sont utilisées pour gagner du temps afin de réaliser trois choses.

Le premier objectif est d'éroder et d'éventuellement briser les demandes des peuples. Le second but est d'oeuvrer pour préserver les mesures et politiques économiques néolibérales, qui seront utilisées pour subvertir le système politique et pour resserrer la camisole de la dette extérieure. Finalement, le troisième but est la préparation de la contre-révolution.

Les "sages"égyptiens auto-proclamés et incompétents commencent a émerger, ceux-ci clamant qu'ils parlent au nom du peuple arabe. Ceci inclue le soi-disant "comité des sages" en Egypte. Ces figures non élues sont supposées négocier avec Moubarak et son régime au nom de la population égyptienne, mais ils n'ont aucune représentativité du peuple. Le secrétaire général de la Ligue Arabe, Amr Moussa en fait partie. Moussa a également fait savoir qu'il était intéressé a devenir un futur membre du cabinet ministériel au Caire. Toutes ces figures sont soit des initiés du régime ou des agents du statu quo.

Parmi ces individus auto-choisis, se trouve le patron de Orascom Telecom Holding (O.T.H), le milliardaire égyptien Naguib Sawiris. Bloomberg dit ceci a propos de Sawiris: "La plupart des hommes d'affaires égyptiens font profil bas ces derniers temps. Les manifestants de la place Tahrir au Caire les tiennent pour responsables des maux de l'Egypte, et des émeutiers ont même saccagé quelques unes de leurs propriétés. Quoi qu'il en soit, le magnat Naguib Sawiris, PDG de Orascom Telecom Holding, la plus grosse compagnie de télécommunication au Moyen-Orient, est au Caire, traitant depuis son téléphone cellulaire, apparaissant a la télévision et (comme membre du comité officieux des "sages"), négocie avec le nouvellement appointé vice-président Omar Souleiman a propos d'un transfert graduel du pouvoir de Moubarak. Loin d'être découragé, le milliardaire pense qu'une économie égyptienne encore plus vibrante émergera du tumulte. [1] Les soi-disant "sages d'Egypte" se sont engagés dans la bravade. A qui le pouvoir sera-t-il "graduellement transféré" ? A une autre personnalité non élue comme Souleiman ?

Quelle est la nature des négociations ? Le partage du pouvoir entre un régime non élu et une nouvelle caste ? Il n'y a rien a négocier avec des despotes illégitimement au pouvoir. Le rôle joué par ces "sages" est celui de "l'opposition fabriquée" qui gardera les intérêts qui étaient en place derrière le régime Moubarak et ainsi diluer les véritables mouvements d'opposition en Egypte.

Al-Mebazaa a reçu des pouvoirs dictatoriaux tandis que les réservistes tunisiens sont mobilisés

En Tunisie, les réservistes de l'armée sont rappelés en service pour gérer la protestation. [2] La mobilisation de l'armée tunisienne a été justifiée pour combattre le désordre et la violence alors que le régime tunisien fut lui-même a l'origine de la majorité de ce désordre et cette violence. En même temps que la mobilisation des réservistes tunisiens, Fouad Al-Mebazaa, le président par intérim de la Tunisie, a reçu des pouvoirs dictatoriaux.[3] Al-Mebazaa fut l'homme que Ben Ali choisît comme porte-parole parlementaire et une figure proéminente au sein du parti de Ben Ali, le Ralliement Démocratique Constitutionnel. Les manifestants ont essayé d'empêcher pacifiquement les membres du parlement tunisien de voter l'attribution de ces pouvoirs dictatoriaux a Al-Mebazaa, en bloquant l'accès au parlement.

Les membres du parlement tunisien sont tous des membres de "l'ancien régime". Durant les protestations, le parlement tunisien a réussi a avancer avec son plan: "les législateurs ont éventuellement outrepassés les manifestants en ayant accès au parlement en passant par une porte de service, l'agence TAP a rapporté. Dans un vote de 117 voix pour contre 16, la chambre basse a approuvé le plan de donner au président par intérim Fouad Al-Mebazaa, les pouvoirs temporaires de passer les lois et les décrets."[4] Le jour suivant, le sénat l'approuva également.[5] Al-Mebazaa peut maintenant sélectionner des gouverneurs et des officiels du gouvernement a volonté, changer les lois électorales, donner l'amnistie a qui il jugera bon et court-circuiter toutes les institutions d'état par ses décrets-lois. La motion qui donna les pleins-pouvoirs a Al-Mebazaa et ce qui peut être vu comme des pouvoirs dictatoriaux est une illustration des nombreuses facettes de la "démocratie cosmétique". Cet acte du parlement tunisien est présenté comme un acte démocratique du vote des représentants du peuple, mais en réalité tous ses membres ont été sélectionnés par le régime de Bel Ali.

Les généraux de l'armée égyptienne et du vice-président Souleiman sont une continuation de Moubarak

En Egypte, les commandants en chef de l'armée ont dit qu'ils ne toléreraient plus les manifestations bien longtemps. La tête dirigeante de l'armée égyptienne est très impliquée dans le statu quo cleptocratique institué par le régime Moubarak. Tous les généraux et officiers supérieurs de l'armée égyptienne font tous partie de la classe capitaliste. Sans aucune distinction, le leadership de l'armée égyptienne et le régime Moubarak ne sont qu'un. Tous les membres clefs du régime proviennent de l'armée. Omar Souleiman, le nouveau vice-président et le général qui fut en charge des services de renseignement du pays, a déja commencé a faire machine arriére sur les promesses faites par Moubarak et lui-même. Le New York Time a reporté que "Omar Souleiman dit qu'il ne pense pas qu'il est temps de lever la loi d'urgence qui sévit en Egypte depuis 30 ans, loi qui a été utilisée pour supprimer et emprisonner les leaders d'opposition."[6] Quelques jours avant la démission de Moubarak, Souleiman a aussi déclaré "le président Moubarak n'a pas besoin de démissionner avant la fin de son mandat en Septembre 2011 et que l'Egypte n'était pas prête pour la démocratie."[7]

Des batailles ont été gagnées mais la lutte continue...

Le danger grandit. Les peuples de Tunisie et d'Egypte devraient être attentifs au fait que le gouvernement Etats-Uniens et l'Union Européenne sont en train de faire leurs jeux. Ils supportent a la fois la contre-révolution des anciens régimes, mais oeuvrent également pour contrôler et coopter les résultats des mouvements de contestation. D'autre part, les Etats-Unis et l'OTAN sont en train d'effectuer un déploiement naval dans l'Est de la Méditerranée.

En considérant spécifiquement l'Egypte, ceci pourra permettre d'aider la contre-révolution, mais aussi pour intervenir contre une révolution qui aurait trop de succès. Les événements en Tunisie et en Egypte ont prouvé fausses toutes les spéculations sur les peuple arabes. Les peuples tunisien et égyptien ont agi de manière responsable, pacifique et intelligente. Ils ont aussi prouvé que la présupposition d'une culture politique avancée en Europe de l'Ouest, Amérique du Nord, ou en Australie est un non-sens total utilisée simplement pour justifier la répression des autres peuples.

NOTES

[1] Stanley Reed, « Egypt's Telecom Mogul Embraces Uprising, » Bloomberg Businessweek, February 10, 2011.


[2] « Tunisia calls up reserve troops amid unrest, » Associated Press (AP), February 7, 2011.


[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Kaouther Larbi, « Tunisia Senate grants leader wide powers, » Agence France-Presse (AFP), February 10, 2011.


[6] Helene Cooper and David E. Sanger, « In Egypt, US Weighs Push For Change With Stability, » The New York Times, February 8, 2011, A1.


[7] Ibid.