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© George P Macklin
Monsanto est une entreprise américaine spécialisée dans l'agrochimie et la vente de semences fondée en 1901 par John F. Queeny. Elle est le premier producteur mondial d'OGM avec un chiffre d'affaires de 15,8 milliards de dollars en 2014. Son parcours est pourtant entaché de nombreux scandales. Premier épisode de la longue histoire de la multinationale : les PCB.

Fondée en 1901, Monsanto était une industrie chimique (Monsanto Chemical Company) avant de se tourner vers l'agriculture et la biotechnologie en 1960. Les PCB (polychlorobiphényles, appelés Aroclore aux États-Unis) sont mis au point par la Swann Chemical Company en 1929. A l'époque, leur résistance exceptionnelle au feu et leur stabilité chimique en font des éléments très utilisés dans les circuits électriques, en huile isolante dans les transformateurs, comme lubrifiant pour les turbines, ou encore dans le traitement du métal, de l'adhésif. Très vite racheté par Monsanto, l'entreprise continuera d'en produire jusqu'à son interdiction totale aux États-Unis en 1976.

Les PCB, une substance très toxique

La dose maximale acceptable de PCB acceptée dans le corps est de 2 parties par milliard (ce qui équivaut à 2 microgrammes par kilogramme). Si l'exposition est plus forte, la personne contaminée s'expose à un risque accru de cancer, à des dysfonctionnements de la thyroïde, troubles neuro-comportementaux, effets cutanés, diminution de la fécondité... Selon le chercheur David Carpenter, en charge d'une étude sur la ville d'Anniston en 2006, les femmes enceintes ayant un taux élevé de PCB donnent naissance à des enfants avec un Q.I réduit. Si l'EPA la considère comme une substance probablement cancérigène dès 1996, sa toxicité fut révélée bien avant par les chercheurs de Monsanto.

« On ne peut pas se permettre de perdre un seul dollar »

Monsanto découvre la nocivité du produit en 1937 en effectuant des recherches sur des animaux. Ils découvrent qu'une exposition prolongée au liquide et aux vapeurs de PCB entraine une éruption cutanée semblable à l'acné, appelée chloracné. Ils en concluent que le port d'une combinaison adaptée évitera ce problème. Malgré les précautions, les cas d'employés malades se multiplient. La Monsanto Chemical Company défend alors farouchement sa production, tait au grand public ses effets et muselle la presse. Elle crée en 1969, un « Comité Aroclor Ad-hoc ». Son premier rapport montre la détermination de l'entreprise à continuer de vendre les produits à base de PCB tout en protégeant l'image de la firme. Dans une lettre envoyée à des responsables de la société on peut lire :
« Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre un seul dollar. Notre attitude à discuter de ce sujet avec notre client sera le facteur déterminant dans notre succès ou dans l'échec pour garder toutes nos affaires en cours ».
Dans la ville d'Anniston en Alabama, les précautions de production ne sont pas respectées. Un rapport détaillé sur le processus de fabrication de PCB montre qu'aucun employé de la manufacture de la ville ne possède d'équipement approprié.

La ville d'Anniston, victime de la pollution aux PCB

Cette même ville sera la victime la plus spectaculaire de la substance. La principale usine de Monsanto située à côté de la ville va déverser des milliers de tonnes de PCB sur le site. Petit à petit, l'air et l'eau vont être contaminés. Dans les années 60, Monsanto tente de devancer les agences gouvernementales, suspicieuses quant à la pollution du site, en menant ses propres études confidentielles sur l'eau polluée. Elle essaye également de limiter le déversement de PCB, sans grand succès. Une organisation environnementale de Washington, dirigée par Ken Cook (président du groupe de travail pour l'environnement) a mis en ligne les notes internes de Monsanto à l'époque et dénonce la non transparence de la firme.

En 2001, 20 000 habitants de la ville d'Anniston portent plainte contre Monsanto. La plupart d'entre eux possèdent des taux de PCB 10 à 1000 fois supérieur à la norme de sécurité dans leur sang. A l'issue du procès, la multinationale sera condamnée à verser 700 000 millions de dollars pour indemniser les victimes, décontaminer le site et construire un hôpital spécialisé. Aucun dirigeant de l'entreprise n'a cependant été mis en examen. Dans la législation américaine, il est très rare qu'un cadre d'une société soit condamné. Généralement c'est l'entreprise qui paye. Une solution qui s'avère rentable pour celles-ci car les sommes versées sont souvent inférieures aux bénéfices. Désormais, la pollution aux PCB est mondiale et touche tous les secteurs en particulier la pêche, de nombreuses espèces de poissons sont en effet contaminées.