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Une mauvaise alimentation paternelle pourrait modifier l’expression des gènes au cours du développement du fœtus et prédisposer le futur enfant à certaines maladies.
Deux études récentes suggèrent qu'une mauvaise alimentation paternelle pourrait modifier l'expression des gènes au cours du développement du fœtus et ainsi prédisposer le futur enfant à certaines maladies. Autrement dit, non seulement les mauvaises habitudes de vie sont néfastes pour la santé, mais leur impact négatif peut être transmis à la génération future!

Génétique et épigénétique

Comme on le sait tous, nous sommes le résultat de l'interaction des gènes légués par chacun de nos parents à la suite de la fécondation d'un ovule par un spermatozoïde. Ce que l'on sait moins, par contre, c'est que cet assemblage de gènes n'est pas le seul responsable de notre apparence et de notre personnalité, c'est-à-dire du caractère unique de notre existence. Dans la pratique, l'expression des gènes que nous avons hérités de nos parents est fortement influencée par une foule de facteurs provenant du milieu qui nous entoure, un phénomène appelé épigénétique, qui signifie « sur la génétique ». L'interaction avec le milieu social, les diverses expériences de vie, qu'elles soient bénéfiques ou traumatiques, et ce que nous mangeons exercent une énorme influence sur l'expression de nos gènes et sur notre comportement. Autrement dit, les profondes différences qui distinguent les êtres humains les uns des autres ne sont pas seulement dues à des différences génétiques, mais aussi à l'épigénétique, c'est-à-dire à la modulation de ces gènes par l'environnement de vie.

Transmission non héréditaire

En plus de moduler l'expression des gènes après la naissance, on sait depuis plusieurs années que cet environnement de vie peut aussi influer sur le développement de l'enfant avant même la naissance. Il s'agit d'un phénomène encore mal compris, mais il est possible que l'épigénétique serve à préparer la génération qui vient aux conditions de vie qui l'attendent.

Les famines qui sont survenues en Europe lors de la Deuxième Guerre mondiale sont une bonne illustration de ce phénomène. Aux Pays-Bas, par exemple, la résistance des Néerlandais aux nazis pendant la guerre les a forcés à réduire drastiquement leur apport calorique (moins de 1 000 calories par jour), une carence particulièrement cruelle pour les femmes qui étaient enceintes durant cette période (octobre 1944-mai 1945). Les études subséquentes ont montré que les enfants qui avaient subi la restriction nutritionnelle au début de la grossesse étaient plus susceptibles de montrer plusieurs désordres métaboliques (hausse des lipides sanguins, intolérance au glucose) ainsi qu'une plus forte tendance à devenir obèses. Il semble que l'information d'une carence alimentaire transmise au foetus par la mère ait entraîné une reprogrammation du métabolisme de ce dernier, de façon à assimiler le maximum de calories disponibles. Par contre, lorsque ces enfants sont nés, la guerre et la famine étaient terminées et leur métabolisme était devenu beaucoup trop performant pour une alimentation normale.

Papa aussi a une influence

Si l'influence de l'alimentation maternelle sur la santé de son futur enfant est intuitivement facile à comprendre, des études récentes permettent de penser que la nature de l'alimentation du père pourrait aussi avoir des répercussions sur le nouveau-né. En utilisant des modèles animaux, des chercheurs ont récemment observé que les enfants dont le père avait une alimentation riche en gras montraient rapidement une intolérance au sucre ainsi qu'une perte de leur capacité à sécréter de l'insuline, comparativement aux descendants d'animaux ayant une alimentation normale(1). Ces anomalies sont associées à des modifications majeures du profil d'expression de plusieurs gènes au niveau des cellules du pancréas. De la même façon, un autre groupe de chercheurs a montré que les enfants nés de pères ayant une alimentation déficiente en protéines montraient des anomalies dans l'expression de plusieurs gènes impliqués dans le métabolisme des gras et du cholestérol(2).

La transmission intergénérationnelle de problèmes métaboliques découlant d'une mauvaise alimentation paternelle illustre de façon éclatante à quel point ce que nous mangeons peut influer sur le fonctionnement de l'organisme. Pour les hommes qui désirent des enfants, ces études suggèrent aussi qu'ils peuvent jouer un rôle positif dans la santé de leurs descendants en adoptant de saines habitudes alimentaires.