Le 30 mars 2016, l'entreprise Veritas Genetics lancera officiellement aux États-Unis My Genome, une application pour smartphone destinée au grand public et permettant d 'analyser l'intégralité du génome, moyennant 999 dollars. L'intérêt ? Évaluer les risques de contracter certaines maladies comme Alzheimer ou des cancers (par exemple, une mutation au gène BRCA1 augmentant le risque de développer un cancer du sein et dont était atteinte Angelina Jolie). Ou encore de connaître une allergie éventuelle à un médicament.

Une offre qui pose de multiples questions : comment une application peut-elle permettre le séquençage du génome ? Pourrait-elle bientôt être commercialisée sur le marché français ? Soulève-t-elle des questions d'ordre éthique ? François Artiguenave, chef du laboratoire de bio-informatique au centre national du génotypage du CEA à Évry (Genopole, Essonne), fait le point pour Sciences et Avenir.

S&A : Concrètement, comment cette application sera-t-elle utilisée ?

François Artiguenave : Selon les premières explications fournies par l'entreprise Veritas Genetics, après avoir téléchargé l'application (voir ci-contre) et payé les 999 dollars demandés, le client reçoit un kit dans les 4 à 7 jours. Ce dernier permet probablement de réaliser un prélèvement sanguin, que le client renvoie ensuite à l'entreprise. Quelques semaines plus tard, les résultats apparaissent sur l'application, et il est possible d'en discuter avec un conseiller en génétique par appel vidéo. Toutefois, pour que la commande soit acceptée et le kit envoyé, le client devra obligatoirement être muni d'une prescription médicale. L'entreprise essaie ainsi d'échapper aux foudres de la Food and drug administration (FDA), l'autorité sanitaire américaine, qui, en 2013, avait interdit à la start-up 23andMe de vendre ses tests génétiques au grand public pendant deux ans, car elle n'exigeait pas de ses clients une autorisation médicale. De plus, cette entreprise avait précisé qu'elle pouvait déterminer le risque d'être affecté par 240 maladies génétiques différentes, un chiffre contesté par la FDA étant donné la technologie utilisée. 23andMe doit désormais se "limiter" à 40 types de maladies. Ce sera probablement aussi le cas pour Veritas Genetics.

Sait-on quelle technologie de séquençage sera employée ?

Veritas Genetics précise qu'il s'agit d'une machine de séquençage de la société américaine Illumina et baptisée HiSeqX. Elle est d'une taille imposante (1 mètre de haut et 1 mètre de large) et permet d'amplifier l'ADN, préalablement fixé sur des lamelles. Ce type de machines, qui peut séquencer jusqu'à 30 génomes par jour, est utilisé dans plus de 80 % du marché du séquençage. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le séquençage par ce biais ne coûte guère plus cher que le prix proposé par l'application de Veritas Genetics, soit 999 dollars. Toutefois, il est rarement question d'analyser l'intégralité du génome.

Une application comme My Genome pourrait-elle être autorisée en France ?

Pas dans l'immédiat car la loi interdit le séquençage du génome sans prescription médicale et les analyses restent confidentielles, elles ne peuvent donc pas être accessibles par le patient. En France, le séquençage du génome est souvent réalisé afin de choisir un traitement thérapeutique adapté, par exemple dans le cas d'un cancer. Il n'est pas autorisé de l'utiliser en préventif afin de détecter le risque éventuel de développer telle ou telle maladie. Mais la réglementation évoluera probablement, sous la pression des entreprises qui n'attendent que cela pour commercialiser ce type d'applications et l'évolution de la législation dans d'autres pays.

Ce type de service est-il acceptable d'un point de vue éthique ?

On peut se demander s'il est acceptable, d'un point de vue éthique, de laisser une personne découvrir un risque pour une maladie mortelle par le simple biais d'une application. Cette dernière pose également la question de la sécurité des données privées : est-on prêt à prendre le risque que les informations relatives à son génome puissent-être piratées ? La question mérite d'être posée...