500 euros
La Banque Centrale Européenne a décidé, le 4 mai, de mettre fin, en 2018, à l'impression de billets de 500 euros. Officiellement, il s'agit de lutter contre le grand banditisme et le terrorisme, qui utilisent largement ces coupures. Mais les arrières pensées sont moins avouables. A terme c'est la monnaie papier qui pourrait être visée.

Les billets représentent 10% de la masse monétaire

La masse monétaire, dans sa définition la plus courante (M3), comprend les billets en circulation, les dépôts à vue, les dépôts à court terme et les avoirs liquides, transformables immédiatement et sans grand risque en moyen de paiement. Selon les dernières statistiques de la BCE (mars 2016), M3 représente 10 998,4 milliards d'euros, dont 1 051,5 en billets, le reste étant constitué des dépôts et avoirs liquides. Les billets représentent donc un peu moins de 10% de la masse monétaire. C'est logique, puisque la majorité des paiements se fait par virement, chèque ou carte bancaire et non en espèces.

Le billet le plus répandu est celui de 50 euros : il en existe 8,398 milliards d'exemplaires, ce qui représente une somme de 419, 913 milliards d'euros, ce qui est aussi la valeur totale la plus élevée, les billets de 50 euros ayant dépassé en valeur ceux de 500 euros depuis avril 2012. Ces derniers sont moins nombreux : il en circule 611 millions, mais, compte tenu de leur valeur faciale élevée, cela représente la seconde somme en circulation, d'une valeur de 306,779 milliards d'euros, soit 30% de la valeur de tous les billets en circulation. Peu de pays ont des billets d'une telle valeur faciale, et le billet européen de 500 euros n'est dépassé dans le monde que par les billets de 1000 et 10 000 dollars de Singapour et le billet de 1 000 francs suisse.

Fin de l'émission de billets de 500 Euros en 2018

Certains pays, France en tête, souhaitent supprimer cette coupure de 500 euros, et cela depuis l'origine de la mise en circulation des billets en 2002, mais les Allemands, qui ont l'habitude de payer en liquide des sommes élevées, tenaient à l'émission de telles coupures, considérant que cela fait partie de la liberté de choix des individus de payer ou non en espèces. La France limite d'ailleurs le paiement en espèces pour certaines transactions, par exemple pour les particuliers faisant appel à un professionnel, à 1 000 euros. De même les salaires supérieurs à 1 500 euros ne peuvent être payés en espèces.

Le débat sur la coupure de 500 euros vient d'aboutir à un compromis le 4 mai. Les billets de 500 euros actuels conserveront leur valeur sans limitation de durée, mais aucun nouveau billet de 500 ne sera émis à partir de 2018 (pour laisser le temps à la BCE de finir de mettre en circulation les nouveaux billets de 100 et 200) ce qui fait qu'inéluctablement leur part diminuera. Le débat a été rude, certains gouverneurs voulant que les billets de 500 n'aient plus cours légal, tout en étant convertibles aux guichets de la BCE. Finalement la BCE a décidé, pour ménager un peu les Allemands, que les billets de 500 euros en circulation seraient utilisables indéfiniment.

Liberté de choix ou lutte contre l'argent sale ?

Que cachent ces manœuvres ? Pour l'Allemagne c'est la liberté de choix des ménages qui se jouait dans ce débat, chacun pouvant payer comme il le souhaite ; pour d'autres, dont le gouverneur de la Banque de France, Villeroy de Galhau, il s'agit de lutter contre les trafics « d'argent sale », liés notamment au blanchiment d'argent ou au terrorisme. Michel Sapin a été tout aussi clair : « Le billet de 500 euros est davantage utilisé pour dissimuler que pour acheter ». Il est vrai que les billets de 500 euros permettent de transporter discrètement des sommes considérables. Mais les terroristes ont d'autres moyens de transférer des capitaux. Faut-il interdire quelque chose parce qu'on peut en faire un mauvais usage ? On retrouve les vieux débats sur la prohibition de l'alcool ou de la détention d'armes : or toute prohibition aboutit à développer un marché clandestin ; l'exemple de la prohibition de l'alcool aux États-Unis le prouve. Selon la même logique, pourquoi ne pas interdire le téléphone portable, puisque les terroristes s'en servent ? On peut douter que le terrorisme disparaisse parce que l'on aura fait disparaitre peu à peu les grosses coupures !

Une conception liberticide de la vie économique
Derrière les arguments en faveur de la limitation du cash, on peut voir d'autres éléments moins avouables. Le premier, très français, vise à contrôler étroitement toute l'activité économique, notamment pour des raisons fiscales : il est plus facile pour un État de suivre les transactions ayant une traçabilité que celles effectuées en espèces. Le citoyen est suspecté a priori de tricher et doit être étroitement surveillé : conception quasi policière de la vie économique.
Mais un second débat se profile. Les politiques d'argent facile menées par les banques centrales conduisent à certains taux d'intérêt négatifs : la BCE rémunère négativement les dépôts des banques à -0,4% et 42% des dettes souveraines européennes s'échangent avec des taux négatifs ! Il devient alors plus intéressant de garder du liquide que d'épargner, surtout si les dépôts en banque eux aussi devaient être soumis à un taux négatif. Réduire le cash enlèverait un recours aux ménages pour échapper à cette pénalité des taux négatifs et permettrait aussi aux Etats de continuer à se financer à bon compte. Logique liberticide de l'interventionnisme : on commence par manipuler artificiellement les taux d'intérêt et on finit par supprimer les libertés individuelles. On commence par supprimer les billets de 500 euros et on finira par supprimer le cash. C'est en tous cas la crainte des Allemands.