linky
A l'horizon 2021, 90 % des anciens compteurs seront remplacés dans 35 millions de foyers en France par des nouveaux compteurs « communicants », Linky pour l'électricité, Gazpar pour le gaz. Leur pose a commencé le 1er décembre 2015. Alors que les critiques fusent de toutes parts, une quarantaine de communes ont d'ores et déjà refusé leur installation.

Les mauvaises langues vont profiter de l'abandon de l'objectif de réduction à 50 % en 2025 de la part du nucléaire dans la production d'électricité, annoncée par la loi sur la transition énergétique, pour dire que cette dernière n'est que du vent. Eh bien non, pas tout à fait ! C'est en vertu de cette loi publiée le 18 août 2015 que le remplacement des vieux compteurs aura lieu. Dans les deux cas, EDF, dont on connaît les déboires liés à l'EPR (voir CA 259, avril 2016), a toutes les raisons de se réjouir. Business is business.

Objectif n° 1, nous prendre pour des cons

Le nouveau compteur sera non seulement « communicant » mais aussi, bien entendu, « intelligent ». D'ailleurs, tout ce qui se fait maintenant en matière d'innovation technologique est « intelligent », du vêtement à la pomme de douche, des nouvelles peintures murales au collier de votre chien. « Communicant », ça veut dire qu'il peut recevoir des ordres et envoyer des données sans l'intervention physique d'un technicien. En contrepartie, plus aucun contact humain réel : il vous suffira d'appuyer sur 1, 2 ou 3 ou de cliquer sur le bon bouton avant (si vous avez de la chance) pour obtenir un renseignement ou une explication. C'est ce que ERDF appelle nous « faciliter la vie ».

La fonction d'un compteur intelligent, c'est de nous rendre intelligents.

Nous pourrons mieux surveiller notre consommation d'électricité. Pour la diminuer, bien sûr ! Nous vivrons en bonne intelligence avec notre compteur Linky, véritable petit compagnon qui nous dira quoi et comment faire. Il est vrai que jusqu'à présent nous en étions à la préhistoire en manière d'économies d'énergie... Primates, nous nous contentions, au pif, d'éteindre nos ampoules là où nous ne nous tenions pas et de vivre comme des abrutis avec moins de 20°, de ne point trop gaspiller, quoi ! Comme un con, quand j'éteignais la lumière à bon escient, je ne pensais pas à la planète mais à mon portefeuille peu garni, surtout en fin de mois ou en période de chômage. La planète, j'y pensais surtout quand à la télé (basse consommation !) je voyais d'énormes étendues tapissées de bombes.

Danger sanitaire ? Peut-être

Beaucoup disent que le nouveau compteur, qui utilise la technologie CPL (courants porteurs en ligne) générerait des ondes électromagnétiques dangereuses et reconnues comme « cancérogènes ». D'autres y ajoutent un tableau terrifiant sur les risques d'incendie, de panne des appareils électriques, de dysfonctionnement de la domotique. Vrai ? Faux ? Fantasme ou réalité ? Nous sommes là pieds et poings liés à des arguments « scientifiques » auxquels nous n'avons aucun moyen de souscrire. Nous disons simplement que, dans le doute, il vaut mieux s'abstenir. Surtout que ces nouveaux compteurs ne nous apportent absolument rien et que les arguments pour les refuser n'ont nul besoin d'une caution scientifique, il nous suffit de savoir lire et de constater.


Comment: On va même transformer le "peut-être" en probable. Concernant les perturbations engendrées par le compteur, extraits :
Comme l'affirme l'AAEM : « La littérature scientifique révisée par des pairs démontre la corrélation entre l'exposition aux CEM/RF et des maladies neurologiques, cardiaques et pulmonaires ainsi que des troubles de la reproduction, la dysfonction immunitaire, le cancer et d'autres problèmes de santé. La preuve est irréfutable. »

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Les symptômes rapportés dans cette série de cas sont étroitement corrélés non seulement avec les résultats cliniques des médecins de l'environnement, mais aussi avec la littérature scientifique, ajoute l'organisme. Les symptômes observés (fatigue, maux de tête, palpitations cardiaques, étourdissements, etc.) ont pu être déclenchés en laboratoire par l'exposition au CEM dans des conditions contrôlées (à double insu et avec exposition placebo) : ni les patients, ni les chercheurs ne savaient qui était exposé ou non aux CEM. « Les symptômes observés dans cette série de cas sont aussi en corrélation avec les lignes directrices de l'Association médicale autrichienne pour le diagnostic et le traitement des problèmes de santé liés aux CEM. »

Danger social ? Bien sûr !

Il était prévu un affichage des consommations en temps réel dans un endroit visible du logement afin de « favoriser une prise de conscience des dépenses énergétiques ». Il n'en sera finalement rien : seul un ménage en « précarité énergétique » disposera de ce « privilège ». Ce qui, en outre, permettra à EDF de couper à distance le courant de tel ou tel équipement si la consommation dépasse par trop ce qui lui est autorisé. On veut bien aider les pauvres, mais faut qu'ils y mettent du leur !

ERDF/EDF promet des emplois. Certains seront créés pour cette opération, mais seulement pour quelques années ! En aval, elle aura pour effet d'en détruire plusieurs milliers d'autres, ne serait-ce que parce que le relevé de compteur se fera automatiquement.

Mi-2015, c'est la société américaine Itron et son usine de Chasseneuil-du-Poitou, sur le site du Futuroscope, qui est retenue par ERDF pour fournir 1,2 million de nouveaux compteurs en deux ans pour 80 millions d'euros. Itron, pour la petite histoire,a été récompensée en 2014 par le trophée Frost & Sullivan de l'entreprise nord-américaine de l'année au service des villes intelligentes. Un maître en matière de futurisme totalitaire (1). Pourtant, quelques mois plus tard, l'usine annonce 124 licenciements (la moitié des salariés), une partie de la production étant délocalisée en Hongrie. Un accord signé par les syndicats ramènera six mois plus tard les licenciements au nombre de 87.

ERDF évalue le coût de l'opération Linky à au moins 5 milliards d'euros qui viendraient des gains de productivité (c'est-à-dire des compressions de personnel et de la dégradation des conditions de travail et de la sécurité, en particulier dans les centrales). Cela ne coûtera rien au consommateur, ajoute l'électricien, mais on sait que, si l'installation est gratuite, le coût sera pour une bonne partie répercuté via le tarif du cheminement de l'électricité.

Big Brother chez vous ? Une évidence
Pour le moment, les données de consommation des ménages « ne peuvent être utilisées sans leur accord ». Pipeau que tout cela. Au bout de quelque temps Linky aura accumulé des tonnes d'informations sur nos habitudes de vie (quand et à quelle heure nous consommons, avec quels équipements, quand nous sommes là ou absents, et ce avec une rétroactivité de plusieurs années, etc.), ce qui veut dire qu'immanquablement ces données seront mises à la disposition d'entreprises qui ne manqueront pas de nous proposer le bon produit au bon moment, sans compter que dans le cadre d'une procédure d'état d'urgence ou anti-terroriste ils pourront retracer à la minute notre emploi du temps passé. En fait, le projet Linky n'est qu'un terrain d'essai sur le dos des usagers d'électricité pour perfectionner des technologies qui serviront, une fois au point, à des compagnies privées pour réaliser des bénéfices, et par là même à renforcer le contrôle social.
Pour l'instant, même si ce n'est pas autorisé, il n'est pas interdit de refuser qu'on vous installe un compteur Linky. Les sanctions initialement prévues - 1 500 euros d'amende - ont été retirées du texte. Profitons-en. Individuellement, collectivement, par le biais des communes, les initiatives se multiplient (2).

Notes :

(1) Sur cette question, voir dans Courant Alternatif 219 (avril 2012), Les Verts et la Cité idéale (des villes ubiquitaires, « intelligentes » et « écologiques », Jpd). Et surtout Tomjo, L'Enfer vert. Un projet pavé de bonnes intentions, suivi de Critique de la planification écologique (Montreuil, L'Echappée, coll. « Négatif », 2013, 128 p., 9 €).

(2) Vous trouverez sur Internet des tas de modèles de lettre pour refuser Linky. Tapez aussi Stéphane Lhomme Linky ou Reporterre, et vous en saurez encore plus.