Deux ans après la dernière guerre dans la bande de Gaza, l'armée israélienne a abandonné une de ses pratiques les plus controversées. La directive « Hannibal », dont le texte précis n'a jamais été rendu public, mais dont l'existence a été confirmée, autorisait ses militaires à utiliser une puissance de feu extraordinaire dans le but d'empêcher la capture d'un de ses soldats.

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© GoogleGaza : Les crimes de guerre du « vendredi noir » à Rafah
Le 1er août 2014, lors de le 3e guerre de Gaza, l'armée israélienne avait mis en œuvre cette procédure dans la ville palestinienne de Rafah, lorsqu'un commando du Hamas palestinien s'était emparé d'un de ses soldats, le lieutenant Hadar Goldin, dont la mort ne sera confirmée qu'après coup. Dans le but de couper la route à ses ravisseurs, l'infanterie avait lancé un bombardement sans merci sur tout un quartier de la ville, entraînant la mort de plusieurs dizaines de personnes - jusqu'à 200 selon des sources palestiniennes.

Cet événement, appelé parfois « Vendredi noir », était au cœur d'un reportage de l'émission Enquête (Israël vs Gaza : le terrain d'une guerre) diffusé le 29 octobre 2015. Une commission d'enquête du Conseil des droits de l'homme des Nations unies qui avait analysé l'opération israélienne l'avait qualifiée de « possible crime de guerre ».


Commentaire : Possible crime de guerre ???


Deux ans après la dernière guerre dans la bande de Gaza, l'armée israélienne a abandonné une de ses pratiques les plus controversées. La directive « Hannibal », dont le texte précis n'a jamais été rendu public, mais dont l'existence a été confirmée, autorisait ses militaires à utiliser une puissance de feu extraordinaire dans le but d'empêcher la capture d'un de ses soldats.

Un texte de Luc Chartrand de l'émission Enquête

Le 1er août 2014, lors de le 3e guerre de Gaza, l'armée israélienne avait mis en œuvre cette procédure dans la ville palestinienne de Rafah, lorsqu'un commando du Hamas palestinien s'était emparé d'un de ses soldats, le lieutenant Hadar Goldin, dont la mort ne sera confirmée qu'après coup.

Dans le but de couper la route à ses ravisseurs, l'infanterie avait lancé un bombardement sans merci sur tout un quartier de la ville, entraînant la mort de plusieurs dizaines de personnes - jusqu'à 200 selon des sources palestiniennes.

Cet événement, appelé parfois « Vendredi noir », était au cœur d'un reportage de l'émission Enquête (Israël vs Gaza : le terrain d'une guerre) diffusé le 29 octobre 2015. Une commission d'enquête du Conseil des droits de l'homme des Nations unies qui avait analysé l'opération israélienne l'avait qualifiée de « possible crime de guerre ».

« Hannibal » a fait l'objet de controverses en Israël même en raison de deux conséquences distinctes de sa mise en application. D'une part parce qu'elle mettait en danger la vie du soldat dont on voulait éviter la capture. Et d'autre part parce qu'elle ouvrait la porte, par un usage immodéré de la puissance militaire, à la mort de nombreux non-combattants, comme ce fut le cas à Rafah.

La directive « Hannibal » tire son origine dans la crainte viscérale des autorités israéliennes de voir un de leurs soldats capturés et de devoir par la suite négocier sa libération à un prix jugé exorbitant. L'exemple du soldat israélien Gilad Shalit, fait prisonnier en 2006 par des brigades du Hamas, est dans toutes les mémoires.

Sa détention avait engendré un mouvement populaire visant à obtenir sa libération. Au terme d'un véritable psychodrame national, le soldat Shalit avait finalement été échangé contre plus de 1000 prisonniers palestiniens en 2011.

C'est visiblement la volonté d'éviter la répétition d'un tel scénario qui a conduit à la mise en œuvre de « Hannibal » à Rafah en 2014. Mais cette application paraît contraire au droit de la guerre aux yeux de nombreux juristes, qui considèrent qu'aucun avantage militaire n'avait justifié l'usage d'une telle force. Le concept de proportionnalité, au cœur de ce droit, est en effet difficile à faire valoir lorsque des centaines de vies sont mises en jeu dans le seul but d'empêcher la capture d'un prisonnier de guerre par le camp adverse.

« Ça ne justifie pas le décès d'un seul enfant, le fait qu'Israël ne veut pas qu'un de ses soldats soit pris prisonnier », déclarait à Enquête le juriste canadien William Schabas, qui a présidé - avant d'en démissionner - la Commision d'enquête sur Gaza.

L'abandon de la directive « Hannibal » par l'armée israélienne ne met pas fin aux suites potentielles de l'épisode de Rafah. Les opérations militaires de ce « Vendredi noir » sont toujours, en principe, examinées par le Procureur militaire des Forces de défense d'Israël. Mais près de deux ans après les faits, aucune procédure judiciaire n'a encore été annoncée.

Une forte résistance politique en Israël s'oppose par ailleurs aux poursuites criminelles contre des soldats. Rappelons que le commandant de l'opération de Rafah, le colonel Ofer Vinter, de la Brigade Givati, a par la suite été promu au rang de brigadier général.