La Science de l'Esprit
Ce système agit même jusqu'au niveau individuel : en effet, toute (tentative de) conversation est immédiatement perçue comme une menace, aussi logique son propos soit-il. Il y a toujours des projections récurrentes telles que : « Tu veux toujours avoir raison ! » ou encore « Tu veux que tout le monde soit de ton avis ! ». En gros, il s'agit toujours de pointer du doigt un ennemi externe plutôt que de réellement écouter les idées et la logique que l'on cherche à exprimer. Voici donc la base du « diviser pour mieux régner » : en l'occurrence, une conversation entre des individus, forgés par un contexte et des expériences similaires, qui finit par les opposer les uns aux autres en un rien de temps, sur la seule base de quelques mots échangés, d'incompréhensions et de craintes de voir leur ignorance révélée au grand jour.
Je n'ai cessé d'affirmer qu'un bon début pour remédier à la multitude de problèmes dans le monde, c'est de bien comprendre et d'appliquer la communication dans son état pur, une véritable ironie à notre « époque de la communication ». Mais je pense qu'il s'agit là d'un talent dont nous avons été volontairement privé. En effet, nous ne faisons que réagir à certains mots sur la base de notre ressenti, et si le mot n'a pas d'importance, alors nous évoquerons l'argument du ton sur lequel il a été dit. Faire taire le messager au lieu d'écouter le message est aujourd'hui devenu la « norme ».
J'appelle cela « l'arrogance de l'ignorance ». Dans ce monde où règnent les « smart » ceci et les « intelligents » cela, l'ego démesuré est roi, ainsi que l'auto-jugement (ou plutôt la peur d'être jugé par autrui) et la projection de torts causés par d'autres. En effet, si tout ce que nous possédons est intelligent, y avons-nous toujours notre place ? À notre époque et plus que jamais dans l'histoire, très nombreux sont les individus ayant bénéficié « d'études supérieures ». En même temps, cette intelligence acquise a généré une attitude de supériorité, une culture du « tout m'est dû » qui semble obstruer toute notion de bon sens ainsi que la faculté d'élargir ses connaissances au-delà de ce qui est généralement « connu ». Peut-être le nombre d'années et de sacrifices investis dans le but d'atteindre les jalons supérieurs de la société finissent-ils par persuader l'individu qu'il « n'a plus besoin d'apprendre », puisqu'il a obtenu tous ces « diplômes qui prouvent son intelligence » ?
Le concept, c'est de toujours vouloir prouver d'être « meilleur », ou du moins plus « instruit », afin de sauver la face en ayant recours à des projections, elles-mêmes basées sur l'angoisse de ne pas être aussi bien informé qu'on ne le pense. Voici le prototype de l'ego parfaitement programmé, avec ses réactions automatisées que sont l'indignation, la peur d'être le perdant d'une compétition (de l'esprit) et l'arrogance puérile. Ces personnes doivent protéger leurs insuffisances simplistes et innées par le biais de projections extérieures ciblant l'interlocuteur à l'écoute d'informations. À titre personnel, rien que le mois dernier, deux personnes qui m'étaient totalement étrangères m'ont dit que j'étais « dangereux » car j'écoutais et que je ne m'exprimais pas beaucoup. À ma question « dangereux pour qui ? » on m'a répondu : « pour tous ! ». Voici comment l'intelligence devient une menace.
Ainsi, dans ce cas, la notion « d'ignorance » est une insulte, plutôt qu'une simple définition lexicale : en effet, l'ignorance est une base de départ, un état à partir duquel il est possible d'apprendre. Mais en s'indignant ou en adoptant une attitude défensive, la seule chose que l'on affiche de cet état d'ignorance est un état de stupidité. En étant persuadé de tout savoir, est-il alors possible d'apprendre ? C'est une question importante à se poser à ce sujet. C'est même pire lorsque quelqu'un interprète toute occasion de réflexion comme une insulte, puisqu'il consolide ainsi sa détermination à persévérer dans l'ignorance.
À mon avis et selon mes observations, l'espèce humaine dans son ensemble a régressé pour atteindre l'intelligence d'un cendrier vide. Que tirez-VOUS de cela ? Est-ce de ma faute ou de la vôtre ? Suis-je responsable de vos interprétations ? Qu'avez-vous compris de ces mots ? Votre première pensée a-t-elle été de croire que je haïssais l'humanité et que je souhaitais sa perdition ? Une simple observation peut-elle être qualifiée de « haine » ? À quel moment une véritable réflexion s'enclenche-t-elle, plutôt qu'une réaction programmée ? Voici le fond de ma pensée : comment de simples questions et observations peuvent-elles être détournées et tordues jusqu'à ce qu'elles finissent par correspondre aux impulsions défaitistes et aux projections d'autrui (puisque chacun doit se défendre dès lors qu'il se « sent » attaqué) ? Ces dernières ne sont effectivement que des réactions programmées dans le but d'empêcher tout questionnement et toute réflexion indépendante.
En effet, vous arrive-t-il de vous remettre en question lorsque vous venez de répondre par un « NON ! » presque automatique, tel un enfant ? Ou lorsque vous ne parlez que pour vous entendre parler, même si cela n'apporte rien à la conversation, ou que cela n'a aucun sens ? Vous demandez-vous si vous avez bien écouté ce qui a été dit (ou ce qu'on a essayé de dire) ? Vous demandez-vous pourquoi de telles réponses surgissent quasiment hors de votre contrôle ? Avez-vous saisi l'occasion « d'apprendre quelque chose de nouveau » ? Pour ma part, je sais que ce n'est pas toujours le cas, mais je remets en question mes réactions et mes réponses pour déterminer si celles-ci ont été programmées ou non.
Mes questions sont-elles trop choquantes ? Sont-elles trop profondes ? Peut-être suis-je juste trop négatif ? Pouvez-vous trouver d'autres justifications et projections permettant d'ignorer le message que j'essaye de transmettre ? Jusqu'où l'ego ira-t-il afin de protéger son état d'ignorance ?
Il est très facile de questionner les motivations d'autrui, de projeter vers l'extérieur plutôt que de creuser en introspective et de s'observer soi-même de manière honnête et sincère. Après tout, qui aime « avoir l'air stupide » ? En réalité, ne s'agit-il pas là d'un simple jeu de l'esprit auquel nous jouons tout seul ? Nous arrive-t-il de nous demander POURQUOI nous nous torturons de la sorte ? Pourquoi nous accordons tant d'importance à ce que les autres pensent de nous, alors que ce que nous pensons qu'ils pensent provient de notre propre esprit ? Pourquoi leur accorder tout ce pouvoir sur nous ? Ne devrions-nous pas garder ce pouvoir pour nous forger et devenir de meilleurs êtres humains ? Ne devrions-nous pas apprendre dans le but humaniste de transmettre l'information véritable aux générations futures, leur permettant ainsi d'évoluer ?
Nous sommes en 2016 et en guerre envers et contre tout, y compris nous-mêmes. Avons-nous réellement « progressé » en tant que « civilisation » ou « société » ? Comment serait-ce possible, alors que dans l'ensemble, nous ne sommes ni civiques, ni sociaux.
Voici donc quelques idées de réflexion que je partage avec mes quelques lecteurs dotés d'une grande tolérance envers ceux qui « pensent trop », tandis que je sombre dans ce que certains qualifieront de folie. Venez-vous de repérer ma réponse programmée ?
Traduction: Aime
Commentaires des Lecteurs
"en l'occurrence, une conversation entre des individus, forgés par un contexte et des expériences similaires, qui finit par les opposer les uns aux autres en un rien de temps, sur la seule base de quelques mots échangés, d'incompréhensions et de craintes de voir leur ignorance révélée au grand jour. "...a lire ou relire Gurdjieff dans "Paroles à ses élèves " !
S'il était vraiment vraiment nécessaire d'essayer de mesurer l'intelligence humaine pour le choix d'un candidat à un emploi, il faudrait déjà disposer d'une autre batterie de tests qui ne soient pas à connotation mathématique car il y a d’excellents mathématiciens qui n’ont pas le moindre bon sens dans la vie et qui, placés à un poste de dirigeant, peuvent mener une entreprise dans le mur .
Qu'est-ce que l’intelligence, ? Du bon sens plus une grande curiosité intellectuelle qui permet d’acquérir l’énorme base de références que donne une grande culture générale sur laquelle la personne douée de bon sens peut appuyer son raisonnement (ou son intuition), me semblent essentiels pour qualifier l’intelligence.
Des personnes intelligentes n’ayant jamais fréquenté l’école ni subi aucun entraînement en mathématiques ont ce bon sens et cette curiosité intellectuelle .
En France comme dans de nombreux pays, la déviance de l’enseignement secondaire pour le « tout mathématiques » avec des coefficients énormes attribués aux mathématiques, qui vont de pair avec l’esprit manichéen, et des coefficients très bas pour « les humanités », aux programmes de plus en plus réduits, n’encouragent pas les jeunes à se cultiver. On les pousse à mépriser les disciplines dites « secondaires » à faibles coefficients. Cette déviance a fait obtenir le Bac Scientifique, depuis quarante ans, grâce au coefficient en mathématiques, à des générations d’IGNARES MANICHEENS . Et cela ne peut qu’empirer car ce sont ces personnes que l’on place au sommet, à cause de ces tests de Q.I. biaisés .
On dirait bien que nos dirigeants européens et mondiaux veulent réduire l’intelligence humaine, avec son ouverture et son sens des nuances, à ce que l’on nomme « intelligence artificielle », celle des robots, mathématiques, informatique O/1, entièrement manichéenne (le courant passe ou il ne passe pas) . On assiste donc à une baisse de l'intelligence .
Pour préserver l’intelligence humaine des générations montantes , il faut en revenir à un ré-équilibrage des coefficients au baccalauréat et rétablir toutes les heures d’enseignement qui ont été supprimées, au fil des ans, dans les disciplines non scientifiques qu’il faut absolument revaloriser .
Personnellement, et si je suis d'accord qu'il y a une sorte de "froideur scientifique" qui est encouragée au détriment d'autres aspects de l'intelligence, eux souvent laissés de côté, je ne suis pas sûr qu'abaisser l'importance des mathématiques (c'est en cours, les math vont devenir dans le prochain modèle du bac une "spécialité" parmi d'autres qui ne sera pas dans les matières principales) aura un effet positif, dans un contexte où ce qui est favorisé dans toutes les matières est la médiocrité. Voir le niveau d'orthographe en baisse constante ces dernières années, quoiqu'on en dise, et ce n'est pas parce qu'on a surinvesti, par exemple, l'humain comme matière principale dans les lycées. Au contraire, ce qui domine aujourd'hui, et cela n'a pas grand rapport avec les math, c'est la prédominance d'une technologie qui a un goût de sucette pour les jeunes générations, qui aujourd'hui ont un biberon à vie avec leurs smartphones dont ils dépendent de plus en plus affectivement et émotionnellement. Voilà un autre genre d'intelligence qu'on pourrait mettre en avant, sans porter préjudice aux maths (qui a aussi un intérêt très pratique, par exemple pour mieux comprendre l'organisation spatiale des choses) : les intelligences humaines et émotionnelles, qui sont, elles, extrêmement mises à mal par un monde où les gens s'isolent de plus en plus derrière des écrans et appareils technologiques. Ceci peut être vu comme un effet pervers du techno-centrisme, qui lui aussi pourrait être vu comme une émanation d'un supériorisme des mathématiques, mais je crois plutôt que c'est une mauvaise utilisation des caractéristiques dites "cerveau gauche" (point de vue qu'on sait maintenant erronné et simpliste) par une société qui mise tout sur la performance, et néglige complètement l'humanité, la spiritualité, la beauté, etc. Or la beauté peut surgir aussi bien des mathématiques (nécessaires en architecture, utilisée depuis la nuit des temps, voir les pyramides, etc.) que d'un esprit plus "cerveau droit" orienté sur la littérature, les langues, etc.
Bref je ne suis pas très convaincu par les explications qui mettent tout le mal d'un côté et qui sont finalement assez manichéennes.
La bêtise, la corruption et la fraude sont véhiculées par l'ignorance, l'estime de soi et celle des autres ... et l'homme d'aujourd'hui considère l'ignorance comme une vertu.
On finit par si habituer et apprécier ceux qui ne sont pas atteint par cette stupidité.
En tout cas, l'idée et très bien développée, je n'aurai pas dit mieux !