Comment: Il compréhensible d'être dubitatif quand on nous annonce que le blé, exemple de céréale contenant du gluten, n'est pas bon pour la santé physique... et mentale. C'est pourtant vrai. Il est scientifiquement prouvé que le gluten est impliqué dans : les maladies auto-immunes, les allergies et les intolérances de toutes sortes, la fibromyalgie, certaines maladies mentales, l'autisme, l'arthrite, les problèmes thyroïdiens, etc. C'était une liste non-exhaustive, bien entendu, puisque la bonne question à poser est peut-être la suivante : dans quelle maladie le gluten n'est-il directement ou indirectement pas impliqué ? On pourrait se prendre la tête entre les mains et se dire que, ça y est, le plaisirs de la vie nous sont à tout jamais interdits, et que, on en est sûr, plus rien ne vaut vraiment la peine... Que nenni ! N'oublions pas que les régimes paléo et cétogène font bien des heureux : Bon, on conviendra que c'est en comprenant réellement les choses qu'on les vit beaucoup mieux, donc :

gluten
La consommation de céréales contenant du gluten contribue-t-elle à développer des troubles psychiatriques tels que la schizophrénie ?

Croyez-le ou non, les chercheurs se sont posé cette question pendant plus de 60 ans et ont découvert par hasard la preuve que l'élimination du gluten de l'alimentation diminue les symptômes ou, inversement, que la consommation de céréales à gluten augmente la prévalence des problèmes neurologiques et psychiatriques.

Les premiers rapports dans la littérature médicale, de résolutions de troubles émotionnels après l'institution d'un régime « sans gluten », datent de 1951. En 1954, M. Sleisenger a rapporté avoir identifié trois personnes schizophrènes sur un groupe de trente-deux adultes atteints de la maladie cœliaque, et en 1957, MM. Bossak, Wang et Aldersberg ont indiqué avoir compté 5 patients psychotiques parmi 94 atteints de la maladie cœliaque. La découverte initiale du fait que la prévalence de la maladie cœliaque, ou au moins de la sensibilité au gluten, était bien plus élevée chez les personnes schizophrènes que chez les autres, a conduit à des recherches plus poussées.

Une réduction des rations de céréales à gluten pendant la guerre réduit la prévalence de la schizophrénie

En 1966 par exemple, une étude épidémiologique remarquable publiée dans The American Journal of Clinical Nutrition titrait « La consommation de blé et les admissions pour schizophrénie à l'hôpital pendant la seconde guerre mondiale » et cherchait à confirmer la possible relation entre la schizophrénie et la maladie cœliaque en étudiant la diminution rapportée du nombre d'admissions en hôpital psychiatrique au cours de certaines guerres.

L'auteur de l'étude, le Dr. F. C. Dohan, a considéré le nombre de femmes admises dans les hôpitaux psychiatriques en Finlande, en Norvège, en Suède, au Canada et aux États-Unis avant et après la seconde guerre mondiale. Ces chiffres ont ensuite été comparés aux volumes de blé et de seigle consommés au cours de ces deux périodes. Comme l'explique le Dr. Dohan :
« La variation en pourcentage du nombre moyen annuel de première admission à l'hôpital pour schizophrénie dans chacun des cinq pays, par rapport à la moyenne avant-guerre, a été comparée à la variation en pourcentage de la 'consommation' de blé et de blé plus du seigle. »
Les résultats sont indiqués dans le tableau ci-dessous : (en anglais)

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Comme vous pouvez le voir ci-dessus, dans les cinq pays, la variation en pourcentage pendant la seconde guerre mondiale du nombre de patients admis pour la première fois à l'hôpital pour schizophrénie, par rapport aux valeurs d'avant-guerre, est nettement corrélée à la variation en pourcentage des quantités de blé et de blé plus seigle, consommées. Le taux mondial de primo-admissions en institutions psychiatriques a diminué parallèlement aux rations de céréales à gluten.

Des études de plus en plus nombreuses incriminent le gluten dans la pathogenèse de la schizophrénie

Depuis, de nombreuses études ont été publiées, associant la consommation de céréales contenant du gluten à la schizophrénie :
  • Schizophrenia Bulletin, en 2011 : les personnes atteintes de schizophrénie ont des titrages d'anticorps liés à la maladie cœliaque et à la sensibilité au gluten plus élevés que la normale (une prévalence 7 fois plus élevée).
  • Schizophrenia Research, en 2010 : les individus atteints de schizophrénie ont une réponse immunitaire atypique à la gliadine qui diffère de celle des personnes atteintes de la maladie cœliaque (c'est à dire une absence d'anticorps contre l'enzyme transglutaminase et du locus génétique de susceptibilité HLA-DQ2/DQ8).
  • Acta Psychiatra Scandinavica, en 2006 : une analyse de la littérature a mis à jour le fait qu'une réduction drastique, voir une totale rémission des symptômes de la schizophrénie a été notée dans de nombreuses études, après élimination du gluten.
  • Biological Psychiatry, en 1984 : seuls deux cas de schizophrénie ont été identifiés sur plus de 65.000 adultes examinés ou observées dans les régions reculées de Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG, de 1950 à 1967) et de Malaita, des îles Salomon (en 1980 et 1981) et sur les îles Yap en Micronésie (en 1947 et 1948), qui ne consomment pas de céréales. Les chercheurs ont noté que lorsque ces peuples sont devenus partiellement occidentalisés et ont commencé à consommer du blé, de la bière d'orge et du riz, la prévalence a atteint les niveaux européens.
  • Science, en 1976 : des personnes schizophrènes suivant un régime sans céréales et sans lait, exposées au gluten, on vu leur progrès thérapeutiques s'interrompre. Une fois l'exposition au gluten terminée, le cours des progrès a repris.
Une nouvelle recherche confirme le lien gliadine-schizophrénie

La dernière étude confirmant le lien gluten-schizophrénie a été publiée en 2013 dans le World Journal of Biological Psychiatry et titrait « Taux élevés d'anticorps anti-gliadine chez les personnes schizophrènes. » Les chercheurs ont comparé les analyses de sang de 950 personnes atteintes de schizophrénie à 1000 analyses de contrôle saines. Ils ont découvert que la probabilité de présenter des anticorps anti-gliadine IgG était 2,13 fois plus élevée chez les personnes schizophrènes, ce qui indique que les schizophrènes sont plus susceptibles de développer une réponse immunitaire contre les protéines de blé.

La gliadine est un complexe de protéines solubles dans l'alcool que l'on trouve dans ce que l'on appelle communément le gluten (le terme étant trompeur car le blé contient techniquement plus de 23.000 protéines différentes, et non une seule), et est considérée comme la principale classe de protéines immuno-toxiques dans le blé.
Dans la maladie cœliaque, par exemple, un processus immunitaire induit génétiquement se déploie en cas d'exposition à la gliadine, l'enzyme transglutaminase modifie la protéine, et le système immunitaire a une réaction croisée avec les tissus de l'intestin grêle, provoquant une réaction inflammatoire qui détruit les villosités intestinales.
La découverte d'anticorps à la gliadine dans le sang des patients atteints de maladie cœliaque comme chez les personnes schizophrènes implique plusieurs choses :
  • La protéine de blé gliadine ne se décompose pas au cours de la digestion : des macromolécules dérivées du blé non digérées peuvent agir comme des antigènes, provoquant une réponse immunitaire induite par des anticorps, en particulier si elles traversent la paroi intestinale et pénètrent dans le sang. Le fait que des anticorps à protéine de blé gliadine puissent être trouvés dans le sang indique qu'ils ne sont pas parfaitement décomposés en acides aminés constitutifs.
  • Des protéines de blé dans le sang stimulent l'auto-immunité : la présence de gliadine dans le sang indique aussi une perméabilité intestinale. Il a été découvert que la gliadine régule la zonuline, une protéine, à la hausse dans les intestins des personnes souffrant ou non de la maladie cœliaque, ce qui, essentiellement, ouvre la « boite de Pandore » de la perméabilité intestinale, et l'auto-immunité subséquente. Dans un autre compte-rendu, nous avons également décrit les effets de la lectine de blé, également appelée agglutinine de germe de blé (AGB), sur la perméabilité des intestins - [voir L'ouverture de la boite à pain de Pandore].
  • La protéine de blé peut inciter le système immunitaire à attaquer le système nerveux : les anticorps anti-gliadine semblent avoir une action croisée avec les structures neurologiques, ce qui peut expliquer la façon dont ils contribuent à la schizophrénie.
Une étude publiée en 2007 dans le Journal of Immunology a découvert que les anticorps anti-gliadine se lient à la synapsine I, une protéine que l'on trouve dans la terminaison nerveuse des axones, ce qui pourrait expliquer, d'après les auteurs de l'étude, pourquoi la gliadine contribue aux « complications neurologiques telles que neuropathies, ataxie, convulsions et changements neurocomportementaux. »

L'autisme est un autre exemple dans lequel les anticorps anti-gliadine contribuent probablement à la formation d'auto-anticorps contre les auto-structures neurologiques. Une étude de 2004 publiée dans Nutritional Neuroscience a révélé que les enfants atteints d'autisme présentent une élévation des anticorps contre la gliadine et les protéines cérébelleuses (du cerveau) simultanément.
En d'autres termes, les protéines de blé peuvent simuler des anticorps qui réagissent de façon croisée, ce qui provoque des dommages neurologiques.
Est-ce un problème pour les schizophrènes uniquement ? Il y a une façon sûre de le savoir...

Une question plus large est également soulevée par cette recherche. Puisque 27% de la population environ présente des anticorps anti-gliadine, et jusqu'à 57% pour les personnes souffrant de dysfonctionnements neurologiques d'origine inconnue, serait-il possible que les céréales contenant du gluten aient des effets négatifs sur la santé mentale de toutes les populations, peut-être pour la plupart, de façon subclinique ?

Nous avons exploré cette possibilité plus en profondeur dans notre essai « The Dark Side of Wheat » (« le côté sombre du blé »), en nous concentrant sur l'économie de l'Empire Romain basée sur le blé, forme d'impérialisme tant culturel que biologique.

Nous pouvons dire sans hésiter que le blé a des effets négatifs sur la santé de bien plus de personnes que ce qu'indiquent les estimations actuelles de la médecine conventionnelle, qui se concentrent uniquement sur la maladie cœliaque et les allergies alimentaires au blé. Nous avons répertorié jusqu'à présent plus de 200 effets négatifs sur la santé des céréales contenant du gluten, avec 20 « modes d'intoxication ».

Il existe probablement bien trop de variables pour pouvoir désigner les céréales contenant du gluten comme seules responsables de problèmes psychiatriques, de mal-être, d'obsessions, d'addictions, de dépressions, de schizophrénie, etc.

Toutefois, une chose est sûre : votre expérience personnelle est tout aussi valable qu'une étude randomisée sur l'homme en double aveugle, contrôlée contre placébo. Donc, si vous les éliminez de votre alimentation et que vous vous sentez mieux, et que votre santé physique et mentale s'en trouvent améliorées, il n'existe pas de meilleure preuve !