Commentaire : Viande in vitro, fromages et lait de synthèse, vache, cochon, mouton et saumon transgèniques : ah qu'il semble radieux le futur que ces industriels malades nous préparent.


Ouvrières triant des gousses de vanille de Madagascar
© en.wikipedia.org, Jonathan Talbot, World Resources Institute, 2001Ouvrières triant des gousses de vanille de Madagascar. Seul 1% de l’arôme vanille couramment utilisé provient de véritable vanille
La biologie de synthèse part du principe que l'on peut créer de toutes pièces des organismes vivants, que l'on peut fabriquer la vie, en quelque sorte. A la différence du génie génétique conventionnel qui isole un ou plusieurs gènes dans un organisme donneur pour les transplanter dans un organisme receveur, la biologie de synthèse insère un segment d'ADN entier - une voie métabolique, par exemple - dans un micro-organisme (une levure, entre autres). Véritables usines du vivant, les cellules transformées par la biologie de synthèse sont destinées à nous fournir des produits allant des cosmétiques aux détergents, en passant par les additifs alimentaires.

Si les applications commerciales de la biologie de synthèse n'en sont qu'à leurs débuts, l'apparition de produits dans les supermarchés est déjà bien réelle, laissant entrevoir ce que la biologie de synthèse est capable de réaliser dans le secteur alimentaire. Un article publié dans la prestigieuse revue scientifique Nature dresse la liste des produits de synthèse qui garniront bientôt les rayons : arômes, édulcorants, huiles, additifs bénéfiques pour la santé (comme l'antioxydant resvératrol), produits végétaliens de toutes sortes (protéines, lait).

Le premier produit né de la biologie de synthèse a été lancé sur le marché en 2014 : un arôme vanille à base de levure. Les critiques n'ont pas tardé à se faire entendre, notamment aux États-Unis, où un fabricant de crèmes glacées a déclaré ne pas vouloir utiliser cette nouvelle vanilline dans ses produits. De nombreux groupements de défense des consommateurs et de protection de l'environnement demandent une réglementation sévère, doublée d'un étiquetage spécial pour les produits issus de la biologie de synthèse. La possibilité de qualifier les ingrédients de « naturels » doit en outre être interdite.

Malgré les critiques, les entreprises actives dans le domaine de la biologie de synthèse sont euphoriques. En point de mire, les arômes de pamplemousse et d'autres agrumes, qu'elles espèrent tirer de levures manipulées pour les utiliser dans la fabrication de limonades, mais aussi de produits anti-moustiques ou de répulsifs à tiques. L'arôme de safran, l'épice sans doute la plus chère au monde, devrait lui aussi bientôt être produit à partir de levures biosynthétiques.

Mais pour l'heure, le marché attend l'arrivée d'un édulcorant appelé à concurrencer les autres produits sucrants. Il s'agit d'une variante de la stévia baptisée EverSweet, produite à partir de levures biologiques de synthèse. Cultivée principalement en Amérique du Sud (Brésil, Paraguay, Colombie) et en Asie (Chine), la Stevia rebaudiana ou plante à sucre sert aujourd'hui déjà à fabriquer l'édulcorant E 960, sans génie génétique ni biologie de synthèse. Coca-Cola a déposé en 2007 déjà 24 demandes de brevet basées sur la stévia comme édulcorant. En 2011, l'édulcorant E 960 ou glycoside de stéviol a été autorisé dans toute l'UE, avec des restrictions de quantité et d'utilisation. La Suisse l'a elle aussi autorisé.

Cet édulcorant a toutefois un arrière-goût légèrement amer, raison pour laquelle il lui est difficile de remplacer complètement le sucre. L'arrivée d'EverSweet pourrait changer la donne. EverSweet est le résultat d'une manipulation consistant à introduire dans la levure une voie métabolique qui lui permet de produire les deux protéines végétales au goût sucré, mais pas les protéines responsables du goût amer. EverSweet doit notamment servir à sucrer les sodas en évitant tout apport de calories et de sucres qui font grossir. On peut s'attendre à ce que l'UE classe cette variante de la stévia comme nouvel aliment, soumis à une procédure d'autorisation particulière.

Leader du développement commercial de la biologie de synthèse, l'entreprise suisse Evolva est parvenue à modifier la levure de bière de façon à ce qu'elle secrète de la vanilline. Evolva a également produit une levure transgénique qui fournit les principaux composants du safran. La vanilline synthétique se trouve déjà dans les rayons des supermarchés, le safran devrait être prêt à la production sous peu. Associée au groupe Cargill, Evolva produit également les ingrédients principaux du mélange édulcorant stévia. L'autorité sanitaire américaine a considéré EverSweet comme inoffensif. On devrait donc bientôt le retrouver dans les aliments et les boissons.