Traduction : SOTT

Au lieu de prendre des médicaments, un nombre croissant d'individus souffrant de douleur chronique, d'épilepsie ou d'un état de manque, ont recours à l'électrostimulation de leur crâne avec l'espoir que de légères décharges électriques les ramèneront à la santé.
Tempête électrique dans le cerveau
© InconnuTempête électrique dans le cerveau
Ce piratage du cerveau -- la « stimulation transcrânienne à courant direct » (tDCS) - est utilisé pour traiter des symptômes psychiatriques et neurologiques. Une communauté prônant le « à faire soi-même » née sur Reddit, fournit des astuces peu conventionnelles sur l'application d'un courant électrique léger pour soigner toute affection de la dépression à la schizophrénie. On voit même des gens améliorer leurs aptitudes ludiques avec un système tDCS commercial. Or la tDCS n'est pas homologuée par la FDA (l'agence américaine pour l'alimentation et les médicaments), et la communauté scientifique est partagée quant à son efficacité, certains l'accusant de charlatanisme ou de position scientifique sans fondement.

Voici l'idée : jusqu'à ce jour, les scientifiques se sont révélés incapables d'aller voir sous la jupe de cette technique thérapeutique DIY pour capter ce qui s'y passait. Danny JJ Wang, un professeur en neurologie à l'Institut de Neuroimagerie et Informatiques USC Mark & Mary Stevens, a annoncé que son équipe était la première à développer une méthode basée sur l'IRM permettant de visualiser les champs magnétiques suivant l'induction de courants tDCS chez des êtres humains vivants. Les résultats furent publiés le 4 octobre dans le Scientific Reports, journal du groupe « Nature Publishing ».

Wang, l'auteur senior de cette étude explique que « malgré une méthode de soin toute nouvelle et faisant son apparition dans les académies [et une augmentation exponentielle de publications], il n'y a pas de preuve concluante prouvant que la tDCS tienne ses promesses. « Les scientifiques ne parviennent pas encore à déterminer les mécanismes à l'œuvre, ce qui empêche la FDA d'homologuer la thérapie. Notre étude est le premier pas vers une imagerie expérimentale des courants tDCS sur le cerveau dans le cadre de production de données objectives permettant aux chercheurs de développer un traitement s'appuyant sur des bases scientifiques. »

Alors que l'on utilisait un poisson électrique pour soulager ses maux de tête dans l'Antiquité, le tDCS est, comme on le connaît aujourd'hui, disponible depuis l'an 2000, explique Mayank Jog, principal auteur de l'étude et lauréat menant des recherches à l'École de Médecine David Geffen à l'UCLA.

« Depuis lors, cette technologie à petit-budget, non invasive, et facile d'utilisation s'est révélée efficace pour améliorer les capacités cognitives et soigner des symptômes cliniques, » explique Jog.

Cette étude représente une percée technologique, d'après Maron Bikson, coauteur de l'étude et professeur en ingénierie biomédicale au lieu-dit The City College of New York.

« On ne peut pas expliquer ce que l'on ne peut pas voir, c'est un point pivot dans le développement de la technologie tDCS » a dit Bikson.

Comment ça fonctionne

La science est un peu défiante au sujet de la tDCS. Cette technique d'optimisation cérébrale s'est révélée efficace pour améliorer les symptômes d'un large éventail de pathologies neurologiques et psychiatriques, y compris la dépression, l'état de manque et les infarctus. Des scientifiques ont également souligné son action favorisant l'apprentissage, un effet sur la mémoire de travail et l'octroi d'autres atouts cognitifs chez les personnes en bonne santé. Toutefois, certains affirment que la tDCS est inopérante et même préjudiciable. À de rares exceptions, son application a fait apparaître des brûlures au lieu d'apposition d'électrodes.

Des chercheurs ont modélisé le cerveau humain et ont démontré que la projection d'un courant positif (anode) sur une zone et d'un courant négatif (cathode) sur une autre instaurera un état incitant, respectivement, les neurones limitrophes à déclencher une réponse plus rapidement ou plus lentement.

En théorie, placer une électrode de contact sur le lobe préfrontal droit (côté droit du front) et une autre sur le lobe pariétal (au-dessus des yeux et derrière l'oreille droite) entraîne le réseau directeur et pourrait développer l'attention et la motricité, rapporte Wang. Les victimes d'infarctus pourraient poser une anode sur l'hémisphère qui présente des lésions et une cathode sur l'hémisphère sain. Cette approche réhabilitatrice permet de supprimer une surcompensation de l'hémisphère sain et pousse les endroits présentant des lésions vers la santé.

« Cette technique est très peu onéreuse, » dit Jog. « Vous pouvez la pratiquer à la maison. La plupart des études montrent que les gens n'ont besoin que de deux semaines pour présenter des améliorations, et les effets bénéfiques peuvent se manifester au-delà de la période de traitement. Cette technique suscite donc de l'espoir, or les chercheurs doivent arriver à une meilleure compréhension de ce qui se passe. »

Des débats ont eu lieu pour savoir si la projection d'un courant électrique de 1-2 milliampères (mA) créant une sensation de picotement chez la plupart des individus traversait en fait réellement le cerveau. Un chercheur de l'Université de New York a testé la tDCS sur un mort et a révélé qu'aucun courant n'arrivait jusqu'au cerveau. Il insista sur le fait qu'au moins 4 mA -- en gros l'équivalent d'une décharge de pistolet paralysant -- étaient nécessaires pour que les neurones déclenchent une réponse.

Wang a, pour sa part, dit que les neurones ne déclenchaient pas de réponse avec la tDCS. Son utilisation crée un environnement qui rend plus ou moins probable le déclenchement d'une réponse de la part des neurones.

Un nouveau moyen de visualiser le courant cérébral

Les chercheurs ont vérifié leur algorithme d'IRM sur un mannequin, sur lequel ils connaissaient le chemin emprunté par le courant et le champ magnétique projeté. Ensuite ils ont testé cette méthode sur un échantillon biologique simple : un mollet humain. Ils ont, finalement, appliqué ce protocole sur le cuir chevelu de 12 volontaires en bonne santé.

Après 20 à 30 minutes dans un scanner, ce nouvel algorithme montre l'image d'un champ magnétique qui a été créé par la tDCS. Les chercheurs ont relevé qu'un courant pénétrait le corps et le cerveau. Par la suite, les scientifiques ont confronté leur technique à une simulation informatique.

Le test avec le mannequin coïncida fortement avec la modélisation informatique, vérifiant par conséquent l'algorithme. On rencontra pour le mollet une concordance modérée. L'examen du cerveau présenta sous et entre les électrodes les fluctuations magnétiques envisagées. Wang explique toutefois qu'une modélisation informatique ne se substitue pas à un examen du cerveau, car il existe un nombre trop élevé de variables, cela force la raison à considérer que l'utilisation d'une modélisation informatique n'est pas idéale pour comprendre ce qui se passe vraiment dans la tête des personnes qui suivent un protocole tDCS.

Une autre technique de mesure tDCS utilisée aujourd'hui est la fMRI, qui observe la variation des niveaux d'oxygène pour déterminer les lieux traversés par le courant. Cette mesure n'est pas directement reliée au courant électrique et susceptible de faux positifs. À la place d'utiliser un système de bouche-à-oreille, il est préférable d'aller à la source.

« Les scientifiques qui ont étudié la littérature sur la tDCS avec attention sont tous tombés d'accord sur le fait que la tDCS pouvait changer le fonctionnement cérébral, mais que son application à des questions de santé cruciales et de stimulation cérébrale pourrait bénéficier d'une compréhension approfondie de son mécanisme ainsi que d'une technologie accrue, » a ajouté Bikson. « Cette étude est un pas important dans ces deux directions. »