Il existe des documents et des preuves indiquant que le cimentier français Lafarge a financé les terroristes de l'Etat islamique, a confié à RT William Bourdon, président de l'ONG de défense des droits de l'homme Sherpa.
Camion Lafarge
© Benoit Tessier/Reuters
William Bourdon est un avocat français, inscrit au Barreau de Paris et président-fondateur de l'ONG de défense des droits de l'homme Sherpa.

L'un des plus grands cimentiers, le groupe Lafarge, fait face à des accusations selon lesquelles il aurait contribué au financement de Daesh en Syrie, tandis qu'il essayait de maintenir l'activité de ses usines dans la région. Par conséquent, Lafarge est accusé de financement de terrorisme et de complicité de crimes de guerre. Le président de l'ONG Sherpa, William Bourdon, a expliqué à RT sur quoi se basent les accusations contre la société française.

RT : De quoi accusez-vous la société Lafarge ?

William Bourdon (W. B.) : Nous nous battons dans ce procès en nous basant sur une enquête difficile, compliquée et rigoureuse. Les témoins [des agissements de Lafarge], qui sont aussi les plaignants, sont d'anciens employés d'une filiale de Lafarge. Se basant sur ces faits, nous, Sherpa et une organisation allemande basée à Berlin, avons conclu que Lafarge et des dirigeants et responsables français avaient commis un crime, pouvaient être accusés de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, et de financement du terrorisme (qui n'est pas un crime mais un délit). Les conditions dans lesquelles travaillaient les employés étaient proprement inacceptables, entre menaces de kidnapping et menaces de meurtre. Tout cela relève de la mise en danger d'autrui. Ces plaintes sont sans précédent, c'est la première fois qu'il y a un tel pont entre des accusations de crime international et des liens avec le terrorisme [pour une société occidentale].

« Des documents indiquent que des paiements à Daesh ont été effectués, c'est documenté »

RT : Quelles preuves montrent que Lafarge a payé Daesh ?

W. B. : Il y a des documents internes importants. Je ne peux pas donner plus de détails, parce que l'enquête est secrète et cela suppose la protection des sources. Des documents indiquent que des paiements à Daesh ont été effectués, c'est documenté, c'est au cœur de nos accusations. Cela est contraire à toute raison : prendre le risque de s'engager dans ces relations dangereuses, toxiques, avec Daesh, incluant des relations commerciales et des paiements. C'est un cas sans précédent.

« Le premier pas à faire est l'ouverture de l'enquête »

RT : Ces preuves sont-elles sûres ?

W. B. : Sherpa ne peut se permettre de se lancer dans un tel processus sans que nous soyons profondément convaincus de leur crédibilité. C'est pourquoi nous sommes aussi pleinement convaincus du fait que l'enquête sera bientôt ouverte.

RT : Quelles actions doivent être prises contre Lafarge ?

W. B. : Maintenant, c'est du ressort de la justice. Le premier pas à faire, et auquel nous pouvons nous attendre, est l'ouverture de l'enquête et la nomination de deux juges d'instruction. Il y aura un grand débat public : il y a un partenariat très connu entre Lafarge et WWF. Les faits mettent en question ce partenariat. Cela ne sera pas une enquête à court terme, cela sera une enquête compliquée. Les plaignants et témoins sortiront de l'obscurité.

RT : A votre avis, la décision prise par Lafarge ne nuit-elle pas seulement à ses employés mais aussi la société européenne ?

W. B. : Vous devez poser cette question à Lafarge.

« Je n'ai aucune raison de considérer que les autorités françaises peuvent être responsables »

RT : Pourquoi pensez-vous cette situation avec Lafarge a été possible ? Les autorités sont-elles aussi à blâmer ?

W. B. : Vous devez le demander aux cadres de Lafarge. Il y a une enquête basée sur des faits que toutes les sociétés qui travaillent dans cette région l'ont quittée en 2012. Alors pourquoi Lafarge a continué seule malgré les risques en 2013, 2014 ? Dans une période où on savait bien ce qui se passait. La guerre !

RT : Les autorités françaises pourraient-elles être considérées comme responsables ?

W. B. : Je ne répondrai pas à cette question. Je n'ai aucune raison de considérer que les autorités françaises puissent être responsables de manière directe ou indirecte. C'est la responsabilité du secteur privé et non du secteur public.

RT : Connaissez-vous d'autres sociétés qui ont agi de même manière avec Daesh ?

W. B. : Nous ne disposons pas d'information de ce genre.