Commentaire : Avec ce Brexit au résultat énervant, ce TAFTA maintenant trop voyant, ces islandais un peu trop indépendants, ce Poutine trop virevoltant, ce Trump trop trumpisant, ces Syriens trop vaillants, ça transpire de plus en plus en haut-lieu. Et ça devient de plus en plus difficile de tyranniser, de mentir et de magouiller en toute quiétude, avec toute cette populace de moins en moins consentante, un peu partout dans le monde. Ici, en France, la classe politique assaisonne ses discours de ses bobards habituels, maladivement sûre d'elle-même, de ses raisonnements, de sa légitimité : le terrorisme est partout et il n'a jamais de fin ; le terroriste, c'est dorénavant le frère, l'ami, le fils ou la grand-mère, c'est le voisin. Merveilleuse occasion pour nos dirigeants que de pouvoir distiller ainsi la peur, nourrir la méfiance, distordre la réalité. Dans le but de pouvoir garder toujours plus longtemps ses iniques privilèges.


Par un nouveau texte de loi, le gouvernement vient de prolonger l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet prochain. Ce dispositif d'exception mis en place après les attentats du 13 novembre 2015 vise à réduire les libertés publiques fondamentales, notamment celles de réunion et de manifestation.
militaire
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L'exécutif a justifié son choix en invoquant l'instabilité politique propre aux périodes électorales : les « débats politiques pouvant être emprunts d'une certaine tension », la commission d'attentats « aurait un impact accru et porterait une atteinte grave et directe à la vie démocratique et institutionnelle française ». Il est vrai que l'exercice du pouvoir serait nettement plus simple s'il n'était pas troublé par ces échéances électorales à répétition...
Face au chaos ambiant, la quasi-pérennisation de ce régime d'exception répond à un double objectif pour l'exécutif : durcir sa main-mise sur la vie politique et institutionnelle en limitant les possibilités de contestation sociale, s'affranchir des règles propres à l'état de droit qui encadrent l'exercice de son pouvoir. Ou dit autrement : réduire l'incertitude de la société civile en serrant le verrou administratif tout en augmentant l'arbitraire de son pouvoir discrétionnaire.
Après les différentes lois sur le terrorisme, la loi de programmation militaire, celle sur le renseignement, le gouvernement a décidé de laisser la porte grande ouverte aux mesures autoritaires de l'état d'urgence renouvelé pour la cinquième fois. Et elles ne sont pas que symboliques : entre le 14 novembre 2015 et le 14 novembre 2016, sur l'ensemble des perquisitions administratives pratiquées dans le cadre de l'état d'urgence, soit plus de 4000, 653 d'entre elles ont abouti à l'ouverture d'une procédure judiciaire, tous chefs infractionnels confondus ; depuis le 22 juillet 2016, 112 arrêtés d'assignation à résidence ont été pris et 91 personnes demeurent assignées à résidence au 18 novembre 2016, les abrogations résultant le plus souvent d'incarcération des individus concernés pour non-respect des obligations de leur assignation ou dans le cadre de poursuites judiciaires pour d'autres infractions. Au 18 novembre 2016, on comptait encore 244 mesures d'interdiction de sortie du territoire et 202 interdictions administratives du territoire concernant des individus liés aux mouvances terroristes et islamistes radicales ; 82 mesures d'expulsion de personnes en lien avec le terrorisme et 319 mesures de déréférencement de sites faisant l'apologie du terrorisme ont été prises depuis le début de l'année 2015).

Les perquisitions et saisies de matériel ou de données informatiques vont pouvoir se poursuivre sans garde-fou judiciaire, de même que celles menées à domicile de jour comme de nuit. L'État pourra décréter la fermeture provisoire des salles de spectacles et des lieux de réunion ou encore instaurer des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé. Il lui suffira d'invoquer « des raisons sérieuses de penser que [le lieu visé] est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » (article 11 du texte de loi).
L'exception devient peu à peu la règle. La prochaine étape sera sans doute de rendre l'état d'urgence permanent comme le proposent certains élus socialistes ou encore d'instaurer l'état de siège. Le silence assourdissant des associations de défense des droits de l'homme et des médias en général en dit long sur la banalisation de ces dispositifs liberticides qui font désormais partie du paysage politique ordinaire. Passant outre les réserves du Conseil d'État pour qui « les renouvellements de l'état d'urgence ne sauraient se succéder indéfiniment et que l'état d'urgence doit demeurer temporaire », le gouvernement vient d'ajouter une pierre de plus à l'édifice sécuritaire. En attendant la suivante puisqu'il a annoncé le dépôt d'un nouveau projet de loi sur la sécurité publique.