corse
© Inconnu
L'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a annoncé, vendredi 24 février, avoir mis au jour un mithræum sur le site de Mariana, à Lucciana. C'est le premier lieu de culte de ce type à être découvert sur l'île de Beauté.

Mariana, une colonie romaine fondée en Corse vers l'an 100 avant notre ère, connut son apogée vers le IIIe ou le IVe siècle, son port contribuant activement aux échanges en Méditerranée. Près de deux mille ans plus tard, une fouille archéologique dirigée par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a mis au jour un quartier périphérique de cette cité antique à Lucciana, au nord-est de l'Ile de Beauté.

Il s'agit en particulier d'un mithræum : un sanctuaire dédié au dieu gallo-romain (originellement indo-iranien) Mithra. C'est la première fois en Corse qu'un mithræum est identifié. Ce sanctuaire se compose de plusieurs espaces caractéristiques des mithræa dont une salle de culte et son antichambre. La salle d'assemblée rectangulaire est constituée d'un couloir central surcreusé, bordé de deux longues banquettes limitées par un muret enduit à la chaux.

Mithra, dieu au bonnet phrygien

En vis-à-vis, deux niches voûtées en briques sont aménagées dans l'épaisseur des banquettes. L'une d'elles contenait encore trois lampes à huiles intactes, selon le communiqué. À l'extrémité du couloir devait se dresser le bas-relief de marbre représentant Mithra, coiffé de son bonnet phrygien et sacrifiant un taureau. Trois fragments de ce bas-relief brisé ont été retrouvés par les archéologues.

Lampes retrouvées dans le sanctuaire sur le site de Mariana.
© InconnuLampes retrouvées dans le sanctuaire sur le site de Mariana.
D'autres éléments en marbre ont été exhumés, dont une tête de femme. Deux clochettes en bronze, de nombreuses lampes brisées et des pots à pâte fine pourraient relever d'un mobilier liturgique. Une plaque de bronze et une autre de plomb portent des inscriptions qui restent à déchiffrer. Peu de choses sont connues sur le mithraïsme, un culte monothéiste concurrent du christianisme. En l'absence de documentation écrite explicite, la connaissance repose principalement sur l'étude de ses sanctuaires et des représentations peintes ou sculptées qu'ils renferment.

Un culte initiatique diffusé au Ier siècle

D'origine indo-iranienne, ce culte a probablement été introduit dans l'empire par les militaires romains et les marchands orientaux. Ce culte initiatique, réservé aux hommes, s'est diffusé au premier siècle, en concernant d'abord des élites, puis toutes les couches de la société.

Bas-relief représentant Mithra
© InconnuBas-relief représentant Mithra, coiffé du bonnet phrygien, sacrifiant le taureau. Marbre du II-IIIe siècle, Louvre, Paris.
Une centaine de mithræa sont connus dans l'ensemble de l'empire, notamment à Rome et Ostie, mais aussi en France à Bordeaux, Strasbourg, Biesheim et Septeuil. Alors concurrent du christianisme, le mithraïsme est fortement combattu puis interdit par l'empereur Théodose en 392. Le sanctuaire de Mariana porte d'ailleurs des traces de destruction dès l'Antiquité. Les causes exactes de cette destruction restent inconnues, mais un vaste complexe paléochrétien avec basilique et baptistère a été édifié vers 400 à Mariana, constituant les premières traces du christianisme en Corse.

Aujourd'hui, un important programme de valorisation de la cité romaine de Mariana est engagé par la commune de Lucciana. Il comprend notamment la construction d'un musée de site et l'aménagement d'un parc archéologique de plusieurs hectares.

Fouilles exhumant le couloir de la salle d’assemblée du sanctuaire.
© InconnuFouilles exhumant le couloir de la salle d’assemblée du sanctuaire.