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La méthionine (à gauche) et la cystéine (à droite) sont les deux acides aminés retrouvés dans les organismes vivants qui possèdent un atome de soufre (en jaune). © Domaine public
Les briques de la vie se seraient bel et bien formées il y a 4 milliards d'années dans un environnement gazeux et électrique. Les volcans, notamment grâce à l'émission de sulfure d'hydrogène, auraient permis la fabrication d'acides aminés soufrés, dont le rôle est nécessaire aux organismes vivants.

L'hypothèse selon laquelle la vie est née dans une « soupe primordiale » à partir d'éléments inorganiques soumis à l'énergie des éclairs vient d'être appuyée par un nouvel élément, près de soixante ans après son émission par le célèbre chimiste Stanley Miller. Réalisée en 1952 puis publiée en 1953 dans la prestigieuse revue Science, son expérience avait en effet montré l'apparition spontanée de certaines molécules qui sont à la base de la vie.

Des critiques avaient au départ remis en cause cette jolie théorie, argumentant que les acides aminés observés auraient pu provenir d'une contamination de l'expérimentation ou que les conditions dans lesquelles l'expérience avait été réalisée étaient trop formatées. Mais Stanley Miller et son collègue Harold Urey avaient pris soin de reproduire les conditions telles qu'on les imaginait sur la Terre primitive, il y a plus de 3 milliards d'années.

Mélangez du gaz et de l'électricité...

Ainsi, du méthane (CH4), de l'ammoniac (NH3), du dihydrogène (H2) et de l'eau (H2O) avaient été placés dans un ballon parcouru de décharges électriques simulant les éclairs qui étaient probablement monnaie courante à l'époque. Une semaine plus tard, l'énergie apportée par l'électricité et les rayons ultraviolets avait entraîné la formation de nouvelles liaisons chimiques entre les atomes d'hydrogène, d'oxygène, de carbone et d'azote.

Les nouvelles molécules retrouvées, organiques cette fois, avaient pu être identifiées : de l'urée, du formaldéhyde ou même quelques acides aminés, les briques des protéines. Cette première preuve de la formation de molécules biologiques n'était pourtant pas complète, n'ayant pas pu montrer l'apparition de l'ensemble des vingt acides aminés retrouvés dans les organismes vivants.

... ajoutez un soupçon de sulfure d'hydrogène...

Cinq années plus tard, en 1958, Miller avait réalisé de nouvelles expériences similaires, en utilisant d'autres combinaisons de gaz (dont du sulfure d'hydrogène SH2) plus proches de celles retrouvées aux abords des volcans, mais n'avait finalement jamais pris le temps de les analyser. Les échantillons, conservés dans le laboratoire et retrouvés cinquante ans plus tard, à la mort de Miller, ont alors pu bénéficier des moyens techniques actuels, bien plus performants que ceux de l'époque qui auraient sans doute limité la détection de certaines molécules trop faiblement présentes.

Ainsi, en 2008, grâce à la spectrométrie de masse, l'équipe avait alors annoncé dans Science la découverte de vingt-deux acides aminés dans les vieux échantillons. Selon un autre article paru tout récemment dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, un vingt-troisième acide aminé aurait été identifié.

... et vous obtenez des acides aminés soufrés !

De plus, un indice montre que la formation de ces molécules n'est pas un artéfact. Les chercheurs ont en effet retrouvé en quantités égales les deux formes symétriques que peuvent prendre les acides aminés (L ou D selon l'orientation du groupement NH2 par rapport à l'atome de carbone central), prouvant que leur apparition n'est pas due à la présence d'un microorganisme contaminant, qui n'aurait alors synthétisé que la forme L, largement majoritaire en biologie.

Mais la découverte la plus importante reste le fait que des atomes de soufre entrent dans la composition de six des acides aminés obtenus. La méthionine et la cystéine, les deux acides aminés soufrés faisant partie de la famille des acides aminés biologiques, auraient ainsi pu être créées dans l'atmosphère primitive. Les gaz soufrés émis par les volcans auraient donc joué un rôle important dans la formation de la vie.