Source : Robert Parry, Consortium News, 18-07-2017

Trump wall Israel
Le Président Donald Trump glisse une prière entre les pierres du mur de l'Ouest à Jérusalem, le 22 mai 2017 (photo officielle de la Maison Blanche par Dan Hansen)

Intentionnellement ou non, c'est suite aux mois d'hystérie du Russie-gate que les États-Unis en sont arrivés à ce carrefour, où Trump se trouve encore plus vulnérable face à Israël et à la pression des néoconservateurs, et où toute coopération avec la Russie est plus dangereuse pour lui d'un point de vue politique.

Après sa rencontre avec le président français Emmanuel Macron dimanche à Paris, Netanyahou a déclaré qu'Israël était totalement opposé au marché conclu entre Trump et Poutine concernant le cessez-le-feu en Syrie du Sud, car il perpétue la présence iranienne en Syrie en soutien au gouvernement du président Bachar el-Assad.

La position de Netanyahou augmente la pression sur Trump pour une escalade dans l'implication militaire américaine en Syrie, et dans les possibles avancées vers une guerre contre l'Iran, voire contre la Russie. Les néoconservateurs américains, qui suivent généralement une trajectoire identique aux souhaits de Netanyahou, ont déjà sur leurs listes d'objectifs actuels un « changement de régime » à Damas, à Téhéran et à Moscou - indifférents aux dangers engendrés pour le Moyen-Orient et même pour le monde entier.

Au sommet du G20 le 7 juillet, Trump a rencontré Poutine durant plusieurs heures, parvenant à un accord commun de cessez-le-feu pour le Sud de la Syrie, un accord qui s'est révélé plus réussi que les efforts précédents pour réduire la violence qui ravage le pays depuis 2011.

Mais cette paix limitée pourrait entraîner l'échec de la guerre par procuration qu'Israël, l'Arabie saoudite, la Turquie et d'autres acteurs régionaux ont aidé à déclarer il y a six ans avec l'objectif de déposer Assad et de briser le « croissant chiite » de Téhéran à Damas via Beyrouth. Dans les faits, ce « croissant » semble s'être raffermi, l'armée de Assad ayant été soutenue par les forces miliciennes chiites provenant de l'Iran ou du Hezbollah libanais.

En d'autres mots, le pari d'un « changement de régime » pour le gouvernement Assad a eu un résultat contraire, en établissant les forces de l'Iran et du Hezbollah le long de la frontière israélienne avec la Syrie. Et au lieu d'accepter ce retournement et de chercher un modus vivendi avec l'Iran, Netanyahou et ses alliés arabes sunnites (dont notamment la monarchie saoudienne) ont décidé de partir dans la direction opposée (un élargissement du conflit) et d'entraîner avec eux le président Trump.

Trump, le néophyte

Trump - un relatif néophyte dans le jeu mondial - a été lent à comprendre que son rapprochement avec Netanyahou et avec le roi saoudien Salman allait à l'encontre de sa collaboration avec Poutine dans les efforts pour combattre les groupes djihadistes sunnites, notamment al-Qaïda et l'État islamique, fers de lance de la guerre pour renverser Assad.

Trump
Le président Donald Trump touche un globe illuminé en présence du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, et du roi saoudien Salmane à l'ouverture du Centre mondial de lutte contre l'idéologie extrémiste, en Arabie saoudite le 21 mai 2017. (Photo de Saudi TV)

Al-Qaïda et l'Etat islamique ont reçu, directement ou indirectement, de l'aide de l'Arabie saoudite, des États du Golfe, de la Turquie, d'Israël, et même de l'administration Obama, même si parfois c'était involontairement. Pour bloquer le renversement de Assad - et la victoire probable de ces groupes terroristes - la Russie, l'Iran et le Hezbollah sont venus à la rescousse de Assad, l'aidant depuis 2015 à renverser le cours de la guerre.

Durant cette presque demi-année à la Maison Blanche, Trump a maintenu une hostilité ouverte face à l'Iran - adoptant la position des néoconservateurs de Washington et aussi de Netanyahou et de Salman -, mais le Président américain a également poussé à la coopération avec la Russie pour écraser l'État islamique et al-Qaïda au cœur de la Syrie.

La collaboration avec la Russie - et indirectement avec l'Iran et l'armée syrienne - a du sens du point de vue des intérêts américains, à savoir stabiliser la Syrie, limiter les flux de réfugiés qui ont déstabilisé l'Europe, et retirer à al-Qaïda et à l'État islamique une base pour lancer des attaques terroristes contre des cibles occidentales.

Mais la même collaboration sera une défaite amère pour Netanyahou et Salman qui ont lourdement investi dans ces projets de « changement de régime », qui réclament des investissements majeurs pour les États-Unis en termes de diplomatie, argent et puissance militaire.

Aussi, lors de son dernier week-end à Paris, Netanyahou a choisi d'augmenter la pression sur Trump à un moment où les Démocrates et les principaux médias américains le harcèlent au quotidien sur le scandale du Russie-gate, émettant même la possibilité que son fils, Donald Trump Junior, soit poursuivi et emprisonné pour avoir rencontré un avocat russe en juin 2016.

Si Trump souhaite que la menace du Russie-gate s'atténue, il sera tenté de donner à Netanyahou ce qu'il souhaite et à compter sur l'entregent du leader israélien pour intervenir auprès des néo-conservateurs de Washington et diminuer les effets du scandale.

Le problème, cependant, serait que Netanyahou souhaite vraiment que les militaires américains participent au projet de « changement de régime » en Syrie - comme ce fut le cas en Irak et en Libye - causant pour les Américains plus de morts et plus de dépenses, l'extension du conflit, jusqu'à l'Iran, voire un conflit avec la Russie, puissance nucléaire.

Ceci pourrait réaliser les projets actuels de « changement de régime » du courant néoconservateur, mais c'est prendre le risque d'un conflit nucléaire mondial. Dans cette optique, des libéraux et même des progressistes - qui utilisent le Russie-gate comme un moyen pour démettre de son poste Donald Trump qu'ils détestent - pourraient contribuer à la fin de la civilisation humaine.

Reporter d'investigation, Robert Parry a révélé de nombreuses affaires Iran-Contra pour l'Associated Press et Newsweek, dans les années 80.

Source : Robert Parry, Consortium News, 18-07-2017

Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr.