Après avoir étudié 150 sites frappés par l'aviation occidentale, le New York Times révèle l'ampleur des dommages collatéraux dans les opérations contre Daesh. La guerre « la moins transparente » de l'Histoire des États-Unis, selon les journalistes.
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© Inconnu
Les conclusions d'une enquête de terrain en Irak du New York Times, publiée le 16 novembre 2017, sont accablantes pour la coalition arabo-occidentale. Les journalistes du quotidien new-yorkais disent avoir inspecté plus de 150 sites ciblés par la coalition emmenée par les États-Unis, chaque fois le plus vite possible après que Daesh s'en était retirée. Des centaines de témoins et survivants ainsi que des responsables locaux ont été interviewés. Les fragments des missiles et des bombes lancées sur Mossoul et ses environs ont été photographiés et expertisés.

Et le constat de leurs recherches est sans appel : les pertes civiles sont 31 fois plus élevées que les chiffres officiels livrés par la coalition. « C'est un écart tel, qu'en termes de victimes civiles, c'est sans doute la moins transparente des guerres dans l'Histoire américaine récente », écrivent les journalistes du New York Times.

Le journal met ainsi en avant l'histoire dramatique d'une de ces innombrables victimes civiles des frappes de l'aviation américaine. Le 20 septembre 2015, Basim Razzo se réveille en pleine nuit à son domicile. Peinant à respirer, un goût âcre dans la bouche proche de celui du sang, il se rend compte que ses jambes sont curieusement repliées sur lui. Puis il aperçoit la ligne des arbres des collines qui environnent sa maison et comprend que les murs de la chambre ont disparu. Sa femme et sa fille de 21 ans ont été pulvérisés dans une frappe aérienne occidentale.

Mais ce n'est pas la fin du calvaire pour Basim Razzo dans son travail de deuil. Quelque temps après le drame, le père de famille tombe sur une des nombreuses vidéos en noir et blanc de frappes mises en ligne par la coalition, et reconnaît avec stupeur sa maison ainsi que celle, voisine, de son frère, lesquelles disparaissent dans un éclair et un panache de fumée. Le tracé des routes et la forme des bâtiments ne laissent aucun doute. Et pourtant, d'après la coalition, il s'agissait d'une usine clandestine de Daesh fabriquant des engins explosifs artisanaux destinés à être utilisés dans des véhicules piégés.

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© TerraServer, DigitalGlobeLa maison de Basim Razzo, quatre semaines avant la frappe aérienne de la coalition arabo-occidentale, image satellite
Une vue satellite du même site ne laisse aucun doute.

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© TerraServer, DigitalGlobeLa maison de Basim Razzo, après la frappe, image satellite
Entre avril 2016 et juin 2017, les journalistes ont passé au crible quelque 150 sites frappés par l'aviation de la coalition depuis le début des opérations en 2014. Une fois sur cinq, les raids aériens auraient touchés des civils, assimilés à des terroristes, en raison notamment d'informations obsolètes des services de renseignement. « Dans ce système, les civils irakiens sont considérés comme coupables jusqu'à ce qu'ils prouvent leur innocence », déplorent les journalistes du New York Times. Certains seraient toujours considérés comme des sympathisants de Daesh, mais sans aucun recours ou moyen de démontrer le contraire.