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« Du Yémen à Bahreïn, l'empire, tant qu'il en aura les moyens militaires et financiers, ne tolèrera ni réforme ni révolution. »
Répression systématique, dont la brutalité n'a d'égale que l'indifférence et le silence des médias tant occidentaux qu'arabes. Le mythe d'Al Jazeera la « rebelle » tombe à mesure que les martyrs succombent à Manama et Sana'a et que les tyrans associés à ceux de Qatar s'accrochent pour maintenir le pétrole sous contrôle des puissances néocoloniales. Pour les autres médias arabes financés par les pétrodollars saoudiens, aucune surprise. Les seuls médias à couvrir suffisamment les répressions sur la Péninsule sont quelques médias états-uniens alternatifs comme Democracy Now ! ou Real News Network et médias iraniens arabophones et anglophones.

Le petit royaume de moins d'un million d'habitant a connu le plus grand mouvement démocratique arabe, en proportion de sa population. Le Bahreïn connait maintenant de nouvelles expérimentations en répression de l'humanité. Human Rights Watch et d'autres organisations dénoncent, dans l'indifférence générale, la terreur qui s'abat sur la population. Selon les témoignages des journalistes et d'activistes, les manifestants et opposants n'ont plus accès aux hôpitaux occupés par les armées du Golfe et des agents en civil ou en uniforme. Les nombreux Check-points sont une menace constante, tout citoyen risquant l'arrestation et la disparition. Certes, la population n'en est pas à la première vague répressive ces dernières années et a su développer une grande résilience.

Le personnel médical travaille dans la peur constante. Des cliniques de fortune sont improvisées dans les résidences d'opposants, sans équipement ni personnel. La répression s'étend sur toute l'île, les villages sont attaqués par les armées du Golfe. Une des modalités de la répression consiste à détruire certains lieux de rassemblement de la population, depuis les parcs jusqu'aux cliniques médicales. Aucune infrastructure n'est théoriquement à l'abri des bulldozers Caterpillar, modeste mais néanmoins sinistre évocation de la politique sioniste de nettoyage ethnique de la Palestine.

La famille royale du Bahreïn s'est donc lancée dans une politique de la terre brulée, sacrifiant le meilleur de sa population qui au début se contentait pourtant de réformes politiques et sociales modérées qui auraient maintenu une monarchie constitutionnelle. Une petite élite a choisi de conduire l'économie et la société au désastre, pour préserver les intérêts euro-américains et sionistes. Le message aux arabes et musulmans : « du Yémen à Bahreïn, l'empire, tant qu'il en aura les moyens militaires et financiers, ne tolèrera ni réforme ni révolution. » La petite phrase d'Hillary Clinton est aussi explicite que monstrueuse, la monarchie absolue de Bahreïn avait « le droit souverain » de faire appel aux troupes du CCG (Conseil de coopération du Golfe, ndlr) pour réprimer, supprimer son peuple.

Et puisque tout à tendance à se ramener au nombril occidental, et son appétit vorace en ressources terrestres, contribuons radicalement à une lecture eurocentrée : « le précédent défendu par Clinton est clair, demain s'il se produisait de véritables révoltes de populations dramatiquement paupérisées, aux USA ou au sein de l'UE, elles pourront, selon la logique du Département d'État, être réprimées par les armées d'états voisins, les hôpitaux, places publiques pourront être militarisées ou rasées, les citoyens abattus jusque dans les salles de soins intensifs, les opposants traqués porte à porte, les étudiants frappés à la machette ou au gourdin, les foules livrées aux snipers. »

Le silence collectif des peuples occidentaux, leur ignorance de ce qui se joue à Manama, Sana'a et ailleurs, tout cela aura des répercussions en cas d'évolution économique et sociale « à l'Argentine ». Alors peut-être, certains se rappelleront les martyrs de Bahreïn. J'en doute tant l'amnésie fait loi avec sa sœur jumelle, l'hypocrisie.