Plusieurs ex-employées de l'ONG assurent que certains travailleurs humanitaires ont eu recours à de jeunes prostituées durant leurs missions en Afrique ou monnayé des médicaments en échange de relations sexuelles.
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© PASCAL GUYOT-/AFP
L'affaire rappelle celle de l'ONG britannique Oxfam, dont certains employés sont accusés d'avoir commis des abus sexuels en Haïti, après le séisme dévastateur de 2010. La BBC publie ce jeudi une série de témoignages d'ex-employées de l'association Médecins sans frontières. Selon leurs dires, des membres du « staff » de MSF - hors personnel médical - auraient eu recours à des prostituées lors de diverses missions en Afrique.

Un comportement « répandu », selon ces témoignages anonymes. En 2017, l'ONG s'était déjà séparée de vingt-quatre personnes, suspectées de harcèlement ou d'abus sexuels.

« Jeunes prostituées »
« Il y avait certainement un abus de pouvoir. Ils étaient là depuis longtemps et ont profité de leur statut exalté de travailleur humanitaire occidental »

Une ex-employée de Médecins sans frontières
Une ancienne membre du bureau de Londres assure par exemple avoir vu un humanitaire de haut rang ramener des filles dans les locaux de l'organisation, au Kenya. « Elles étaient très jeunes et on les soupçonnait d'être des prostituées », raconte-t-elle, précisant qu'il était « implicite » qu'elles étaient là pour le sexe. L'ex-employée ajoute qu'il était parfois compliqué de dénoncer ces comportements, car les travailleurs humanitaires concernés étaient souvent « assez âgés ». « Il y avait certainement un abus de pouvoir. Ils étaient là depuis longtemps et ont profité de leur statut exalté de travailleur humanitaire occidental. Peut-être que la direction n'était pas au courant, mais on avait clairement le sentiment que certains de ces hommes "prédateurs" étaient considérés comme trop haut placés pour pouvoir tomber », poursuit-elle.

Toujours sous couvert d'anonymat, une autre ex-humanitaire, qui travaillait auprès des malades du sida en Afrique centrale, confirme que ces actes étaient «répandus». « Il y avait ce collègue plus âgé, qui a installé une femme dans la base. Il était clair que c'était une prostituée mais il l'appelait sa "petite amie". Elle passait nuit après nuit avec lui », se souvient-elle. Et d'ajouter: « Il avait une cinquantaine d'années, et elle était beaucoup, beaucoup plus jeune. Et c'était flagrant, si flagrant ». Cette ancienne salariée confie par ailleurs avoir été harcelée sexuellement par un de ses collègues: « Il m'a vraiment rendu la vie misérable. Il m'a torturé en ramenant des prostituées devant moi. Le pire est venu quand je suis partie pendant quelques semaines. Lorsque j'ai regagné ma chambre, j'ai trouvé des préservatifs usagés. Il avait dit à d'autres collègues qu'il les avaient délibérément laissés là ». Après avoir fait état de ce comportement à son patron, on lui a proposé une médiation, la prévenant qu'elle serait renvoyée si elle ne réglait pas le différend avec son collègue.

Du sexe contre des médicaments?
« Nous ne sommes pas immunisés contre les abus et nous prenons toutes les allégations au sérieux »

Médecins sans frontières, au Figaro
Mais ce n'est pas tout. Une troisième lanceuse d'alerte raconte comment un de ses collègues se vantait d'obtenir des relations sexuelles avec des jeunes filles ayant perdu leurs parents dans l'épidémie de l'Ebola au Liberia en échange de médicaments. « Il disait "Oh, c'est si facile. Si facile d'échanger des médicaments avec ces filles faciles au Liberia" », affirme-t-elle.

Contactée par Le Figaro, l'ONG Médecins sans frontières a réagi à ces révélations: « Nous ne sommes pas immunisés contre les abus et nous prenons toutes les allégations au sérieux ». Pour l'heure, MSF dit n'avoir « rien pu confirmer parce qu'il n'y a pas de preuves ». « Ce sont des accusations sans fondement. En particulier sur l'échange médicaments contre du sexe », ajoute-t-on. L'association indique que des « mécanismes » sont déjà en place pour « prévenir, détecter et sanctionner les conduites déplacées ». « Tous les employés sont encouragés à signaler des comportements déplacés ou des abus, soit à leur hiérarchie, soit à travers des canaux spécifiques, via des adresses électroniques dédiées, et en dehors de toute ligne hiérarchique », promet l'organisation sur son site internet.