Colonel Muammar Gaddafi
© Sputnik / Alexei Druzhinin

Le flot de migrants africains se déversant en Europe va probablement augmenter au cours des prochaines années, selon Bernhard Schwarz, contributeur au site Sputnik Allemagne. Pendant des décennies, la Libye a fait barrage à la vague de réfugiés se dirigeant vers l'Union européenne. Aujourd'hui, alors que la Libye est en ruine, les dirigeants européens réalisent que feu le colonel Kadhafi avait raison.

La « prophétie » de l'ancien dirigeant libyen est en train de devenir réalité, en témoigne le récent incident où des Africains miséreux ont violemment forcé la frontière entre le Maroc et la ville autonome espagnole de Ceuta, sur la côté nord de l'Afrique, le 26 juillet, écrit Schwarz, qui souligne que l'événement a envoyé un signal fort à Berlin.

« Poussés par le désespoir et la faim, ils sont prêts à risquer leurs propres vies et celles des gardes-frontières pour atteindre l'Europe. Et rien ne les en empêchera. La brutalité dont ils ont fait preuve envers la police est choquante et devrait déclencher la sonnette d'alarme à Bruxelles. Pour l'instant, l'UE n'a pas réagi à l'incident, mais si un plan d'action concret n'est pas bientôt présenté, la violence et l'anarchie destructrice risquent de s'abattre sur l'Europe », avertit le journaliste allemand.

Le 26 juillet, 800 migrants africains ont escaladé une clôture de 7 mètres de haut séparant le Maroc de l'Espagne, afin de traverser la frontière entre le Maroc et l'enclave espagnole de Ceuta, 602 migrants atteignant le territoire espagnol. Les migrants ont lancé des pierres, des bâtons, des cocktails Molotov, des excréments et du haschich sur les force de l'ordre. L'attaque a fait 132 blessés côté migrants et 15 côté policiers.

L'Organisation internationale pour les migrants (OIM) avait rapporté plus tôt que depuis le début de l'année, 3125 Africains avaient traversé la frontière espagnole en passant par les enclaves de Melilla et de Ceuta, et avaient pénétré dans l'UE.

L'avertissement de Kadhafi adressé à l'OTAN

À la veille de l'invasion de la Libye par l'OTAN en 2011, Kadhafi avait déclaré : « Maintenant, écoutez moi, vous peuple de l'OTAN. Vous êtes en train de bombarder un mur qui se trouve sur la route de la migration africaine vers l'Europe, et sur celle des terroristes d'Al-Qaïda. Ce mur, c'est la Libye. Vous êtes en train de le détruire, vous êtes idiots, et vous brûlerez en enfer pour les milliers de migrants en provenance d'Afrique et pour avoir soutenu Al-Qaïda. »

La Libye est aujourd'hui en pleine déliquescence, sous la houlette de deux gouvernements qui n'ont pas encore rétabli l'ordre dans le pays. De façon prévisible, les rebelles libyens n'ont pas rendu les armes que leur ont généreusement fournies leurs mécènes français et étatsuniens. En outre, les stocks d'armes de Kadhafi ont été pillés, transformant la Libye en l'un des plus gros marchés noirs d'armes.

« On a observé une situation similaire après l'intervention des États-Unis en Irak, en Afghanistan, et en Syrie avant l'intervention des Russes [en 2015] », souligne Schwarz, qui ajoute que l'Allemagne reçoit la plupart des demandes d'asile en provenance de ces pays.

Il fait toutefois remarquer que l'approche de la chancelière allemande Angela Merkel quant au problème des réfugiés fait fortement penser à l'impuissance de l'Empire romain peu avant sa chute. Il ajoute que les politiques de la chancelière sont à l'opposé de celles de ses prédécesseurs, Willy Brandt, chancelier de la République Fédérale d'Allemagne de 1969 à 1974, et d'Helmut Schmidt, qui lui succéda de 1974 à 1982.

Brandt et Schmidt avaient mis en garde contre une immigration incontrôlée, dont les conséquences pour la société allemande seraient catastrophiques. Actuellement, environ 10,6 millions d'étrangers vivent en Allemagne, et les réfugiés continuent d'affluer dans le pays.

Olaf Scholz
© AP / Michael Sohn12 mars 2018. De gauche à droite, Olaf Scholz, vice-président du Parti social-démocrate (SPD), Angela Merkel, chancelière et présidente de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) et Horst Seehofer, président de l’Union chrétienne-sociale (CSU) lors d'une conférence de presse commune à Berlin, Allemagne.

Le « masterplan » de Seehofer

Pour régler la crise des migrants, le ministre de l'Intérieur allemand Horst Seehofer a présenté un plan envisageant la création de centre spéciaux et instaurant les procédures nécessaires pour juguler le flux de réfugiés. Début juillet, Seehofer et Merkel se sont mis d'accord pour accélérer le retour des migrants dans les pays depuis lesquels ils ont soumis leur demande d'asile.

Depuis le 18 juillet, la police bavaroise patrouille le long de la frontière entre l'Allemagne et l'Autriche pour prévenir les intrusions illégales.

Commentant le plan de Seehofer consistant à renvoyer les migrants dans les pays depuis lesquels ils ont envoyé leur demande d'asile, Schwarz a évoqué le récent incident à la frontière entre l'Espagne et le Maroc.

« Après l'intrusion dans l'enclave espagnole de Ceuta, se pose la question du bon fonctionnement et de la protection de ces centres. La population africaine augmente rapidement ; d'ici 2050, elle aura doublé, atteignant les 2,5 milliards. Le flux de réfugiés va probablement grossir à cause de la faim, de conditions économiques précaires, de la corruption et du manque de perspectives pour la population. Il est fort probable que les réfugiés ne se laisseront pas décourager par un rejet de leur demande d'asile et tenteront de s'introduire en Europe », a déclaré le journaliste allemand.

Il fait remarquer que plus de 75 pourcent des réfugiés se dirigeant vers l'Europe par voie maritime ont embarqué depuis la Lybie, et qu'il s'agit principalement de Nigériens, d'Érythréens, de Somaliens et de Tchadiens.

D'après Schwarz, la Syrie pourrait servir d'exemple dans la résolution du problème de l'immigration : grâce à l'intervention de la Russie, le gouvernement légitime de Bachar al-Assad est progressivement en train de rétablir l'ordre dans le pays, facilitant le retour des demandeurs d'asile syriens réfugiés en Turquie, au Liban et en Jordanie. Cela veut dire que la Syrie ne connaîtra pas le sort de la Libye et parviendra à réduire le flux de Syriens cherchant refuge en Europe.

Traduction: SOTT