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© Laurent SchmittLa thérapie génique CAR-T cells vient d’être testée avec succès en France.
Les CAR-T cells permettent de traiter certains cancers du sang en modifiant génétiquement les cellules du patient. Deux hôpitaux parisiens ont été labellisés pour développer ces médicaments révolutionnaires.

Une armée de soldats, génétiquement modifiés, livrant une bataille sans merci. La scène est horrifiante. Mais si la cible est le cancer, si les armes reprogrammées sont des cellules tueuses de tumeurs, cela devient « la découverte de l'année », selon les propres termes de la puissante association américaine de cancérologie ASCO. Cette nouvelle guerre, c'est celle des CAR-T cells, une thérapie qui consiste à modifier en laboratoire les lymphocytes T du malade afin de les munir d'un récepteur (le CAR) capable de traquer les vilains crabes.

« On se sert du système immunitaire pour fabriquer un médicament sur-mesure », s'enthousiasme, comme tous ses collègues, le docteur Sophie Bernard, onco-hématologue à l'hôpital parisien Saint-Louis. Et pour cause : contre certains cancers du sang -leucémies aiguës, lymphomes (B)- réfractaires aux traitements traditionnels, il s'agit d'une révolution. Les résultats sont particulièrement extraordinaires dans les rechutes de leucémie chez l'enfant, avec des taux de rémission de plus de 80 %.

À ce jour, en France, seule une trentaine de petits et grands patients ont été traités par CAR-T cells dans le cadre d'essais cliniques. Mais, très bonne nouvelle au cœur de la torpeur estivale, les troupes se regonflent ! L'ANSM, le gendarme du médicament, vient d'accorder à deux laboratoires (Gilead/Kite et Novartis) des autorisations temporaires d'utilisation (ATU). En clair, en attendant la mise sur le marché et les négociations serrées face au coût exorbitant des traitements, un accès bien plus large à cette immunothérapie 2.0 va être possible.

Éviter des traitements lourds

Marie en a bénéficié. Dans quelques jours, ce sera au tour de trois autres patients. En prime, le positionnement de la France comme véritable acteur de la recherche. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) nous l'annonce : les établissements parisiens Saint-Louis et Robert-Debré viennent d'être labellisés parmi les tout premiers en Europe « centres experts pour le traitement par cellules CAR-T ».

« Nous allons de surprises en surprises... » Cet engouement est d'autant plus touchant qu'il émane du professeur André Baruchel, le chef du service d'hématologie qui soigne les enfants à l'hôpital Robert-Debré. Chaque année, l'agressive leucémie aiguë lymphoblastique touche 400 nouveaux enfants et ados. Pour la plupart, elle se guérit bien. Pour les autres, les CAR-T éclaircissent un sombre horizon. « On a traité la toute première enfant en juin 2016. Elle va très bien, reprend-il. Autre chose, grâce à une seule injection, les CAR-T évitent des traitements barbares et très lourds. »


À l'instant T, les CAR ne concernent donc qu'une toute petite poignée de patients. « Oui, mais elles sont dans une dynamique exponentielle, notamment pour le traitement du lymphome réfractaire, sixième cancer de France chez l'adulte », reprend le docteur Sophie Bernard qui doit prélever de nouveaux malades dans les prochains jours à Saint-Louis.

Le même hôpital s'apprête à accueillir une plateforme de production de « thérapie innovante ». « Elle permettra, souligne l'AP-HP, de fabriquer de nouveaux CAR-T », produits aujourd'hui aux États-Unis. Si les CAR-T cells signifient « récepteurs chimériques », il se pourrait cette fois que la chimère devienne réalité.

LE MOT : CART-T-CELLS

Tu peux répéter ? Ça s'écrit comment ? Autant le retenir tout de suite car les CAR-T (prononcer Ti) cells sont bien parties pour entrer dans le vocabulaire de la lutte anti-cancer. Le CAR est en anglais le Chimeric antigen receptor, c'est-à-dire le récepteur antigénique chimérique. Comme l'explique la Ligue contre le cancer, son rôle est « d'éduquer certaines cellules immunitaires du patient, les lymphocytes T, afin qu'elles reconnaissent spécifiquement les cellules (cells) tumorales et s'attaquent à elles ». Les lymphocytes T sont ainsi génétiquement modifiés en laboratoire afin d'être dotés du CAR qui sera injecté au patient.

LES CHIFFRES
  • 35 000 nouveaux cancers du sang ou hémopathies malignes touchent chaque année des adultes, mais aussi des enfants et adolescents.
  • 83 % contre environ 15 % classiquement : c'est le taux de rémission à trois ans des patients, enfants ou jeunes adultes (jusqu'à 25 ans) avec une leucémie aiguë réfractaire au traitement qui ont reçu une injection de CAR-T cells.
  • 40 % de rémission complète 15 mois après le traitement par CAR-T pour des patients atteints d'un lymphome diffus à grandes cellules B réfractaire. Selon un médecin de Saint-Louis, ce taux varie de 5 à 10 % avec une chimio conventionnelle.