Lors de l'édition nationale du 19/20 de France 3 du 15 décembre, une photo de presse manipulée a été utilisée pour illustrer la mobilisation des Gilets jaunes à Paris.
macon
© Photo originale / Photo diffusée par France 3
Sur la version originale de ce cliché, pris sur le parvis de l'Opéra Garnier par le photojournaliste Geoffroy Van der Hasselt et diffusé par l'AFP, on voit une grande pancarte sur laquelle figure le slogan « Macron dégage ». Mais sur la version de la photo diffusée au JT de France 3, le terme « dégage » ne figure plus sur cette même pancarte ; on n'y lit plus que « Macron ».

De nombreux internautes vigilants s'en sont émus sur Twitter :



Interpellé sur Twitter, AFP Factuel a apporté quelques éclaircissements :
"Vous êtes nombreux à nous interroger sur l'image ci-dessous, diffusée dans le JT de France 3 du 15/12, et qui semble avoir été retouchée pour tronquer le slogan "Macron dégage" sur la pancarte d'un gilet jaune. Nous pouvons confirmer qu'il s'agit d'une photo AFP retouchée.

Cette retouche n'est évidemment pas du fait de l'AFP, mais nous ne savons pas, en l'état actuel des choses, qui l'a effectuée. Nous nous rapprochons de nos confrères de France 3 pour tenter d'en savoir plus. (...)

Contactée par l'AFP, la direction de la communication de France Télévisions a affirmé en fin d'après-midi qu'il s'agissait "d'une erreur et d'un manque de discernement de la part d'une personne qui concourt à la fabrication du JT".

"Cette initiative n'a pas été portée à la connaissance de la rédaction en chef du JT. Il ne s'agit ni d'une censure, ni d'une volonté de dissimuler une quelque information", a assuré la direction de la communication du groupe audiovisuel public."
Contacté par Checknews, France 3 explique qu'il s'agit d'une « erreur humaine » :
« Une enquête est en cours. Une personne opérationnelle est intervenue, la rédaction en chef n'a pas décelé la modification. Nous allons communiquer très rapidement pour donner des explications et diffuser la photo d'origine ».
Selon Le Monde, France Télévisions assure qu'il n'y a « aucune volonté de masquer cette pancarte », ajoutant qu'il « faut raison garder en ces temps de complotisme ».

On croit rêver... Au nom de l'anti-complotisme, on veut nous faire croire qu'il n'y a eu aucune volonté d'effacer le mot "dégage" de la pancarte ? Le mot aurait donc disparu tout seul, par accident, par mégarde, sans que personne ne l'ait voulu ? On se fiche du monde !

Voici les excuses que France 3 a présentées au public, en persistant - contre toute raison - à parler d'une simple "erreur humaine" :
"Pour refermer cette page consacrée aux Gilets Jaunes, nous tenions à vous présenter nos excuses. Hier durant le 19-20 une erreur humaine a conduit à la diffusion d'une photo tronquée. Voici cette image derrière moi, telle qu'elle a été prise par un photographe. Nous vous devions cette explication au regard de la confiance que vous nous accordez."

La photo n'a pas été "tronquée", comme il est dit (on n'en a pas coupé un bout), mais falsifiée, gommée, retouchée... Les mots ont un sens. Mais on comprend pourquoi France 3 a choisi ce terme : on peut tronquer par erreur ; mais on ne peut pas gommer par erreur.

Même des acteurs souvent prompts à défendre les grands médias face aux "complotistes" du web sont obligés de reconnaître que les explications de France 3 sont trop courtes et bien peu convaincantes. C'est le cas de Hoaxbuster et de la Tronche en Biais :

hoax
tronche
Fabrice Epelboin, lui, ridiculise l'explication officielle de la chaîne. Il y a de toute évidence eu une action volontaire, un acte délibéré et réfléchi, pour gommer la pancarte anti-Macron ; aucune "erreur" n'est ici possible.

fabice
France 3 a, en réalité, cherché à falsifier une image gênante (pour le pouvoir qu'il défend), à la façon dont les Soviétiques procédaient à l'époque de Staline :
"La censure des images en Union soviétique est l'ensemble des mesures prises pour modifier les documents relatant l'histoire de l'Union soviétique. Il s'agit principalement de falsification d'images photographiques, d'où sont purement et simplement « éliminés » les personnages tombés en disgrâce. Il s'agissait de minimiser le rôle effectif de telle ou telle personnalité, mais également de montrer que les dirigeants n'avaient jamais été en contact avec certains leaders devenus infréquentables."
staline
Alors que certains chiens de garde médiatiques, dont un journaliste de la radio publique, voient la main de Poutine derrière les Gilets jaunes, adoptant ainsi une posture complotiste qu'ils condamnent hypocritement par ailleurs, voici donc la télévision publique reprenant les bonnes vieilles méthodes de Staline... Quelle ironie !

France 3 n'en est pas à son coup d'essai. Il y a quelques semaines, Le Canard Enchaîné révélait une autre mystérieuse disparition, cette fois-ci sur le site de France 3 Ile-de-France. Un portrait peu avenant du nouveau ministre de la Culture s'était volatilisé, le 16 octobre 2018, pour réapparaître un peu plus tard expurgé de certains passages.

canar
Autre précédent : le 18 novembre, en pleine mobilisation des Gilets jaunes, France 3 Aquitaine avait coupé l'antenne à l'une de ses journalistes (peut-être encore un peu naïve), qui avait imputé la cause des tensions aux forces de l'ordre, et non aux manifestants :
« Malheureusement, la situation se tend. Cela ne vient pas des manifestants, qui sont toujours plutôt bon enfant mais des forces de l'ordre. Les policiers les ont menacés de relever leurs plaques d'immatriculation pour leur mettre des amendes. Et puis derrière moi les CRS sont arrivés avec leurs matraques et leurs boucliers... »
À cet instant, la présentatrice intervient pour l'interrompre :
« Merci ! Merci beaucoup Laurianne, je suis désolée d'être obligée de couper ce direct. Au revoir. À ce soir. On reviendra bien sûr sur ces informations. »
Pendant ce temps, la journaliste sur la mobilisation continue sa phrase sur les CRS : « Ils se sont mis en ligne et menacent maintenant de charger les gilets jaunes ». Sa voix est largement couverte par la présentatrice en plateau.

A l'époque, cette coupure nette et choquante avait été imputée à un impératif technique.


Il y a quelques jours seulement, le 12 décembre, le médiateur de France Télévisions organisait sur France 3 un débat (intéressant) pour essayer de comprendre les raisons du désamour entre les journalistes et les Gilets jaunes. Peine perdue... La manipulation de ce 15 décembre ne va certainement pas arranger les relations de plus en plus tendues entre la presse et les citoyens.