Comparer une cellule vivante à un virus, c'est un peu comme comparer la Chapelle Sixtine à une niche pour chien. Dépourvus du mécanisme complexe et très sophistiqué des cellules vivantes, les virus représentent une biologie dépouillée jusqu'à un niveau extrême. Ce sont les véritables minimalistes du monde biologique.
dna in cell
© Juan Gärtner / Adobe StockL'ADN dans les cellules
Néanmoins, le domaine de la virologie regorge de questions sans réponse sur ces entités architecturales simples, mais qui restent mystérieuses. Dans le cadre de nouvelles recherches, Arvind Varsani, virologue moléculaire à l'université d'État de l'Arizona, s'associe à une prestigieuse équipe internationale pour explorer une classe particulière de virus en détectant les fragments génétiques qui révèlent toute la complexité de l'évolution virale.

La nouvelle étude examine la dynamique évolutive des virus à ADN « circulaire monocaténaire codant une "protéine à réplication-associée" ».


Commentaire : Dans la suite du texte et pour une lecture plus fluide :

« circulaire monocaténaire codant une "protéine à réplication-associée" » sera intitulé CRESS pour « circular Rep-encoding single-stranded », et
« protéine à réplication-associée » sera intitulé Rep pour « replication-associated protein ».

Par ailleurs, un virus à ADN peut être soit à simple brin ou monocaténaire, soit à double brin ou bicaténaire.


Les résultats montrent que cette vaste classe de virus à ADN monocaténaire — qui contaminent les trois domaines cellulaires de la vie — ont acquis leurs composantes génétiques grâce à des processus évolutifs complexes qui ne peuvent être corrélés à un seul événement ancestral. Les virus sont plutôt des imitateurs obsessionnels qui s'approprient du matériel génétique provenant de nombreuses sources, y compris des cellules bactériennes, archées et eucaryotes ainsi que des réplicons parasites circulaires, appelées plasmides, et d'autres éléments génétiques nomades tels que les transposons.


Commentaire : Il semble que les scientifiques ont souvent du mal à tracer les « processus évolutifs qui sont corrélés à un seul événement ancestral ». Il y a toujours quelque chose ou plutôt tout un tas de choses qui ne font tout simplement pas sens, mais cela ne les empêche pas d'espérer qu'un jour ça fonctionnera peut-être.


Lorsqu'un ensemble d'éléments nomades — comme les virus à ADN CRESS — provient de plus d'un ancêtre ou d'un groupe ancestral évolutif commun, ils sont appelés polyphylétiques. Ce phénomène est courant dans le monde viral, présentant à la fois des défis et des opportunités pour les chercheurs, car les définitions, les taxonomies et les trajectoires évolutives de ce vaste domaine sont reconsidérées, à l'aide de nouvelles techniques puissantes.


Commentaire : Les scientifiques donnent l'impression ici de vouloir admettre que la théorie de l'évolution ne fonctionne pas, mais c'est plus fort qu'eux et ils ne peuvent s'empêcher de répéter le mot ad vitam aeternam.


Une meilleure compréhension de l'échange d'informations génétiques entre différents virus et fragments génétiques dérivés de cellules pourrait un jour améliorer les tentatives mises en œuvre pour contrôler ces entités parasites, dont certaines ont eu des effets dévastateurs sur le bien-être humain et le rendement des cultures.

De telles explorations pourraient également jeter un nouvel éclairage sur les origines de la première vie sur Terre et résoudre la question de savoir comment la vie cellulaire a pu coexister avec l'effroyable éventail de virus de la planète, surnommé le virome [ensemble des génomes d'une population virale trouvés dans un même organisme ou dans un même environnement - NdT]. Comme l'explique Arvind Varsani :
« Au cours de la dernière décennie, nous avons découvert des virus dans divers écosystèmes à l'aide d'approches métagénomiques et, par conséquent, nous avons en mesure d'alimenté les bases de données de ces virus à ADN CRESS, ouvrant la voie à une analyse mondiale qui a permis de mieux comprendre leur origine ainsi que celles d'autres virus apparentés. »
Arvind Varsani est chercheur au Centre de biodesign pour les mécanismes de l'évolution et au Centre de microbiomiques fondamentales et appliquées, ainsi qu'à l'École des sciences de la vie de l'ASU.

Il fait équipe avec Darius Kazlauskas de l'Institut de biotechnologie du Centre des sciences de la vie à l'université de Vilnius en Lituanie ; Eugene V. Koonin de l'Institut national de la santé de Bethesda dans le Maryland aux États-Unis ; et Mart Krupovic du Département de microbiologie de l'Institut Pasteur à Paris en France.

La nouvelle recherche est publiée dans le dernier numéro de la revue Nature Communications.


Commentaire : La microbiomique est un domaine en pleine croissance dans lequel tous les micro-organismes d'un microbiote donné sont étudiés ensemble. Il peut s'agir du microbiote d'un échantillon environnemental comme le sol ou l'eau, d'un site corporel particulier, comme l'intestin ou la bouche, ou d'un organisme particulier, comme les animaux de ferme ou ceux qui vivent dans un zoo.


La planète des virus

Des recherches récentes en génomique environnementale ont montré que les entités biologiques les plus abondantes sur Terre sont les virus, les particules virales étant plus nombreuses que les cellules par un ou deux ordres de grandeur. Ils font preuve d'une extraordinaire diversité et se sont adaptés à pratiquement tous les environnements terrestres. Ils peuvent également être considérés comme les acteurs biologiques les plus performants en termes de potentiel de croissance, d'abondance, de biodiversité, d'adaptabilité et d'impact.

Les virus se composent d'acide nucléique — soit de l'ARN soit de l'ADN — entouré d'une coquille protéique protectrice, connue sous le nom de capside. Décrire le fonctionnement de chaque virus est simple : entrer dans une cellule vivante, pirater son mécanisme métabolique et fabriquer sa propre progéniture.

Les virus diffèrent sensiblement des cellules appartenant aux domaines bactérien, eucaryote et archée, notamment en ce qui concerne leurs modes de réplication. Bien que toute la vie cellulaire repose sur l'héritage de l'ADN à double brin ou bicaténaire, les virus peuvent être monocaténaires ou bicaténaires et utiliser l'ADN ou l'ARN comme matériel génétique. De plus, leurs génomes peuvent être circulaires ou linéaires, constitués d'une ou de plusieurs molécules. Les virus n'ont pas un seul ancêtre commun et aucun gène n'est conservé sur l'ensemble du virome, ce qui fait des virus une sorte d'assemblage génétique.

La métagénomique virale — parfois nommée « séquençage au fusil de chasse » — a ouvert une nouvelle fenêtre sur le monde viral. Elle permet à des chercheurs comme Kazlauskas, Koonin, Krupovic et Varsani d'explorer des communautés virales complexes sans aucune connaissance préalable des virus présents dans l'échantillon environnemental. Cette technique est utile pour étudier la spectaculaire diversité mondiale des virus, dont beaucoup sont difficiles ou impossibles à cultiver en laboratoire.


Commentaire : La métagénomique est une analyse sans étape de culture de l'ensemble des acides nucléiques des micro-organismes présents dans un milieu donné. Le catalogue de ces séquences représente le génome collectif ou le génome global d'un échantillon donné, appelé métagénome. Le « séquençage au fusil de chasse » (Shotgun sequencing en anglais) consiste lui à diviser au hasard des séquences d'ADN en de nombreux petits morceaux, puis à réassembler la séquence en recherchant les régions de chevauchement.


CRISPR2
© InconnuCRISPR2 ou l'ingénierie génétique au service de la manipulation des génomes, pour le meilleur ou pour le pire ?

Le succès par l'« égoïsme
»


Commentaire : « égoïsme » est ici entre guillemets, car il fait référence à la théorie du gène égoïste ou de l'ADN égoïste de Richard Dawkins, théorie elle-même directement dérivée de la théorie de l'évolution par sélection naturelle de Charles Darwin. Voir la série de trois articles mettant en lumière les deux théories ci-dessus mentionnées, théories qui consistent « en une foule d'événements étranges qui ont pratiquement zéro pour cent de chance de se produire. » :

Parmi les virus mis en lumière par la métagénomique virale figurent les virus à ADN CRESS. Autrefois considérés comme rares, ces virus ont depuis été découverts dans les sols, les cheminées sous-marines, les lacs et étangs de l'Antarctique, les échantillons d'eaux usées, les océans et les sources chaudes. Les virus à ADN CRESS font partie d'un super-groupe viral vaste et diversifié qui revêt une importance cruciale, tant sur le plan médical qu'économique.

Les virus à ADN CRESS peuvent être identifiés grâce à une protéine spécifique, appelée Rep, qui joue un rôle crucial dans le mécanisme de réplication du génome commun à ces virus ainsi qu'aux divers plasmides circulaires présents dans les bactéries et les archées. Des chercheurs ont récemment noté que le gène Rep est conservé dans tous les virus à ADN CRESS. L'une de leurs tâches biologiques consiste à couper et à joindre à nouveau des segments d'ADN monocaténaire — activité essentielle au mécanisme de réplication connu sous le nom de réplication circulaire de l'ADN.


Commentaire : La réplication circulaire de l'ADN est un processus de duplication d'acide nucléiques ADN ou ARN donnant plusieurs copies de molécules circulaires d'ADN ou ARN. Source


Le processus de réplication circulaire commence lorsque la protéine Rep entaille l'un des brins de la forme ADNdb du génome viral, initiant ainsi la séquence de réplication. Le brin monocaténaire ainsi obtenu par cette entaille est allongé à l'aide d'une ADN polymérase hôte, en utilisant le brin non entaillé comme modèle.

Finalement, le brin d'ADN monocaténaire nouvellement synthétisé se dissocie complètement de la forme double brin originale et ses extrémités sont réunies en un nouveau cercle simple brin, avec l'aide de Rep, un brin complémentaire peut alors se former, créant une nouvelle unité bicaténaire. Le procédé permet la synthèse rapide de multiples copies d'ADN circulaire.

La recombinaison de divers modules fonctionnels à partir de groupes viraux et plasmidiques distincts, issus de la virosphère [toutes les régions de la Terre où il existe des virus - NdT], est un processus incessant qui génère constamment de nouveaux virus à ADN bicaténaire. La présente étude examine les similitudes de séquence entre divers virus de l'ADN CRESS et des réplicons non viraux, comme les plasmides, ainsi que les outils phylogénétiques utilisés pour explorer leurs relations évolutives.


Commentaire : Un plasmide est une molécule d'ADN circulaire à double brin ou bicaténaire — dissociée du chromosome — capable de réplication autonome et non essentielle à la survie de la cellule. Les plasmides sont utilisés en génie génétique à des fins de clonage moléculaire, de production de molécules et de séquençage.


Les résultats révèlent trois événements évolutifs distincts contribuant à la composition génétique des virus à ADN CRESS. Une parenté intrigante semble exister entre les virus à ADN CRESS et les plasmides circulaires présents dans les bactéries, les archées et certains eucaryotes. Les nouveaux résultats aident à éclairer la galaxie en expansion des virus à ADN stratégique qui se répliquent par le mécanisme circulaire, dont les virus à ADN CRESS. Comme l'explique M. Krupovic :
« Il est remarquable de voir tous ces liens évolutifs entre les virus et les réplicons « égoïstes » non viraux, qui étaient autrefois considérées comme n'ayant aucun lien de parenté. En conséquence, les mécanismes généraux de l'évolution du virus ainsi que l'organisation globale du vaste monde viral commencent à s'effriter. »
Source initiale de l'article :
Contenu fourni par l'université de l'État de l'Arizona. Article original écrit par Richard Harth

Référence de publication :
Darius Kazlauskas, Arvind Varsani, Eugene V. Koonin, Mart Krupovic. « Multiple origins of prokaryotic and eukaryotic single-stranded DNA viruses from bacterial and archaeal plasmids ». Nature Communications, 2019; 10 (1) DOI: 10.1038/s41467-019-11433-0
Source de l'article : Science Daily
Traduction
: Sott.net