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Charlotte d'Huart est médecin généraliste dans le Brabant wallon. Depuis quelques jours, elle assiste à un phénomène marquant et qui l'inquiète : très peu de patients la contactent. Pour rappel, les généralistes ne font à présent plus que des consultations par téléphone, selon l'ordre du collège de médecine générale. Les consultations en face-à-face sont réservées à des cas urgents non suspects de Covid-19.

Que remarquez-vous lors de ces appels ?

Nous avons très peu d'activité, en moyenne 30 appels par jour pour un cabinet de cinq médecins, et lorsque nous recevons des appels, nous assistons à des choses assez graves. Lors de ces quelques consultations, nous constatons que les gens arrivent tard, voire trop tard. Avec mon assistant, rien que cette semaine, nous avons découvert deux cancers, fortement avancés, bien plus avancés que ce qu'on aurait eu en temps normal. Un des patients était jaune depuis 15 jours et on pouvait lui suspecter une atteinte du pancréas. On risque d'assister à des choses que je n'ai vues que dans les pays en voie de développement comme des patients qui arrivent avec des maladies avancées, parce qu'ils pensent que ce dont ils souffrent peut attendre deux semaines (puisqu'on reporte la fin des mesures de deux semaines en deux semaines). Pour moi, il va y avoir une surmortalité qui ne sera pas seulement due au Covid-19 mais collatérale, parce que les gens ne se soignent plus. À la sortie du confinement, on va se trouver avec des cas graves.

Quels sont les profils qui doivent être très vigilants ?

Les personnes qui souffrent d'insuffisance rénale et de diabète requièrent un suivi important. Elles ne doivent surtout pas hésiter à nous appeler. Chez les enfants, les vaccins doivent continuer à être administrés. Si on ne le fait pas, on risque de provoquer des épidémies évitables. En Afrique, après l'épidémie d'Ebola, on a vu apparaître une épidémie de rougeole car les gens n'étaient pas venus se faire vacciner. Et puis, il y a toutes les maladies qui nécessitent une prise une charge urgente. Des personnes qui ressentent des violentes douleurs thoraciques - cela peut être un infarctus ; des personnes diabétiques qui ont la nausée - cela peut être aussi un infarctus silencieux ; des personnes qui perdent l'usage de la parole ou d'un membre - cela peut être un AVC. Ce sont des patients qui doivent être soignés en urgence. Une dame âgée qui fait une chute brutale peut être victime d'une fracture du col du fémur, et dans ce cas, doit être opérée dans les 6 heures. L'urgence est ici vitale. Des saignements brutaux, également, nécessitent que l'on appelle son médecin sans délai.

Pourquoi ces patients à risques ne viennent-ils pas ?

Ils ont peur d'être contaminés. Les personnes qui pensent avoir le Covid-19, comme les autres, ne doivent pas hésiter à nous téléphoner. Nous examinons alors l'opportunité d'une consultation. Quand elle est inévitable, nous disposons des protections pour ne pas être infectés et pour ne pas infecter les patients. Nous nous lavons les mains, nous désinfectons les surfaces entre chaque patient, nous évitons qu'ils ne se croisent dans la salle d'attente, etc. Nous les examinons en toute sécurité. Dans les hôpitaux, les patients Covid sont accueillis sous une tente et empruntent ensuite le circuit Covid. Là non plus, ils ne croisent pas les autres. Il faut faire passer le message aux gens : ne restez pas dans le doute, appelez-nous ! On pourra vous orienter. Vous êtes aussi importants que les patients Covid.