Un automobiliste de 38 ans a arrêté le forcené qui se dirigeait ce dimanche vers une église du Blanc-Mesnil, armé d'un fusil-mitrailleur chargé, en criant Allahou akbar. Selon plusieurs témoins, il a évité «un carnage».

blanc-Mesnil
«Il nous a sauvés d'un carnage.» Les fidèles de l'église du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) et le service d'ordre de ce lieu de culte qui peut accueillir près d'un millier de personnes lors des grandes fêtes ont chaleureusement remercié Yves (le prénom a été changé).

Ce dimanche matin, peu après 7 heures, alors qu'il venait de fermer la discothèque où un anniversaire était célébré, Yves, portier ou physionomiste depuis une vingtaine d'années, a eu un comportement « héroïque » aux dires des témoins : « il a sauvé la vie de plusieurs personnes, c'est sûr. » Avec sa voiture, il a volontairement percuté un homme armé qui se dirigeait vers l'église en criant « Allahou akbar ». Puis l'a neutralisé, avant d'être aidé par certains fidèles.

L'homme avait sur lui « un sabre et un fusil semi-automatique », confirme-t-on au parquet de Bobigny. Une cartouche était chambrée dans le fusil. Lors de la perquisition à son domicile de Villemomble, deux autres fusils-mitrailleurs ont été retrouvés. Cet homme de 32 ans qui présentait un taux d'alcoolémie proche d'1 g par litre d'air expiré, a été placé en garde à vue pour violences volontaires avec arme, menaces avec arme, détention, port et transport d'arme. Mais l'affaire n'a pas été transmise au parquet antiterroriste.

Pas d'antécédent judiciaire ni de signes de radicalisation

« Il a certes crié Allahou akbar, mais n'a aucun antécédent judiciaire inquiétant et on n'a rien trouvé d'autre pour l'instant pouvant laisser penser à une radicalisation, reprend-on au parquet de Bobigny. Il était néanmoins très dangereux. »

« Je me suis vu mourir quand il a sorti son pistolet-mitrailleur, confie Yves. J'ai eu l'avantage d'arriver dans son dos, ça m'a permis aussi de ne pas avoir besoin accélérer trop fort. »

Tout commence vers 3 heures. La fête bat son plein dans la salle. De premiers convives sortent et sont menacés par un homme avec un sabre. Celui-ci disparaît dans les taillis du parc avoisinant. La scène se reproduit encore quelques heures plus tard. « On a appelé la police, mais on n'a pas vu de patrouille arriver », se rappelle Yves.

A 7 heures, la salle des fêtes est fermée. Deux invités discutent encore sur le parking. Yves est à côté de sa voiture. L'agresseur en tenue militaire, portant un masque de paintball pour couvrir son visage surgit armé de son sabre. Yves remonte dans sa voiture. Le forcené, qui circule sur une sorte d'hoverboard, fait demi-tour et file en criant vers l'église.

«Je connais les armes et j'ai vu que c'était réel»

« Il était déterminé et c'est là que je vois qu'il sort son fusil qu'il tient dans une main, reprend Yves. Je connais les armes et j'ai vu que c'était réel. Pour moi c'était clair qu'il allait commettre un attentat. J'ai un réflexe de sécurité en pensant aux familles de l'église. Je démarre et je le percute dans le dos. Il tombe de son engin. Se relève, se retourne, met des coups de sabre sur mon capot. Et commence à pointer son fusil. J'ai eu très peur. »

Yves accélère à nouveau et heurte de plein fouet l'agresseur. « Il a disparu de mon champ de vision et il est passé sous ma voiture, j'ai reculé rapidement et je suis sorti pour le désarmer, c'était dangereux, il aurait pu me tirer dessus, mais si j'attendais qu'il reprenne ses esprits c'est sûr qu'il m'aurait allumé ensuite (sic). » Un coup de pied dans le fusil pour l'éloigner. Puis deux « grandes baffes ». Les responsables de l'église viennent l'aider ensuite à immobiliser l'homme en tenue militaire.

«J'ai fait en sorte de ne pas le tuer»

« Je salue cet acte de courage qui a permis d'éviter une catastrophe », souligne Me. Karim Morand-Lahouazi, l'avocat du héros et de trois autres personnes qui se sont constituées partie civile. « J'ai eu très peur, j'ai vu ma vie défiler 40 fois, affirme Yves. Un ami qui était passager est traumatisé, il n'a pas dormi depuis. » Les chocs avec la voiture n'ont pas blessé le mis en cause qui a pu être placé en garde à vue.

« J'ai fait en sorte de ne pas le tuer, mais parce qu'il n'était pas face à moi, je n'ai fait que ce que j'avais à faire, rien de plus », balaye-t-il face aux louanges des passants. Yves n'a d'ailleurs pas parlé de cette histoire à sa famille. « Je ne veux pas qu'ils aient peur, mais c'est là qu'on se rend compte de l'insécurité totale dans notre pays. J'avais déjà dû composer avec des bagarres au couteau ou avec des bâtons à la sortie de discothèque. Mais là c'était clairement autre chose. »