Des chercheurs espagnols ont annoncé avoir découvert, sur le site de La Almoloya en Espagne, une tombe contenant un couple et des bijoux féminins, sous ce qui semble être un palais. Ces artefacts pourraient être la preuve de l'importance des femmes dans la société de cette époque.

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© Arqueoecologia Social Mediterrània Research Group, Universitat Autònoma de BarcelonaLe site de La Almoloya dans le sud de l'Espagne
A-t-on découvert une société matriarcale dans le sud de l'Espagne ? C'est la question que pose une équipe de chercheurs dans une publication du 11 mars issue du magazine Antiquity, de l'Université de Cambridge. Le site de La Almoloya, en Murcie, a en effet récemment révélé les dépouilles et les ornements de notables de la civilisation d'El Argar, ou argarique (2200-1500 ou 1150 av. J.-C.), qui peuplait le sud-est de l'Espagne à l'âge du bronze. Ces bijoux, faits d'argent et assez rares pour l'époque, laissent supposer que les femmes exerçaient un rôle important dans cette société très hiérarchisée. Par ailleurs, les archéologues ont mis au jour une vaste construction qui pourrait s'apparenter à un palais, ce qui confirmerait l'importance politique de la défunte portant ces bijoux.

Des découvertes exceptionnelles sur une des premières civilisations à maîtriser le bronze

La première découverte importante des archéologues sur le site de La Almoloya concerne une tombe contenant deux squelettes, l'un d'un homme de 35-40 ans et le second d'une femme de 25-30 ans. Ils seraient apparemment morts aux alentours de 1650 av. J.-C., c'est-à-dire à l'apogée de la culture argarique, une culture très hiérarchisée reposant sur une stricte séparation du travail et des classes sociales. Il s'agit aussi d'une des premières civilisations européennes à maîtriser du bronze. Les chercheurs ont également découverts, enterrés avec eux, 29 bijoux, notamment un diadème, des anneaux et des bracelets en argent. Au total, ce sont 230 grammes d'argent qui ont été retrouvés dans la tombe, ce qui représente l'équivalent de 938 jours de salaire d'un ouvrier de l'époque. Le couple enterré faisait donc partie de la plus haute classe de la société argarique et donc, potentiellement, de l'élite dirigeante.
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© Arqueoecologia Social Mediterrània Research Group, Universitat Autònoma de BarcelonaLa tombe où a été découvert la femme et ses bijoux
Sur ce site archéologique, fouillés depuis 2013, ont également été découvertes les fondations d'un immense bâtiment dont l'organisation et les salles laissent penser qu'il avait des fonctions politiques. On y trouve en effet des pièces domestiques, où l'on produisait la nourriture, des ateliers mais aussi une grande salle où se trouvaient de nombreux bancs, que les scientifiques ont qualifiée de « Parlement ». Ils estiment en effet que cette pièce, qui pouvait contenir jusqu'à 50 personnes, était le lieu de décisions politiques. Si cela était avéré, il s'agirait du premier palais de l'âge du bronze répertorié en Europe occidentale.

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© Arqueoecologia Social Mediterrània Research Group, Universitat Autònoma de BarcelonaLes bijoux découverts dans la tombe
Les femmes au pouvoir ?

Comme le souligne la chercheuse Cristina Rihuete de l'Université Autonome de Barcelone, qui a collaboré à l'étude, ces découvertes « soulèvent la question de savoir si une société étatique fondée sur les classes sociales peut être dirigée par des femmes. El Argar était-il une exception à l'idée engelsienne (1884) selon laquelle patriarcat et pouvoir d'État sont intimement liés ? ». De nombreux indices pointent en effet dans cette direction. La découverte d'un squelette de femme aussi orné à côté de celui d'un homme sans beaucoup d'attributs, le tout creusé sous un palais, semble confirmer l'hypothèse que certains chercheurs avaient déjà formulée.

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© Arqueoecologia Social Mediterrània Research Group, Universitat Autònoma de BarcelonaLe diadème découvert dans la tombe
Pour les spécialistes de l'âge du bronze, le fait que des guerriers aient été enterrés là où des femmes l'avaient été auparavant montrent que leurs tombes étaient relativement prestigieuses. La théorie est aussi corroborée par la présence d'au moins quatre autres tombes contenant des femmes avec des diadèmes sur le site de La Almoloya, là où les hommes étaient en général inhumés avec des armes. La société argarique reposant fortement sur la répression armée du peuple, il est possible que les hommes exerçaient activement le pouvoir exécutif et participaient à la violence d'État, alors que les femmes étaient cantonnées à un rôle symbolique. Les futures recherches permettront de déterminer quel était réellement le rôle attribué aux femmes de l'élite à l'époque d'El Argar.
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© Arqueoecologia Social Mediterrània Research Group, Universitat Autònoma de BarcelonaDeux anneaux trouvés dans la sépulture