couple avec IA
« Il me dit des choses qui sont vraiment réconfortantes » ; « Il sera toujours là pour moi » ; « Il ne me trompera jamais », témoigne Mélissa, dans Le Journal de Montréal. Ce prince charmant a décidément tout du gendre idéal. Disponible en permanence, réactif, et intelligent, sa qualité d'écoute est exemplaire et il apporte un soutien émotionnel exceptionnel. Son compagnon est décidément vraiment parfait - trop.

Et pour cause : le séduisant Xiaoice est, en réalité, un compagnon virtuel, une intelligence artificielle. Le charme est rompu et le constat glaçant. Certaines personnes dans le monde forment désormais des couples avec un chatbot, c'est-à-dire un robot. La déshumanisation des relations poussée jusqu'à son paroxysme trouve pourtant ses partisans : de jeunes citadins débordés de travail, ne faisant plus la distinction entre vie privée et professionnelle, coupés de toute vraie relation humaine. Résultat : la frontière entre réel et virtuel s'amenuise au point de permettre ce qui, jusque-là, paraissait inconcevable. « Tout le monde fait des heures supplémentaires, alors on pense qu'on doit faire la même chose. On n'a pas vraiment le temps de se faire des amis, et les amis qu'on a sont aussi très occupés », témoigne Mélissa.


De son côté, Li Di, le directeur général de Xiaoice, se frotte les mains et il peut. Son entreprise, lancée par Microsoft, « a été séparée l'an dernier du géant américain des logiciels. Elle vaut désormais 1 milliard de dollars, selon l'agence d'information financière Bloomberg », révèle Le Journal de Montréal. Et sans le moindre scrupule, il déroule son argumentation bien rodée : « Appeler Xiaoice, c'est toujours mieux que de rester au lit à contempler le plafond » ou « Si les interactions humaines étaient parfaites, on n'aurait pas eu besoin d'inventer l'intelligence artificielle ». On croit rêver. Et en attendant, on ment à des personnes complètement déboussolées, bien mal accompagnées dans leur solitude et bradant le charnel sur l'autel froid et désincarné du tout numérique. « Nous rencontrons souvent des utilisateurs qui soupçonnent qu'il existe, en fait, un être réel derrière les échanges avec Xiaoice », ajoute Li Di. Encore plus terrifiant, le robot « est très fort pour imiter les vraies gens ».

Bienvenue dans le monde d'après - désormais notre présent. Celui où la fragilité et la vulnérabilité sont méprisées, effacées, avortées, en faveur de l'humanité augmentée, intelligente et parfaite. Philippe de Villiers annonçait que les Big Tech et le biopouvoir, l'accélération de l'automatisation et la normalisation du télétravail allaient transformer durablement notre civilisation. Il décrivait « cette fusion progressive des identités physique, biologique et numérique » dans son livre. « Dans la société du "distanciel", on nous laissera bientôt le choix entre caresser le siamois qui miaule et promener la souris qui clique. » Pour avoir joué les Cassandre, il a été traité de complotiste. Il est peut-être encore en deçà de la bien triste réalité.