G8 2011
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Réunis à Deauville, les pays du G8 ont promis de prêter 40 milliards de dollars aux pays du "printemps arabe". Un chèque conséquent qui, pour le politologue Didier Billion, ne doit pas déboucher sur un "néo-colonialisme".

Le G8 a décidé d'accéder aux demandes de la Tunisie et de l'Égypte, mais n'est-ce pas un cadeau empoisonné ? Nicolas Sarkozy, qui en tant que président de la France tient actuellement les rênes de ce club des huit États les plus riches, a annoncé, vendredi, une enveloppe de 40 milliards de dollars (28 milliards d'euros) pour ces deux pays où des révoltes populaires ont renversé début 2011 des régimes autoritaires.

Ce geste était largement attendu. La présidence française du G8 avait, en effet, voulu mettre le sommet de Deauville sous le signe de soutien au "printemps arabe" en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. La Tunisie et l'Égypte avaient d'ailleurs fait connaître ces derniers jours leur prétention financière : Tunis réclamait 25 milliards de dollars sur cinq ans pour assurer la transition démocratique tandis que Le Caire estimait avoir besoin de 10 à 12 milliards de dollars "pour tenir jusqu'à mi-2012", afin de soutenir les revenus touristiques qui ont fortement baissé depuis le soulèvement populaire et doper la croissance aujourd'hui à zéro.

L'argent proviendra de diverses organisations internationales, comme la Banque mondiale ou la Banque européenne d'investissement, mais pas du FMI, ainsi que de plusieurs pays à titre personnel. La France contribuera, ainsi, à cet effort à hauteur de 1 milliard de dollars.

Relation néo-coloniale

Un soutien financier conséquent qui est "un premier pas dans la bonne direction", explique le politologue Didier Billion, spécialiste du Moyen-Orient, à FRANCE 24. Mais il ne faut pas en rester là, selon ce chercheur. "Ces promesses de prêts doivent s'accompagner de modalités qui lient l'argent à des projets concrets", souligne le politologue. Car pour l'heure, aucun pays concerné n'a précisé à quoi allait servir précisément cet argent. "Ces pays ont avant tout besoin de mettre en place des initiatives économiques qui les reconnectent aux régions plus avancées au nord de la Méditerranée", ajoute-t-il.

Tout cet argent mis sur la table peut même avoir des effets pervers. "Une aide financière inconditionnelle risque de réinstaller une relation de type néo-coloniale avec ces pays engagés dans un processus de démocratisation", prévient Didier Billion car elle s'apparente davantage à un "geste paternaliste" qu'au début d'une relation entre partenaires économiques.

En l'état actuel, ces promesses de prêts "pharaoniques" ont donc tout du cadeau empoisonné. Un risque dont les pays du G8 sont d'ailleurs conscients. Nicolas Sarkozy a tenu à lier cette aide "au développement, progrès de la démocratie et réformes économiques". "Il faut voir maintenant ce qu'il y a derrière ces propos pour savoir si le G8 va réellement accompagner le développement économique de ces pays ou s'il s'achète simplement une bonne conscience", conclut Didier Billion.