kilonova.
© PHOTO : UNIVERSITÉ DE COPENHAGUE/ALBERT SNEPPENIllustration artistique de l'explosion parfaitement sphérique associée à une kilonova.
Les kilonovas, ces gigantesques explosions qui surviennent lorsque des étoiles à neutrons fusionnent, forment une boule parfaitement sphérique durant les premières phases de leur développement, montrent les travaux d'astrophysiciens danois publiés dans la revue Nature (en anglais).

« Les kilonovas sont des phénomènes récemment décrits qui se produisent lors de la fusion de deux étoiles à neutrons, ces restes de grosses étoiles qui ont une tendance à tourner l'une autour de l'autre », explique l'astrophysicien Olivier Hernandez, directeur du Planétarium Rio Tinto Alcan, qui n'a pas participé à l'étude.

Ces étoiles à neutrons ne mesurent généralement qu'une vingtaine de kilomètres de diamètre, mais elles peuvent peser une fois et demie à deux fois plus que le Soleil. Une cuillère à café de matière d'étoile à neutrons pèserait à peu près autant que le mont Everest.


Lorsque deux étoiles de ce type fusionnent, elles causent une explosion gigantesque et lumineuse que l'on appelle kilonova.
« C'est un phénomène astronomique dont la luminosité est environ 1000 fois plus forte que celle d'une nova classique, mais qui ne représente que 1 % à 10 % de celle d'une supernova. »

— Une citation de Olivier Hernandez, directeur du Planétarium Rio Tinto Alcan
Repères
  • En latin, le terme nova signifie nouveau. En astronomie, il fait référence à l'apparition d'un astre brillant dans le ciel.
  • Plusieurs phénomènes astronomiques peuvent expliquer leur apparition.
  • Une nova se produit dans un système stellaire binaire composé d'une naine blanche et d'une étoile suffisamment proches pour que la naine blanche attire de la matière de sa compagne.
  • Une kilonova apparaît lorsque deux objets compacts, comme des étoiles à neutrons binaires ou une étoile à neutrons et un trou noir, entrent en collision.
  • Une supernova se forme lorsqu'une étoile massive en fin de vie épuise son combustible nucléaire, ce qui provoque l'effondrement gravitationnel de son noyau et cause une explosion.
L'existence des kilonovas a été prédite théoriquement en 1974, mais elle n'a été clairement confirmée qu'en 2013. Ce n'est qu'en 2017 que les données détaillées d'une kilonova ont été obtenues pour la première fois.

Sphérique et symétrique

Dans les présents travaux, les astrophysiciens Albert Sneppen et Darach Watson de l'Université de Copenhague et leurs collègues se sont intéressés aux données de 2017 récoltées lors de l'observation de la kilonova, joliment appelée AT2017gfo, détectée à l'aide des instruments LIGO et VIRGO.

Leurs analyses montrent que cette kilonova, située à 140 millions d'années-lumière de la Terre, a pris la forme d'une explosion globulaire, une réalité qui va à l'encontre de la théorie qui voulait que la fusion de deux étoiles à neutrons prenne la forme d'un disque aplati et asymétrique plutôt qu'un système parfaitement sphérique, note M. Hernandez.
« Les observations montrent, sur des périodes très courtes d'un jour après la fusion des deux étoiles à neutrons, qu'on a affaire à une sphère parfaite. Personne ne s'attendait à ce que l'explosion ressemble à cela. »

— Une citation de Olivier Hernandez, directeur du Planétarium Rio Tinto Alcan
« Mais quelques jours plus tard, le coefficient d'aplatissement est devenu beaucoup plus visible, ce qui veut dire que c'est beaucoup moins sphérique qu'au début », ajoute M. Hernandez.

Un mystère à élucider

La nature sphérique des premiers stades de développement des kilonovas reste pour le moment inexpliquée.

« Cela signifie probablement que les théories et les simulations de kilonovas réalisées dans les dernières années sont inexactes », explique dans un communiqué Albert Sneppen, premier auteur de l'étude.

L'une des hypothèses avancées met en cause une énorme quantité d'énergie, une véritable bombe énergétique, qui se serait échappée du centre de l'explosion pour créer sa forme étrangement ronde.

« Ça prend une source d'énergie très forte pour voir naître ce genre de sphère », explique M. Hernandez, qui estime que la présence d'un trou noir pourrait faire partie de l'équation.

Ainsi, l'énergie de l'énorme champ magnétique libérée par la fusion des étoiles à neutrons pourrait s'effondrer sous forme d'un trou noir.

Les auteurs de ces travaux pensent que les neutrinos, ces énigmatiques particules élémentaires dont on ignore encore beaucoup de choses, pourraient aussi jouer un rôle important dans la nature sphérique du phénomène.

Une nouvelle « règle » cosmique

Il existe actuellement deux méthodes pour mesurer la vitesse d'expansion de l'Univers qui indiquent, entre autres, son âge. Cependant, les estimations réalisées avec ces techniques divergent d'environ un milliard d'années.

Avec les kilonovas, nous disposons peut-être d'une troisième méthode qui compléterait les autres mesures, explique Albert Sneppen.

Selon Olivier Hernandez, l'intérêt des kilonovas pour mesurer les distances cosmiques tient de sa forme.

« Tout ce qui est sphérique, c'est fantastique en physique », note Olivier Hernandez, qui explique qu'une structure sphérique est plus simple à modéliser.
« Nous pourrons peut-être utiliser les kilonovas comme des chandelles cosmiques dont nous pourrons mesurer la distance de manière indépendante. »

— Une citation de Olivier Hernandez
Une chandelle cosmique est un objet céleste dont la luminosité est connue, ce qui permet de l'utiliser pour déterminer les distances dans l'Univers lointain.

La forme parfaite d'une kilonova lui donne un avantage. Un objet qui n'est pas sphérique émet une luminosité différente selon l'angle de vue, alors qu'une explosion sphérique offre toujours la même luminosité.

« Les kilonovas pourraient éventuellement servir de nouvelle "règle cosmique" », explique Darach Watson.

On pourra éventuellement déterminer avec plus de précision les distances de ces objets, ce qui nous aidera à déterminer avec plus de précision l'âge de l'Univers, notent les chercheurs, qui soulignent que la récolte de données provenant d'un plus grand nombre de kilonovas permettra de peaufiner la technique.

Environ 50 auraient été détectées à ce jour, mais la présence de la plupart d'entre elles reste à confirmer.