La rhétorique belliqueuse de l'hégémon anglo-américain contre la Chine laisse progressivement place aux préparatifs de guerre.
bateaux de guerre
© AP Photo / Gray Gibson
Le bruit de fond de la propagande médiatique occidentale anti-chinoise (les « aérostats espions », les ventes d'armes imaginaires à la Russie, le plan de paix chinois pour l'Ukraine, etc.) ne couvre plus les préparatifs de guerre dont les dates sont déjà établies (2025 ou 2027), les budgets déjà votés au Congrès des États-Unis et les stocks d'armes et de « formateurs » en cours d'acheminement vers Taïwan.

Le bombardement médiatique au sujet d'une hypothétique « menace chinoise » sur Taïwan contribue à créer dans la société taïwanaise l'atmosphère anxiogène et paranoïaque nécessaire pour faire de Taïwan le lieu du prochain départ de feu sur les marches de la Chine.

Apportant du crédit à une propagande médiatique somme toute assez grossière et de moins en moins suivie par les auditoires occidentaux, la
« diplomatie » anglo-américaine martèle son refrain sur la menace existentielle que la Chine représenterait pour le monde occidental. Les récents discours provocateurs de l'ambassadeur américain à Beijing, dont la violence a stupéfait l'auditoire, les ingérences assumées dans les affaires de Hong Kong du consul américain en poste, ont poussé les autorités chinoises à rappeler que selon la Convention de Genève, un des rôles primaires du personnel diplomatique est de promouvoir les relations amicales avec le pays hôte. Or c'est à l'exercice contraire que se livrent les « diplomates » américains, le consul à Hong Kong allant jusqu'à confier en privé que sa vraie mission n'est pas d'interagir avec le gouvernement de Hong Kong, mais de « protéger la société civile de Hong Kong ».

La diplomatie, désormais aux abonnés absents en Occident, laisse place aux préparatifs de guerre. Ayant de son propre aveu « appris des leçons de l'Ukraine », l'hégémon anglo-américain déroule au détail près le même plan de déstabilisation de la région de Mer de Chine du Sud.

Un processus de schismo-genèse à Taïwan a d'abord été déclenché au début des années 80, avant de s'accélérer dans les années 90. Visant à convaincre les Taïwanais qu'ils ne sont pas Chinois, comme les Ukrainiens ont été convaincus que leurs frères Russes sont leur ennemi, et une minorité de Hongkongais qu'ils sont plus britanniques que Chinois, ce processus de création ex nihilo d'une identité particulière qui justifierait une sécession avec la culture et le pays d'origine fut pensé et encouragé par la machine propagandiste anglo-américaine.

A l'instar de l'Ukraine, qui pendant que l'Occident prétendait négocier les accords de Minsk pour gagner du temps, était armée et entraînée depuis 2014 par ses « amis occidentaux », Taïwan prend le même chemin suicidaire du conflit militaire avec la Chine, sans avoir repris la voie de négociations directes avec Beijing exemptes de l'interférence néfaste du « protecteur américain ».

Le Congrès américain a déjà budgété des manœuvres militaires conjointes avec Taïwan, Bordure du Pacifique 2024, que les forces américaines vont diriger, « pour la sécurité de Taïwan ».

Contrairement à l'Ukraine qui est approvisionnée en armes et mercenaires occidentaux par voix de terre, il est probable que Taïwan sera encerclée dans un blocus naval chinois et coupée de tout approvisionnement occidental, ce qui a mené Washington à décider de faire de Taïwan un centre de stockage d'armes dès 2023, en prévision d'un conflit avec la Chine qui pourrait durer: il faut que Taïwan dispose sur son territoire, dès le début des hostilités, de toutes les armes nécessaires pour faire durer le conflit, le temps que l'Occident mette en place une « coalition des volontaires » comme ce fut le cas contre l'Irak en 2003.

A ce sujet, le général des Marines au Japon a récemment déclaré en toute candeur au Financial Times que :
« les États-Unis préparent le terrain pour une guerre avec la Chine comme ils l'ont fait en Ukraine, allant jusqu'à pré-positionner les stocks d'armes, pour préparer le théâtre des opérations des années avant le conflit ».
Sur le terrain, la réalité est encore plus inquiétante. Tout en déclarant à chaque intervention médiatique qu'ils respectent leur accord avec la Chine sur l'existence d'une Chine unique, Washington a redéployé il y a quelques années des troupes sur l'île, et vient d'annoncer le quadruplement de ses effectifs ce mois-ci. La délégation américaine de l'époque s'était engagée à ne plus poster d'effectifs militaires à Taïwan en 1972, lors de la signature du Communiqué de Shanghai, clôturant les réunions entre Richard Nixon et Zhou Enlai, notamment sur le sujet de la politique de la Chine unique.

Le communiqué officiel de la délégation américaine mentionne que « les Chinois des deux côtés du détroit de Taïwan soutiennent qu'il n'y a qu'une Chine et que Taïwan fait partie de la Chine », et réaffirme « l'intérêt qu'il porte au règlement pacifique de la question de Taïwan par les Chinois eux-mêmes » et « que l'objectif final est de retirer toutes les forces et installations militaires américaines de Taïwan », ce qui fut le cas en 1979.

Ce récent redéploiement militaire américain à Taïwan, auquel Beijing est naturellement en droit de s'opposer, relève donc non seulement d'une nouvelle violation d'un accord international, mais également d'un acte de guerre commis par Washington contre la Chine, dans l'indifférence générale.

Plus inquiétante encore est la récente déclaration du porte voix de l'État profond occidental Anthony Blinken, selon laquelle la question de Taïwan n'est pas une question interne à la Chine, mais concernerait selon lui le monde entier. Aussi absurde que cela puisse sembler, il s'agit en réalité d'une stratégie dont les premiers jalons ont été posés dans les années 50 par ses prédécesseurs John Foster Dulles et Henry Kissinger, qu'ils appelèrent à l'époque « une ambiguïté constructive » (constructive pour les États-Unis, il va sans dire).

Dulles a révélé dès 1955 les intentions cachées du traité de San Francisco (qu'il co-rédigea avec Kissinger et d'autres) lorsqu'il précisa que « les États-Unis ont aussi un intérêt dans Taïwan, que nous avons repris au Japon [...], par conséquent les États-Unis pourraient eux aussi avoir une revendication légale sur Taïwan jusqu'à ce que la question soit réglée d'une manière ou d'une autre. Nous ne pouvons donc pas admettre que le règlement de la question de Taïwan ne soit qu'un simple problème interne (à la Chine) » . Il était donc bien prévu depuis la fin de la deuxième guerre mondiale de ne pas résoudre la question de Taïwan, et de la garder sous le coude pour le jour où il serait décidé de contester frontalement à Beijing sa souveraineté sur l'île. Anthony Blinken vient d'annoncer que la question de Taïwan concerne le monde entier. Lui ou un autre agent impérial ne tardera pas à développer, et annoncer que l'hégémon a lui aussi une revendication territoriale sur Taïwan.

Heureusement pour la population taïwanaise, qui dans son immense majorité n'a aucune envie de se positionner sur la question de la réunification ou l'indépendance formelle, il existe encore à Taïwan des politiciens qui ne jouent pas la carte de l'hypothétique menace chinoise pour un rapide gain électoral et un peu de pouvoir délégué par Washington.

La récente visite à Taipei de fonctionnaires de la ville de Shanghai, à l'initiative du nouveau maire de la ville de Taipei, Jiang Wan'an 將萬安 est un pas en avant vers une réconciliation entre les deux rives du détroit de Taïwan. La visite a été approuvée par le Conseil des affaires continentales de Taïwan, organe sous la tutelle directe du Yuan exécutif, présidé par le Premier ministre taïwanais. On peut donc espérer que ces visites de haut niveau continuent par des canaux formels et informels, en dépit des tentatives de Washington de les saboter par la multiplication au même moment de visites officielles d'agents impériaux à Taïwan.

Deuxième facteur de stabilisation dans la région: la Chine et la Russie ont décidé, selon leur propre expression, de « synchroniser leur montre » pour préserver la stabilité nécessaire aux relations internationales, mise à mal par les caprices de la clique néo-conservatrice qui a pris le pouvoir à Washington. Lors d'une récente rencontre avec le chef de la diplomatie chinoise Wang Yi, Nikolai Patrushev, secrétaire du Conseil pour la sécurité nationale de Russie, a réaffirmé la solidité à toute épreuve de la relation sino-russe ainsi que « le soutient indéfectible de la Russie à la Chine sur les questions de Taïwan, du Xinjiang, du Tibet et de Hong Kong, qui sont utilisées par l'Occident pour discréditer la Chine ».

Face à sa défaite prochaine en Ukraine, qu'il abandonnera après l'avoir détruite et délaissée à un destin russo-polonais, l'hégémon devra désormais faire face à la même détermination en Asie à contrer son dessein maléfique de coaliser les moutons sacrificiels que sont la Corée, le Japon, Taïwan et les Philippines contre leur voisin chinois, dans le but unique de préserver la primauté chancelante de l'hégémon anglo-américain.