L'odeur suspecte constatée ces derniers jours à Nice est-elle le signe avant-coureur d'un tremblement de terre? C'est la folle théorie qui essaime sur les réseaux sociaux. Des spécialistes coupent court aux fantasmes.
séisme graphique
© AFPIl se produit quotidiennement des secousses dans notre région. Mais ces soubresauts telluriques passent la plupart du temps inaperçus.
Odeur de gaz, d'œuf pourri, de soufre ou encore des relents d'essences ou d'hydrocarbures... Depuis bientôt 10 jours, les Niçois sont nombreux à se plaindre de nuisances olfactives, particulièrement malodorantes en début de journée.

Si la source semble avoir été identifiée du côté du Nord-Est de Nice par AtmoSud, l'origine précise reste à déterminer. Mais certains, sur les réseaux sociaux, n'hésitent pas à sentir, dans cette odeur de soufre, le signe annonciateur d'un séisme. Rien que ça. Pour appuyer leur théorie hasardeuse, ils citent les cas des séismes de Christchurch en Nouvelle-Zélande (2010) ou de Kobe au Japon (1995), quand des témoins affirmaient avoir senti des odeurs de soufre en amont du drame.

Chercheur au Laboratoire Géoazur, Christophe Larroque coupe court à tout lien. « Je ne connais pas de travaux scientifiques montrant une odeur particulière précédant le déclenchement d'un séisme », assure-t-il.

Une intrigante odeur d'œuf pourri en Californie... qui venait d'un lac

En 2012, les médias du monde entier s'étaient fait l'écho de ces Californiens inquiets par une odeur d'œuf pourri. Certains l'avaient interprété comme le signe d'événements géothermiques précédant le "Big One", le grand séisme tant redouté sur la Côte Ouest des États-Unis. Finalement, il n'en était rien. Les relents - du sulfure d'hydrogène - émanaient en réalité d'un lac voisin.

Au moment de réagir aux effluves "nauséabondes" qui interpellent les narines des Niçois, André Laurenti préfère mettre fin d'emblée à tout suspens. "Il peut y avoir des odeurs de soufre, mais c'est après la survenue de l'événement".

Auteur du site azurseisme.com et membre de l'Association française de Génie Parasismique, il appuie son propos en faisant un bond dans le temps: en 1564, année du séisme nissart survenu dans la Vésubie.

L'odeur de soufre après le "tremble-terre" de 1564

Un demi-siècle plus tard, Louis Thaon, docteur en droit, avocat de la Cour et natif de Lantosque, avait publié un ouvrage sur le "tremble-terre". Dans un court passage, il évoque le souvenir de ses parents qui vécurent la catastrophe dans le village de la Bollène Vésubie.
"Mon père, qui était en promenade hors du village de la Bolene (sic), avec quelques-uns des principaux d'ici, ayant entendu le bruit subit et inouï, tourna les yeux et ne put voir que poussière, et flairer une vapeur de soufre, de façon que lui et toute l'assemblée furent contraints de fermer le nez et les yeux, l'espace d'un quart d'heure."
Un éboulement, un glissement de terrain

Au-delà de ce récit, André Laurenti pointe un autre élément: l'absence d'activité sismique propre à Nice. "Les seuls dégâts connus à Nice ont été produits par le séisme ligure du 23 février 1887". Ce jour-là, au petit matin, la faille qui court entre Savone et Nice a brusquement rompu sur environ 35km de long, constituant en quelque sorte l'événement de référence pour la région.

"Il peut se produire des émanations de gaz comme le radon sur des failles majeures prêtes à rompre et donner un puissant séisme, mais nous ne sommes pas dans cette configuration-là. Pour sentir le souffre ou œuf pourri, il faut qu'il y ait eu un éboulement, un glissement de terrain", poursuit André Laurenti.

Aussi, après avoir pris connaissance de la carte des signalements des riverains élaborée par AtmoSud, "il faudrait s'assurer que les dernières précipitations n'aient pas provoqué des effondrements de cavités sous la colline de Cimiez. Le gypse contient un pourcentage de soufre élevé, d'où la présence de cette odeur d'œuf pourri".

Des mesures en cours

Pour rappel, l'observatoire de la qualité de l'air en Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur a lancé, depuis ce lundi soir, en collaboration avec la Métropole de Nice, un plan de surveillance dans les quartiers de la Libération, Cimiez, Rimiez, à proximité de l'Hôpital Pasteur.

Les mesures réalisées devraient permettre d'y voir plus clair.