Un coup de semonce dans l'audiovisuel : la candidature de C8 n'a pas été retenue pour la réattribution des fréquences TNT en 2025 et pourrait disparaître sous sa forme actuelle.

Hanouna
© ALAIN JOCARD/AFPL'animateur Cyril Hanouna assiste à une commission d'enquête parlementaire sur l'attribution des fréquences TV, à Paris, le 14 mars 2024.
L'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, a dévoilé le 24 juillet les candidats retenus pour l'attribution de 15 fréquences TNT en 2025, après des auditions courant juillet. L'organisme, dont le président est nommé par Emmanuel Macron, a fondé sa décision sur « l'intérêt de chaque projet pour le public au regard de l'impératif prioritaire de pluralisme », peut-on lire dans son communiqué.

Des chaînes déjà existantes (BFMTV, LCI, W9, TMC, Gulli, NRJ12, etc.) étaient en concurrence avec de nouveaux prétendants issus de la presse, comme RéelsTV (du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky), OF TV (Ouest-France), retenus, ou L'Express TV et Le Média TV, qui ont été écartés.

Le message de l'Arcom en interrompant C8

En ne retenant pas C8, qui réalisait les meilleurs scores d'audience de la TNT en mai 2024, notamment grâce à l'émission TPMP de Cyril Hanouna, le régulateur audiovisuel français envoie un signal fort aux éditeurs de chaîne et un message sur l'état de la liberté d'expression en France.

Le retrait de sa fréquence est un coup dur pour C8, tandis que Cyril Hanouna est déjà prévu sur les mêmes horaires et en clair sur Canal+ à la rentrée. La TNT, lancée en 2005 en métropole, structure encore largement le paysage audiovisuel français et reste l'unique mode de réception de la télévision pour près de 20% des foyers équipés d'un poste, même si il existe d'autres possibilités de diffusion par Internet, les box ou les télés connectées.

En plus de C8, la chaîne NRJ 12, aux audiences faibles et programmant essentiellement des rediffusions, n'a pas été retenue pour le renouvellement de sa fréquence TNT.

CNews, régulièrement rappelée à l'ordre par l'Arcom et propriété, comme C8, du groupe Canal+, a été sélectionnée pour un renouvellement de sa fréquence. Créée en 2017, CNews s'est classée numéro un (en part d'audience) des chaînes d'info en mai puis en juin devant BFMTV.

Des réactions divisées à droite et à gauche

Du côté de la gauche, on salue presque unanimement la décision de l'Arcom.

Pour l'écologiste Sandrine Rousseau : « Tout n'est pas permis en France. Et particulièrement de s'asseoir sur toutes les règles de pluralisme. C'est rassurant. »

Pour le député LFI Aurélien Saintoul membre de la commission d'enquête sur la TNT : « L'Arcom écarte C8 à cause de ses dérapages à outrance. L'empire Bolloré peut recaser Hanouna autant qu'il veut, nous ne les lâcherons pas : ils devront respecter leurs obligations ou risquer de perdre leurs autres chaînes. »

Pour le nouveau directeur général de RSF, Thibaut Bruttin, « avec cette décision, l'Arcom tire les premières conséquences logiques des dérives des antennes contrôlées par Vincent Bolloré », RSF étant à l'origine d'une saisine de l'Arcom auprès du Conseil d'État.

Quelques voix se distinguent comme celle d'Eric Naulleau : « LFI n'est pas encore installée à Matignon que l'Arcom applique déjà son programme de censure politique et d'atteinte à la liberté d'expression. Une conception très particulière de la démocratie. »

À droite, les réactions, beaucoup plus nombreuses, parlent presque unanimement de censure. Pour l'essayiste et député Guillaume Bigot, « l'Arcom censure C8, la première chaîne TNT qui diffuse TPMP de Cyril Hanouna, l'une des émissions préférées des Français ! Plus vous avez de téléspectateurs ou d'électeurs, et plus vous serez attaqué par la caste. Que reste-t-il de la liberté d'expression et du pluralisme ? »

Pour le journaliste et économiste Eric Revel, « quoiqu'on en pense, cette décision de ⁦l'Arcom ⁩fera date : une pierre vient de tomber, lourde et compacte, dans le jardin de la liberté d'expression. Ceux qui se réjouissent ne comprennent pas encore que le contrôle des médias peut devenir un puits sans fond. »

Selon la journaliste Gabrielle Cluzel, « la seule possibilité pour contester la décision de l'Arcom concernant C8 est d'aller devant le Conseil d'État... dont on connaît la légendaire neutralité politique et qui avait demandé en février dernier à l'Arcom d'être plus dur avec CNews. Mais sinon les médias sont parfaitement libres en France. »

Pour l'eurodéputée Marion Maréchal, « en choisissant de priver C8 de sa fréquence TNT, l'Arcom a pris une décision portant gravement atteinte à la pluralité. La remplacer par un énième média de gauche, Ouest France, signe le militantisme derrière ce choix. Même dans notre démocratie, la liberté d'expression est un trésor fragile et menacé. »

Pour la députée Marine Le Pen, « pour le pouvoir, le pluralisme est insupportable. Alors, petit à petit, ils vont chercher à le faire disparaître pour que toutes les chaînes et radios délivrent le même message que l'audiovisuel public : un panel de toutes les nuances de gauche. »

Enfin, pour le député, Eric Ciotti : « Scandale démocratique retentissant avec la censure de C8 par l'État ! Sommes-nous toujours un pays de liberté ? Les amis du pouvoir récompensés, les autres sanctionnés. La chaîne gratuite au plus grand succès populaire est bâillonnée. Dérive mortelle pour notre démocratie. »

Les chaînes proposées par Ouest-France et Daniel Kretinsky retenues par l'Arcom

Les projets de chaînes proposés par le groupe Ouest-France et le milliardaire Daniel Kretinsky, ont tous deux été présélectionnés pour des fréquences TNT en 2025, a annoncé l'Arcom.

OF TV, le projet d'Ouest-France, et RéelsTV, celui soutenu par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky via la société CMI France (Elle, Télé 7 Jours, Franc-Tireur, Ici Paris, Le Télégramme, France Dimanche...), marquent l'assaut de la presse écrite sur le petit écran.

Ouest-France se veut « la chaîne de la vraie vie » et la première antenne nationale généraliste « installée ailleurs qu'à Paris », à Rennes. « RéelsTV » promet de « restaurer le concept original du débat public », en s'appuyant sur le « savoir-faire » des autres médias de CMI France.