Depuis les vingt dernières années, la Somalie est embourbée dans une « guerre civile » tout en étant victime d'un processus de déstabilisation économique affectant le secteur rural et urbain.
Le pays fait maintenant face à une famine généralisée. Selon les reportages, des dizaines de milliers de personnes sont décédées de malnutrition dans les derniers mois. Les vies de plusieurs millions de personnes sont menacées.
Les médias occidentaux attribuent la famine à une grave sécheresse sans examiner pour autant les causes sousjacentes.
Un climat d'« anarchie et de guerres de gangs » est également présenté comme l'une des principales raisons de la famine.
Mais qui est derrière l'anarchie et les gangs armés?
La Somalie est rangée dans la catégorie des « États faillis », un pays sans gouvernement.
Mais comment est-elle devenue un « État failli »? Il y a suffisamment de preuves indiquant une intervention étrangère ainsi qu'un appui en sous main aux milices armées. Produire des « États faillis » fait partie intégrante de la politique étrangère étasunienne. Cela relève d'un plan du renseignement militaire.
Selon L'ONU, une situation de famine persiste dans le sud Bakool et Shabeellaha Hoose, des zones en partie contrôlées par Al-Shahab, une milice djihadiste affiliée à Al-Qaïda.
À la fois l'ONU et l'administration Obama avaient accusé Al-Shahab d'avoir « banni les agences d'aide étrangères sur son territoire en 2009 ». Toutefois, les reportages ne mentionnent pas que Harakat Al-Shabaab al-Mujahideen (HSM) (Mouvement de la jeunesse en lutte) est financé par l'Arabie Saoudite et soutenu en sous main par les services de renseignement occidentaux.
L'appui aux milices islamiques par les services de renseignement occidentaux fait partie d'une évolution historique de soutien clandestin par les services de renseignement à des filières d'Al-Qaïda et des organisations djihadistes dans de nombreux pays, incluant plus récemment la Libye et la Syrie.
La question plus générale est la suivante: quelles forces extérieures ont provoqué la destruction de l'État somalien au début des années 1990?
La Somalie est demeurée autonome sur le plan alimentaire jusqu'à la fin des années 1970. Dès le début des années 1980, son économie nationale a été déstabilisée et l'agriculture vivrière anéantie.
Le processus de bouleversement économique a précédé le début de la guerre civile en 1991. Le chaos économique et social résultant de la « médecine économique » du FMI était un « préalable » au déclenchement de la « guerre civile » financée par les États-Unis.
Un pays entier avec une riche histoire de commerce et de développement économique a été transformé en un «territoire.»
Ironie amère du sort, ce territoire ouvert englobe une richesse pétrolière significative. Quatre géants pétroliers étasuniens s'étaient déjà positionnés avant le début de la guerre civile en 1991.
En filigrane du drame tragique de la Somalie, quatre grandes compagnies pétrolières étasuniennes sont installées discrètement sur une fortune potentielle en concessions exclusives afin d'explorer et d'exploiter des dizaines de millions d'acres de la campagne somalienne.
Selon des documents obtenus par le [Los Angeles] Times, près des deux tiers de la Somalie ont été alloués aux géants pétroliers Conoco, Amoco, Chevron et Phillips dans les dernières années du règne du président pro-américain Mohamed Siad Barre, avant qu'il ne soit renversé et que le pays soit plongé dans le chaos en janvier 1991.La Somalie est une ancienne colonie de l'Italie et de la Grande-Bretagne. En 1969, un gouvernement postcolonial a été formé sous le président Mohamed Siad Barre : d'importants programmes sociaux de santé et d'éducation ont été implantés et l'infrastructure rurale et urbaine a été développée au cours des années 1970.
Officiellement, l'administration et le département d'État insistent sur le fait que la mission militaire étasunienne en Somalie est strictement humanitaire. Des porte-paroles de l'industrie pétrolière ont rejeté en les qualifiant d'« absurdes » et d'« insensées » les allégations des experts de l'aide, des analystes vétérans de l'Afrique de l'Est et de plusieurs Somaliens éminents voulant que le président Bush, un ancien pétrolier texan, ait été mené à agir en Somalie, du moins en partie, par l'intérêt des géants des États-unis.
Toutefois, des documents privés et scientifiques ont dévoilé que les compagnies étasuniennes sont en bonne position pour prendre le contrôle et s'approprier des réserves potentielles de pétrole les plus prometteuses dès que le pays sera pacifié. Et le département d'État et des représentants de l'Armée étasunienne reconnaissent que l'une de ces compagnies pétrolières ne s'est pas seulement installée confortablement en espérant la paix.
Conoco Inc., la seule compagnie multinationale ayant conservé un bureau en opération à Mogadishu au cours des deux dernières années d'anarchie sur l'ensemble du territoire, a été directement impliquée dans le rôle du gouvernement étasunien au sein de l'effort militaire humanitaire financé par l'ONU. (Cité dans The Oil Factor In Somalia | COLUMN ONE : The Oil Factor in Somalia : Four American petroleum giants had agreements with the African nation before its civil war began. They could reap big rewards if peace is restored. - Los Angeles Times 1993)
Le début des années 1980 constitue un point tournant majeur.
Le programme d'ajustement structurel (PAS) du FMI et de la Banque mondiale fut imposé à l'Afrique subsaharienne. Les famines récurrentes des années 1980 et 1990 sont en grande partie la conséquence de la « médecine économique » du FMI et de la Banque mondiale.
En Somalie, dix ans de médecine économique du FMI ont jeté les fondements d'une transition vers un cadre de dislocation économique et de chaos social.
L'article suivant, publié en 1993 dans Le Monde Diplomatique et Third World Resurgence, est axé sur les causes historiques de la famine en Somalie.
Il fut ultérieurement intégré dans mon livre Mondialisation de la pauvreté, première édition 1998 et Mondialisation de la pauvreté et le nouvel ordre mondial, 2e édition, Écosociété, Montréal, 2004.
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