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Je ne me suis encore jamais exprimé sur le Front National et Marine Le Pen, pour la simple et bonne raison que j'ai toujours privilégié l'analyse de fond et l'élaboration d'une résistance intelligente plutôt que de jouer le jeu de querelles politiciennes ou partisanes. Mais il me semble important de mettre en lumière ce que le développement du Front National révèle des intentions et de la stratégie de l'oligarchie.

Je ne tomberais donc pas dans l'absurdité de la « dénonciation antifasciste », qui est absolument ridicule et malhonnête, quand on sait que le Front National participe légalement aux élections depuis 40 ans. Je ne souscrirais pas non plus à la diabolisation courante qui est faite de ce parti, et qui s'avère largement infondée.

Le vote FN n'est pas qu'un vote de protestation. C'est également un vote d'adhésion, séduisant de larges parties de l'électorat populaire. Le récent virage antilibéral de Marine Le Pen est à la fois cohérent et payant électoralement. Pour autant la ligne du Front National reste loin de représenter une alternative réelle au Système : si le FN est le seul parti politique a tenir un discours cohérent sur l'Union Européenne, l'Euro, et la Loi du 3 Janvier 1973, il n'en reste pas moins que les question de la croissance économique, de la réduction du temps de travail, ou encore celle de la stigmatisation de l'Islam sont problématiques car ancrées dans des logiques dépassées.

Mais l'apparente montée du Front National n'est pas liée à aux changements de son programme, difficilement perceptibles par l'opinion. Cette montée n'est pas non plus le résultat d'une dégradation de la situation de la France, qui résiste (pour le moment) à la « crise », notamment grâce aux solidarités familiales, locales ou associatives.

J'ai acquis la conviction que la montée du Front National dans les sondages et les médias a été organisée, soutenue et mise en place par l'oligarchie.

L'analyse est simple à comprendre : l'ensemble de la domination oligarchique s'appuie sur une apparente légitimité, celui du vote démocratique. Or, l'abstention progresse à grands pas, proportionnellement aux trahisons des partis de gauche et de droite, comme le montre les chiffres ci-dessous :

- Élections européennes de 2009 : 59,37% d'abstention
- Élections régionales de 2010 : 53,64% d'abstention
- Élections cantonales de 2011 : 56% d'abstention

Ainsi, ces trois dernières années, le nombre d'abstentionnistes fut plus important que le nombre de votants. Ces trois dernières années, les institutions européennes, régionales et cantonales furent légitimées par moins de 50% des électeurs inscrits. A l'inverse des sondages, ces résultats ne mentent pas, et révèlent un fait d'importance : les citoyens français démissionnent de plus en plus massivement du rôle qu'on leur a attribué. Année après année, la légitimité démocratique du Système s'érode, au point que l'abstention devient la menace la plus sérieuse que rencontre l'oligarchie. Face à cette dangereuse tendance, et face à la fadeur des partis classiques, une seule solution : faire monter artificiellement une organisation singulière, pour capter les abstentionnistes et éviter ainsi que l'imposture démocratique ne soit devienne trop criante.

Cette stratégie est logique : il est bien plus simple de combattre le Front National que l'abstention. La présence de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle permettra d'éluder les questions de fond, et assurera son adversaire d'être élu aisément en agitant la « menace fasciste » contre laquelle il se posera en rempart. A l'inverse, une abstention massive compliquerait la tache du candidat élu qui se trouverai dans la situation délicate de gouverner sans légitimité, en période de crise.

Le Front National se trouve donc là instrumentalisé, comme antidote à l'abstention, permettant de faire d'une pierre deux coups, et de pérenniser, pour quelques années encore, la mascarade démocratique.

Leurre, n.m : Appât factice pour attraper le poisson.