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© The Art Archive / American Museum of Natural History / Gianni Dagli Orti/AFPHomo Sapiens a peut-être hérité de ses consins néandertaliens certaines de ses capacités cognitives, parmi lesquelles le langage.
Ce qui se passe en paléontologie humaine fait penser au fameux film d'épouvante La Nuit des morts-vivants. On assiste, en effet, à la sortie de leurs linceuls de terre d'une multitude de squelettes humains ou préhumains venus de la nuit des temps (de dizaines de milliers à quelques millions d'années). Il y a plusieurs raisons à cette soudaine affluence d'ancêtres. La première est l'accès à des terrains de fouilles jusque-là inexplorés en Extrême-Orient et en Mélanésie.

On ne trouve en effet que là où on cherche, et c'est une véritable ruée vers l'os qui amène chaque semaine sa moisson de pièces anatomiques venant ébranler la chronologie incertaine des origines de l'homme. Les autres raisons tiennent aux progrès techniques, qu'il s'agisse du séquençage d'anciens ADN extraits d'os fossiles ou d'études physiques à l'aide de microscopes tridimensionnels. A titre d'exemple, je citerai la denture des Homo erectus qui permet d'affirmer leur caractère omnivore et leur confère la condition humaine dont est exclu en revanche l'Homo habilis rétrogradé chez les australopithèques (voir Nature du 11 août 2011). L'analyse des anciens ADN amène son lot de révélations sur l'histoire des premiers hommes. Impossible d'entrer dans les détails et les controverses, contentons-nous de dire que ça remue chez les ancêtres; pas seulement en Afrique du Sud-Est, mais aussi en Asie, au Moyen-Orient et en Europe.

Si on laisse de côté le petit homme de Flores, prisonnier de son île indonésienne, on connaissait deux espèces humaines, les humains modernes et les Néandertaliens, dont la séparation remonte à 400 000 ans. Fin 2010, une nouvelle espèce humaine a été découverte dans une grotte d'Asie centrale, à Denisova, dès lors appelée les Denisoviens. La comparaison des génomes des trois espèces démontre l'existence de croisements entre celles-ci, l'un entre Sapiens et Néandertaliens intervenant au Moyen-Orient il y a 100 000 ans, lors de la migration des Africains vers l'Asie, le deuxième en Asie entre les nouveaux venus et les Denisoviens vers - 50 000 ans, avec enfin une migration de ces nouveaux hommes vers l'Europe et le Moyen-Orient.

Le panachage de gènes entre les Sapiens et les espèces archaïques a sûrement favorisé l'expansion de l'homme, notamment grâce à l'introduction de gènes de résistance aux infections et à une augmentation des défenses immunitaires. Il n'est pas non plus exclu que des capacités cognitives, parmi lesquelles le langage, viennent des Néandertaliens. Une remarque pour conclure: si l'espèce humaine doit son fabuleux succès à l'apport génétique d'espèces voisines, peut-être devra-t-elle sa survie au métissage généralisé de ses populations, à l'encontre de toutes formes de ségrégation.