Traduction SOTT

Il y a quelques jours, de façon inattendue, j'ai reçu un courriel d'une jeune lycéenne de la petite ville de Wolbrom, près de Cracovie - l'ancienne capitale de la Pologne. Son nom est Dominika, et elle m'expliquait que même si elle envisage d'étudier l'architecture, elle participe à un concours national de physique. L'étudiante devait choisir un des projets demandés et parmi eux, il y avait celui de mener une entrevue avec un physicien. Après avoir lu mon blog sur la science polonaise, elle me choisit et me demanda si j'étais d'accord. Je lui ai dit "pourquoi pas?". Alors, elle m'a envoyé ses quatorze questions. Je pense que ses questions sont peut-être plus intéressantes que mes réponses, alors voici l'interview complète.

1. Pourquoi la Physique ? Était-ce un de vos rêves d'enfant ?

Arkadiusz Jadczyk in school
© A&L JadczykArk Jadczyk, 2e rangée, 1e à gauche. Rêvant d'être un pompier, un détective, et un Indien !

J'avais de nombreux rêves d'enfant. Ces rêves ont suivi des trajectoires différentes, se sont chevauchés les uns les autres dans certains domaines, se sont renforcés mutuellement et positivement tandis que dans d'autres domaines, ils se sont neutralisés comme des vagues sur l'eau provenant de sources multiples. Je rêvais d'être un pompier, un policier, je voulais me battre avec les bons Indiens, ou être un ingénieur en électronique comme mon grand frère. Finalement, je suis devenu un physicien, on peut dire, par hasard. Je fus tellement performant dans une Olympiade nationale de Physique, que j'ai été admis au département de physique de l'université sans avoir à passer l'examen d'entrée afin de commencer des études. Sinon, j'aurais probablement choisi l'Université de Technologie.

J'ai écrit « probablement par hasard » mais je l'avoue, j'utilise le mot «hasard» à contrecœur. Nous décrivons souvent les évènements comme étant « accidentels », alors que leurs racines lient des chaînes causales opaques, obscures ou inconnues. Nous prenons peut-être un raccourci de cette façon. Donc, ce n'était peut-être pas une coïncidence, ce n'était peut-être pas par hasard, c'était peut-être le «destin»? En tant que physicien, je suis en quelque sorte un pompier car je passe mon temps à combattre les flammes pour soutenir la vérité. Je suis aussi un détective, parce que je piste la Nature et je cherche à découvrir ses secrets. Je me bats au côté des Indiens lorsque je m'expose aux escroqueries des sciences. La moindre chose que je fais est probablement l'œuvre d'un ingénieur, même si ici, il y a un lien, car en tant que physicien, je suis intéressé par le monde dans lequel nous vivons, et pas seulement dans une réalité philosophique imaginaire.

2. En 1991, vous avez reçu le titre universitaire de professeur. C'est une grande réussite. On dit qu'il n'y a pas d'ascenseur de la réussite, vous devez monter les escaliers. Comment s'est déroulée votre carrière universitaire ?

Arkadiusz Jadczyk in school
© A&L JadczykArk apprenant la physique à l'école, avalant du chocolat la tête à l'envers !

Ici aussi, le hasard - ou le destin - m'a aidé. J'ai écrit une thèse sur la cosmologie, et mon superviseur était un mathématicien un peu fou, le professeur Andrzej Zięba. Il m'a appris à avoir du courage dans ma pensée et de la simplicité dans les relations humaines. Il m'a embauché immédiatement pour travailler au Collège de l'Education dans la ville d'Opole. Etant encore un assistant de l'enseignement junior, j'ai été affecté à des conférences sur les fondements de la géométrie.

Mais je languissais la physique, de sorte qu'un an et demi plus tard, j'ai postulé pour des études doctorales à l'Institut de Physique Théorique de l'Université de Breslau - mon Alma Mater. J'ai été accepté, et le professeur Jan Łopuszański est devenu mon superviseur scientifique. Il m'appréciait, et me permettait d'utiliser son bureau, j'avais ma propre clé de la bibliothèque où je pouvais errer librement parmi tous les livres la nuit, seul avec le gardien du bâtiment.

Après un certain temps, je suis devenu le bras droit du Professeur Łopuszanski et plus tard quand il devint le directeur de l'Institut, pendant de nombreuses années, j'ai exercé en tant que directeur adjoint. J'ai alors combiné les travaux scientifiques avec des fonctions administratives qui étaient, bien sûr, au détriment de la première. Mais grâce à cela j'ai appris à connaître, à titre d'initié, l'administration et le fonctionnement de la science, donc je ne suis pas aussi naïf que beaucoup de mes collègues.

Quant à la progression de ma carrière, ce fut probablement mes contacts internationaux qui jouèrent le rôle le plus important. Breslau était alors parmi les centres principaux et les plus respectés de la physique mathématique dans le monde. Grâce à cela, j'ai rapidement établi des contacts personnels avec des spécialistes de premier plan à l'étranger. J'ai été curieux, leur posant des questions sincères, et ils ont apprécié l'honnêteté et ont donné des réponses honnêtes. Pour moi jeune scientifique, d'entendre des experts de première classe [me dire] que les problèmes qui me dérangent ne sont pas stupides du tout et ne sont pas complètement résolus, était une motivation très importante.

3. Pourquoi avez-vous décidé de quitter la Pologne ? Est-il plus facile pour un jeune physicien de réussir à l'étranger ? Quels sont vos meilleurs souvenirs de votre pays natal ?

Arkadiusz Jadczyk teaching
© A&L Jadczyk Ark dans son premier emploi d'enseignant.

Je n'ai pas «décidé». Ça s'est produit. Encore une fois, vous pouvez appeler ça du hasard ou vous pouvez parler de destin. Cette fois encore, il y avait de nombreux facteurs différents. Dans mon histoire avec la science, j'ai passé quinze ans dans différents centres de recherche à l'étranger. En conséquence, je me suis senti, en un certain sens, comme «un citoyen du monde». Donc, mon départ de la Pologne n'était pas si inattendu que ça. Avant moi, beaucoup d'autres l'avaient fait - ouvrant la voie à ce genre de décision. Pourquoi ne suis-je pas rentré ? Peut-être que la raison principale était que je ne m'inscrivais plus dans le paysage scientifique polonais. Mes intérêts étaient devenus «trop larges» et ont été critiqués par mes collègues polonais qui bavardaient autour de moi, dans mon dos, et certains d'entre eux ont travaillé activement pour essayer de me discréditer. Vous pouvez combattre ce genre de chose, mais la lutte prend beaucoup d'énergie mentale qu'il vaut mieux dépenser pour des travaux scientifiques sérieux.

4. Vous avez reçu de nombreux prix. ils vous ont certainement motivé à poursuivre les travaux. L'un d'eux a-t-il une signification particulière pour vous ? Qu'est-ce que vous considérez personnellement comme votre plus grande réalisation ?

Les récompenses sont certainement source de motivation, mais elles sont aussi une source d'envie. Voilà ce qu'il en est dans le monde humain. Quand j'ai obtenu le prix du meilleur assistant étudiant - la "Golden Shovel" - trois fois de suite, les dirigeants d'alors de l'Institut l'ont jugé indécent et ont fait disparaître le prix voté par les étudiants. Je pense que ce prix est celui que j'apprécie le plus. Les étudiants eux-mêmes peignaient la pelle en jaune et lui attachait une chaîne en or. C'était probablement ma plus grande réussite et récompense pour avoir dit la vérité au cours de mes conférences. Quand je considérais quelque chose comme [trop] vague dans les manuels, j'appelais un chat un chat. Bien sûr, beaucoup de mes collègues n'ont pas aimé ça, ils m'ont accusé de porter atteinte à l '«autorité de la science ».

Arkadiusz Jadczyk
© A&L JadczykArk, du temps où il travaillait sur son Doctorat en Physique

En plus de mon enseignement, il y avait mon pur travail scientifique, la recherche, bien sûr, et dans ce domaine, le plus important pour moi était sans doute le Prix Humboldt et le séjour d'un an à Bielefeld qui allait avec. Ce prix signifie que je peux parler ouvertement de mes intérêts et, par exemple, inviter à Bielefeld un physicien impliqué dans la parapsychologie, même si je n'ai jamais entrepris de telles études sérieusement.

5. Vous êtes né en 1943. Avant que vos yeux ne voient le grand progrès technologique du 20e siècle. Ordinateur, TV, Internet, sont tous aujourd'hui si communs que ça n'impressionne plus personne. Ce qui était un miracle hier n'en est plus un aujourd'hui. Pensez-vous qu'il existe quelque chose qu'il n'est absolument pas possible [de réaliser] ?

C'est une question intéressante. Il me semble que ce qui est absolument impossible, c'est seulement ce qui est logiquement contradictoire. Ce qui n'est pas logiquement contradictoire est à la portée. Et la même chose est vraie pour et sur chacun d'entre nous. Très souvent, nous limitons, bien inutilement, la gamme de ce qui est encore possible pour nous. Nous manquons d'imagination, nous manquons de courage de la pensée. Il est dit qu'«il y a plus de choses dans le ciel et la terre que les philosophes n'aient jamais rêvé ». J'irais plus loin en disant qu'"il y a des choses, des buts et des objectifs qui s'offrent à nous dont nous ne rêvons pas même dans nos rêves les plus courageux." Je veux dire ici des objectifs personnels. Souvent nous avons peur de fixer un objectif pour nous-mêmes parce que, dans l'instant, nous ne pouvons pas imaginer une façon de l'atteindre. Je pense que c'est une erreur. Fixons-nous des objectifs pour nous-mêmes, et peu importe s'ils sont ambitieux ou non, ayons confiance que, tôt ou tard, si nous persévérons, le chemin lui-même émergera.

Arkadiusz Jadczyk
© A&L JadczykArk à Londres en 1972.

6. Comment voyez-vous le monde dans cent ans ? Vacances sur la lune, des robots plus intelligents que les humains, ou peut-être le voyage dans le temps ? Notre ignorance décroît. Est-ce que, cependant, ceci a un côté négatif ? De quoi devrions-nous avoir peur ?

Nous ne devrions pas passer notre temps à nous inquiéter. Au lieu de cela, nous devrions dépenser notre énergie à agir, de manière consistante, en permanence afin d'éviter les maux possibles, autant qu'il est en notre pouvoir. Pour qu'une telle action soit possible, cependant, il est nécessaire de poursuivre la vérité et de partager ce que nous découvrons avec les autres. Oui, il y a des risques, il y en a beaucoup. Mais il suffit de les considérer sobrement, et de ne pas être empli de crainte ou d'anxiété. Pour ce qui est de l' « augmentation » de la connaissance: avec l'augmentation de nos connaissances, nous nous rendons compte de plus en plus de l'immensité de notre ignorance. La pire menace pour l'humanité est la possibilité d'oublier tout ce qui concerne la recherche de la vérité.

7. Science et religion ne vont pas toujours main dans la main. Est-il difficile pour un chercheur d'être croyant ? Jusqu'où peut-on aller dans ce qui peut être examiné et ce qui doit / restera un mystère ?

La science a beaucoup de racines dans la religion. Malheureusement, elle a hérité de la religion un respect excessif pour l'«autorité». Dans les mythes grecs (catalogué par Hésiode) au sujet de la création du monde, [on trouve] l'histoire racontant comment Gaia (la Terre) a engendré Uranus (le Ciel) et s'est mariée à lui. Ils ont engendré les Titans, le plus jeune d'entre eux était Cronos. Cronos castra son père pour sa cruauté envers Gaia, mais il n'était lui-même certainement pas très bon : il a dévoré ses propres enfants. Je compare la religion à Uranus, et la Science à Cronos. La Science dévore aussi ses propres enfants - de nombreux chercheurs courageux sont persécutés par celle-ci, leur travail n'est pas reconnu depuis des générations, et il faut parfois des siècles pour briser un paradigme et s'ouvrir à quelque chose de nouveau.

Arkadiusz Jadczyk
© A&L JadczykArk, ayant remporté le Prix Humboldt

8. Vous êtes intéressé par le paranormal. La physique moderne a-t-elle une explication pour ce genre de chose ? Avez-vous personnellement travaillé sur une compréhension logique, scientifique de tels phénomènes ?

Le domaine du paranormal m'intéresse à la manière d'un hobby. Je lis beaucoup, corresponds avec d'autres personnes qui sont intéressées, parle à des collègues intéressés, mais je traite seulement de science pure dans mes publications. Bien sûr, mes intérêts ont une certaine influence sur mon choix de sujets scientifiques. Par exemple, j'ai co-écrit une monographie sur les mondes multidimensionnels. Vous pouvez facilement en déduire que mon intérêt pour le paranormal empiète sur le domaine de la physique et de la géométrie de dimensions supplémentaires invisibles. Mais ça n'est pas surprenant, parce que beaucoup de mes collègues physiciens se sont confiés à moi en me disant qu'ils étaient passionnés par la science-fiction - elle stimule leur imagination et les influence dans leurs choix de l'un ou l'autre sujet de recherches.

Bien sûr, je voudrais comprendre à un moment donné si les phénomènes qu'on appelle maintenant «paranormaux» se produisent réellement ou non, et comment. Pour ça ils se produisent- il existe des preuves de cela et la preuve n'en est pas moins convaincante que la preuve des nombreux faits acceptés par la science « populaire ». Il est simplement plus difficile de creuser ce domaine. Nous n'avons aucune explication de ces phénomènes aujourd'hui. J'ai des hypothèses de travail, mais la route à partir d'une hypothèse jusqu'à une explication est longue et difficile.

9. Si vous pouviez revenir en arrière et définir une seule découverte en physique qui a eu des conséquences négatives pour l'humanité, quelle serait votre décision / choix ?

Arkadiusz Jadczyk
© A&L JadczykEn conférence à Mexico

Je pense que l'humanité a pris une voie très mauvaise et dangereuse en commençant à travailler sur l'énergie nucléaire. À mon avis cette ligne aurait dû être fermée, comme la ligne de la philosophie du nazisme a été fermée.

10. Reconnaissez-vous quelqu'un comme représentant une autorité personnelle dans le domaine de la physique ?

En science, il ne devrait y avoir aucune autorité du tout. Cependant, il y avait - et il y a - des hommes sages. Mais même un homme sage peut dire des bêtises de temps à autre. D'autre part, un soi-disant fou peut arriver à dire quelque chose de très intelligent. La seule autorité dans la science devrait être la Vérité. De temps en temps on réussit à tirer son numéro de téléphone du service d'information téléphonique, mais il n'est pas répertorié dans l'annuaire téléphonique ; puis, vous pouvez lui parler ! C'est toute une expérience !

11. La physique est une discipline fascinante et belle, mais de nombreux élèves ne le voient pas. Partout en Europe, l'intérêt diminue. Comment pourriez-vous convaincre les jeunes que la physique est quelque chose que vous pouvez aimer et apprécier ?

Le déclin de l'intérêt pour la physique a sa source dans la politique et le contrôle excessif et s'est produit en raison d'un intérêt morbide pour l'argent. Ce n'est cependant pas exactement la même chose partout dans le monde. Je ne voudrais pas convaincre quiconque par la force que la physique peut être appréciée. Au lieu de cela, je les persuaderais que, sans [la recherche de] la Vérité, l'humanité est condamnée. Les chemins vers la vérité sont nombreux et quelque soit le point dans le temps il faudrait choisir le plus efficace.

12. Comment vous relaxez-vous ?

Je me repose mieux en travaillant. Pourrait-il y avoir quelque chose de mieux que de faire, sans aucun obstacle, ce qui nous attire profondément !

13. J'ai lu votre livre bientôt en parution, «It was cold in Paris (Il faisait froid à Paris) ». C'est un super sous-titre. Quand sera-t-il disponible ?

Mon livre sera-t-il publié ? Je ne suis pas si sûr. Bien que j'aie signé un contrat avec l'éditeur, le contenu de mon livre peut ne pas correspondre exactement à ce que l'éditeur avait prévu. Il se peut que l'éditeur considère que le contenu de mon livre soit trop controversé. Par exemple, il contient beaucoup de récits de chercheurs du domaine du paranormal qui sont restés ignorés voire même persécutés, et [le livre parle aussi] de la corruption de la science traditionnelle. Je critique également - en citant des noms - quelques autres physiciens et auteurs de livres populaires. J'ai écrit sur la façon dont la science dévore cruellement ses propres enfants sans pitié.

Ces sujets peuvent ne pas correspondre au 'profil de l'éditeur'. Mais, les deux mois et demi de travail sur ce livre - tôt le matin jusqu'à tard dans la nuit - furent un grand repos pour moi. Maintenant, je vais continuer de me reposer en terminant aussi rapidement que possible ma nouvelle publication sur les mondes multidimensionnels, ce travail ayant été interrompu afin d'écrire le livre.

14. Vous avez accompli tellement de choses. Êtes-vous un homme accompli dans le domaine de la science ? Y-a-t-il quelque chose de plus que vous aimeriez accomplir ? Sur quoi travaillez-vous, de quoi rêvez-vous en tant que physicien ?

Arkadiusz Jadczyk
© A&L JadczykLe travail est un pur plaisir, spécialement en compagnie de tels assistants !

Aujourd'hui, je travaille plus que jamais. Je peux maintenant consacrer 100% de mon temps à mon travail bien-aimé. Et mes rêves n'ont pas changé, ils sont toujours les mêmes : contrôler la gravité, communiquer à des vitesses supraluminiques, voyager dans le temps, comprendre la physique quantique, comprendre la conscience. Je peux dire que c'est sur quoi je travaille, mais cela n'apparaît nulle part explicitement dans mes publications scientifiques. Je pense que je suis plus proche de l'accomplissement de mes rêves aujourd'hui que je ne l'ai jamais été - parce que mes connaissances s'élargissent et j'ai beaucoup plus d'expérience également. [Ajouté lors de la traduction: Je dirais que, à presque 70 ans, pour autant que je sache - mes facultés intellectuelles n'ont pas diminué (c'est peut-être dû à l'amélioration de l'alimentation de mon cerveau avec laquelle ma femme me nourrit), et je n'ai aucune envie de ralentir].

(Texte original en polonais)