Commentaire : Ces derniers jours les médias de masse reprennent en cœur une vaste opération de "damage control". Les Français ayant noté de nombreuses incohérences dans la thèse officielle relative à l'affaire Mérah, il était nécessaire de faire front et d'offrir une nouvelle théorie permettant d'expliquer lesdites incohérences et détourner l'attention suspicieuse d'un nombre grandissant de Français.

L'interviewé, évidemment expert du secteur du renseignement (ce titre étant censé augmenter sa crédibilité aux yeux du lecteur) invoque l'incompétence des services de renseignement français pour expliquer que Mérah n'ait pas été surveillé après ses nombreux voyages au Moyen-Orient.

Évidemment, il ignore nombre d'autres questions bien plus dérangeantes au sujet de cette affaire. Selon Sott.net les services de renseignement français ont bien fait leur travail, du moins aussi bien que la CIA avec son bouc-émissaire Lee Harvey Oswald.

Si les services de renseignement français ont péché, ce n'est pas dans la manière de gérer Mérah mais dans la mise en scène grandguignolesque des assassinats et de l'assaut final. Dans ce domaine, un stage de formation intensive des cadres de la DCRI auprès des experts du Mossad devrait être organisé de toute urgence.

Alexandra SCHWARTZBROD s'entretient avec François HEISBOURG, expert des questions de sécurité qui analyse le renseignement en France :

Spécialiste reconnu des questions de défense, François Heisbourg vient de publier Espionnage et Renseignement (Odile Jacob), un livre dans lequel il détaille les enjeux auxquels le renseignement doit faire face, dont le terrorisme. Pour lui, le danger que représentait Merah « n'était pas déterminé par sa croyance mais par son errance ».

Quel enseignement tirez-vous de l'affaire Merah sur le renseignement français ?

Deux éléments m'ont fait réagir. D'abord la lecture d'un article très détaillé, dans un quotidien, sur les errances du tueur aux confins de l'Afghanistan et du Pakistan, alors qu'on ne savait rien sur lui, un récit qui semblait nourri aux meilleures sources du renseignement. Je me suis dit : voilà un type qui a le profil du jihadiste et on ne s'est pas davantage intéressé à lui... Ensuite, je m'interroge quand j'entends les procureurs de Paris et Toulouse dérouler l'enquête en expliquant qu'ils n'avaient pas l'adresse du suspect. Or il semble que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) l'a interrogé à l'automne et en a conclu qu'il n'était pas dangereux...Comment a-t-il été contacté si on n'avait pas son adresse ?

Ses voyages en Afghanistan et au Pakistan auraient-ils dû alerter ?

Ce profil est très rare. Il n'y a que quelques petites dizaines de Français à avoir fait le voyage en Afghanistan, et pas plus de quelques unités en Midi-Pyrénées. On se demande donc pourquoi on ne s'est pas davantage préoccupé de lui ! On peut à la limite le comprendre avant les meurtres de Toulouse et Montauban - ça me surprend mais ne me choque pas. Mais après ? Cela signifie soit que les services concernés sont dans une misère noire, soit qu'ils n'ont pas fait leur boulot ! Le premier assassinat pouvait certes passer pour un fait divers mais quand il apparaît que c'est le même mode opératoire, le même calibre et sans doute le même homme, cela signifie qu'on est dans une affaire hors norme qui implique qu'on dégage des moyens hors norme !

De plus, deux présumés jihadistes solitaires pouvaient servir d'exemple : un chercheur du Cern qui avait travaillé en Afghanistan et voulait s'en prendre - avec son frère, similitude troublante - à la 27e brigade de chasseurs alpins à Chambéry, en 2009 ; et un type de Nancy, «révélé» par les Libyens du temps de Kadhafi, qui voulait s'en prendre au 13e régiment de parachutistes de Dieuze en Lorraine, en 2007. Deux cas dûment répertoriés et médiatisés, ciblant des militaires ! Et là, on a quatre militaires révolvérisés dans deux opérations distinctes et on ne s'intéresse pas au profil ?

On ne peut pas surveiller les gens sur leur croyance, mais Mohamed Merah ne semble avoir été surveillé ni en amont ni, surtout, en aval. D'autant que son profil n'était pas déterminé par sa croyance, mais par son errance.

Il semble avoir été très bien formé...

C'est une autre interrogation. Dans les opérations terroristes récentes, le seul événement où je trouve un niveau de compétence aussi terrifiant, ce sont les commandos de Bombay qui avaient reçu une formation d'élite au Pakistan. Là, notre «loup solitaire» fait ce que les pires mafieux n'oseraient pas faire, il garde seul la maîtrise de son engin, et conduit ses expéditions avec un calcul, une absence d'hystérie jamais vue. Même les terroristes du 11 Septembre étaient plus énervés ! Il a donc reçu une formation de premier ordre ! Qui l'a formé et dans quelles circonstances ? C'est pour avoir la réponse qu'il le fallait vivant, pour connaître le niveau et la qualité de dangerosité de ceux qui ont fait la même formation !

La réforme du renseignement français opéré ces dernières années est un échec ?

A ce niveau-là, je ne me lancerai pas dans la spéculation. Mais je reprends à mon compte l'idée qu'il faut créer une «DGSI» (Direction générale de la sécurité intérieure) sur le mode de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), qui dépendrait directement du ministre de l'Intérieur. Alors qu'aujourd'hui la DCRI - fruit de la fusion des Renseignements généraux et de la DST - dépend de la Direction générale de la police nationale. La logique voudrait qu'une DGSI ait des relations de même type avec la gendarmerie d'un côté et la police de l'autre. Cela dit, la fusion des RG et de la DST au sein de la DCRI, malgré leurs cultures différentes, a permis de rationaliser le système et d'établir des passerelles entre les services. Je ne pense pas qu'il faille la défaire, mais plutôt élargir le spectre pour avoir une DGSI qui inclurait la DCRI, les RG de la préfecture de police et qui aurait son autonomie budgétaire comme la DGSE.