En 2007, Nicolas Sarkozy promettait la République irréprochable. En 2012, on parle de République scandaleuse ou de République aux mains sales.

Dans le cadre de son programme d'évaluation, l'OCDE a procédé début avril à diverses auditions afin d'évaluer la politique de la France à l'égard de la corruption.

Mais cette question n'est pas un sujet de campagne, mis à part son exploitation politicienne.

Transparence International France a publié le 1er mars son bilan du quinquennat en ce domaine. Le titre est un euphémisme : "la lutte contre la corruption n'est toujours pas une priorité politique en France". De 2007 à 2011, la France est passée du 19ème au 25ème rang dans l'Indice de perception de la corruption. Selon l'Eurobaromètre 2012 sur la corruption, 70% des Français pensent que celle-ci est répandue dans la classe politique nationale (moyenne européenne : 57%).

Les occasions manquées d'améliorer la situation

L'esprit de corruption s'est renforcé par glissements progressifs. Après le florilège de conflits d'intérêts révélé par l'affaire Woerth Bettencourt, une commission de réflexion sur les conflits d'intérêts avait été nommée. Ses recommandations avaient été transcrites dans un projet de loi qui n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour du Parlement.

Pour ce qui de la législation sur les financements politiques, la loi est dure, mais la pratique et molle. Dans son dernier rapport d'activité, la Commission des comptes de campagne et des financements politiques recense notamment 297 partis enregistrés. Une part importante ne joue d'autre rôle que celui de pompe à finances. Rien n'a été fait sur cette question, malgré les promesses faites après la révélation du micro-parti d'Eric Woerth.

Enfin, des députés ont tenté d'instituer une responsabilité des ministres pour faute grave de gestion devant la Cour de discipline budgétaire, mais cette proposition a été rejetée.

Les institutions en charge de la probité publique ont été affaiblies.

La suppression de chambres régionales des comptes a été menée à marche forcée, dans des conditions qui pourraient nuire à leur efficacité.

La commande publique représente 150 milliards d'euros, mais le contrôle des marchés publics a définitivement cessé d'être une priorité, jusqu'au démantèlement de la mission interministérielle qui en avait la charge

Le contrôle de légalité préfectoral n'est plus qu'une passoire à géométrie variable.

Enfin, Le service central de prévention de la corruption n'a plus aucune visibilité, et son statut est devenu obsolète.

Certes, le gouvernement n'est pas allé jusqu'au bout de la dépénalisation du droit des affaires, qu'il avait envisagée. Il a aussi renoncé à la suppression du juge d'instruction sans changer le statut du parquet. Mais ceux-ci sont de moins en moins saisis (3% des affaires) et de moins en moins nombreux. De fait, les chiffres traduisent une dépénalisation de la délinquance économique. Sur 600000 condamnations correctionnelles en 2010, environ 16000 concernaient la délinquance économique au sens large, 7000 les infractions au droit des sociétés, 500 des abus de biens sociaux et 150 des infractions à la probité (corruption, trafic d'influence, favoritisme). Depuis l'entrée en vigueur de la Convention OCDE en France, deux condamnations seulement ont été prononcées.

Et la justice n'est plus en mesure de répondre aux enjeux. L'ancien procureur général de la Cour de cassation décrit une justice défigurée et un parquet en état de coma dépassé.

C'est encore plus le cas sur le plan européen. Le Conseil d'Etat et l'Assemblée nationale ont publié des rapports favorables à l'institution d'un parquet européen pour lutter contre la fraude aux intérêts de l'Union européenne et contre la criminalité transnationale. Selon la Commission européenne, le coût de la corruption est évalué à 120 milliards d'euros pour les Etats membres. Mais la France n'a jamais soutenu ce projet dans les instances communautaires.

Le mauvais exemple vient d'en haut.

Aucune conséquence n'a été tirée des fautes déontologiques de certains hauts magistrats ou de certains hiérarques policiers.

Le secret défense profite plus aux civils qu'aux militaires. Les contribuables en ont payé les conséquences : 460 millions d'euros pour solder l'affaire des frégates (un peu moins que le coût du futur tribunal de Paris, un peu plus que ne doit rapporter chaque année le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux).

Les agissements de deux ministres (M. Woerth et Mme Lagarde) font l'objet d'investigations par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République.

Quant au président de la République, il demeure protégé par une citadelle d'impunité, et ne peut être mis en cause pour des crimes et délits de droit commun pendant ses fonctions.

Enfin, l'Europe du marché sans frontière est aussi sans frontière pour les mafias et le crime organisé. Et Roberto Saviano, l'auteur de Gomorra, a dénoncé le laxisme de la France vis-à-vis des mafias.

Des tchèques viennent de mettre en place des "tours de la corruption" destinés aux touristes pour dénoncer la corruption dans leur pays. A quand une adaptation française ?