Traduit par [JFG-QuestionsCritiques]

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L'industrie pharmaceutique mondiale a accumulé des amendes pour plus de 11 Mds de dollars au cours des trois dernières années pour leurs fautes criminelles, dont la rétention de données relatives à la sécurité des médicaments et à leur promotion à des fins d'utilisation au-delà des conditions autorisées.
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En tout, 26 sociétés, dont huit des dix plus gros acteurs de cette industrie mondiale, ont été reconnues coupables d'avoir agi malhonnêtement. Selon deux articles publiés aujourd'hui dans le New England Journal of Medicine, l'ampleur de ces méfaits, révélés pour la première fois, a sapé la confiance du public et des professionnels et entravé les progrès cliniques. Des juristes ont prévenu que ces amendes de plusieurs milliards de dollars ne suffiront pas à changer le comportement de cette industrie.

Les 26 sociétés incriminées sont placées sous « contrats d'intégrité » [corporate integrity agreements], lesquels sont imposés aux Etats-Unis lorsque sont détectés des méfaits en matière de santé et placent ces sociétés sous surveillance, pouvant durer jusqu'à cinq ans, pour retrouver un comportement correct. La plus grosse amende de 3 milliards de dollars a été imposée en juillet au laboratoire pharmaceutique GlaxoSmith-Kline (GSK), dont le siège se trouve au Royaume-Uni, après que celui-ci a admis trois chefs d'accusation de comportement criminel devant les tribunaux américains. Il s'agit de la plus grosse amende à ce jour. Mais GSK n'est pas seul - neuf autres sociétés se sont vues imposer des amendes, allant de 420 millions de dollars pour Novartis à 2,3 milliards de dollars pour Pfizer, depuis 2009, totalisant plus de 11 milliards de dollars.

Kevin Outterson, un juriste de l'Université de Boston, dit qu'en dépit de la dimension exorbitante de ces amendes, elles ne représentent qu'une petite proportion des revenus totaux de ces sociétés et peuvent être considérées comme un « coût pour faire des affaires ». L'amende de 3 milliards de dollars infligée à GSK représente 10,8% de ses revenus, tandis que celle de 1,5 milliards de dollars imposée aux laboratoires Abbott, pour avoir fait la promotion d'un médicament (Depakote) sans preuve adéquate de son efficacité, s'élève à 12% de ses revenus.

M. Outterson a déclaré : « Ces sociétés pourraient bien considérer de telles amendes comme un pourcentage relativement faible de leur revenus globaux. Si c'est le cas, alors peu a été fait pour changer le système. Le gouvernement récupère simplement une partie des fruits financiers des méfaits passés de ces firmes ». Il soutient que des condamnations devraient être imposées au directeur exécutif plutôt qu'à l'entreprise dans son ensemble. Il cite un juriste de Boston spécialisé dans les dénonciations, Robert Thomas, qui a observé que GSK avait commis un crime de 1 milliard de dollars et « aucun individu n'a été tenu pour responsable ».

Suite à l'aveu de GSK, qu'il a n'a pas divulgué des données relatives à la sécurité de son médicament vedette contre le diabète, Avandia, la société a promis de rendre disponible plus d'informations sur les essais cliniques. Mais, selon M. Outterson, cette promesse connaît des « exceptions gênantes » et, en tout cas, elle est faite en vertu de « l'accord d'intégrité » qui expire dans cinq ans.

Selon un second article paru dans ce même journal et rédigé par des chercheurs du Brigham and Women's Hospital de Boston, la confiance dans cette industrie parmi les médecins est tombée si bas qu'ils écartent les essais cliniques financés par ce laboratoire, même si les essais ont été conduits avec la rigueur scientifique. Cela pourrait avoir de graves implications parce que la majeure partie de la recherche médicale est financée par l'industrie pharmaceutique, et « si les médecins sont réticents à faire confiance à toutes ces recherches, cela pourrait freiner la conversion de [.] la recherche en pratique », a dit Aaron Kesselheim, qui a dirigé cette étude.

Andrew Witty, le directeur général de GSK, a dit au moment de l'accord de 3 milliards de dollars en juillet dernier que cela avait résolu des « problèmes difficiles qui duraient depuis longtemps » pour la société et qu'il y avait eu depuis un « changement fondamental dans les procédures », notamment le renvoi du personnel qui s'est mal conduit et des modifications dans les bonus.

L'Association de l'Industrie Pharmaceutique Britannique [Association of the British Pharmaceutical Industry /i>] a déclaré que les pratiques dans l'industrie s'étaient améliorées et que des changements supplémentaires pour « construire une meilleure confiance » seraient effectués. L'agence britannique de réglementation des médicaments et de la santé [UK Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency] a dit qu'elle surveillait la conduite de ces entreprises et prenait « les mesures appropriées » lorsqu'elle découvrait de telles malversations.

Le financement de l'Alzheimer « doit se poursuivre »

Les gouvernements, les universités et les organismes caritatifs devraient monter au créneau pour s'assurer que le financement est maintenu pour la recherche contre la maladie d'Alzheimer, après toute une série d'essais cliniques ratés, ont dit hier des experts.

Ils répondaient à un reportage de The Independent, selon lequel les plus gros laboratoires pharmaceutiques du monde abandonnent la recherche d'un traitement, réduisant la taille de leurs départements des neurosciences et se concentrant sur le traitement des symptômes, plutôt que sur les traitements visant à modifier la maladie.

Un porte-parole de l'Alzheimer's Society a déclaré : « Ce n'est pas le moment de faire marche arrière dans la recherche de la démence. Bien que cela coûte à l'économie plus cher que le cancer et les maladies cardiovasculaires, le financement de la recherche sur la démence n'est qu'une partie de ces conditions. Il y a un besoin urgent pour plus de financement si nous voulons vaincre cette maladie ».

NdT :

[1] Il est étonnant qu'en France les Laboratoires Servier n'aient pas encore été condamnés pour leurs méfaits relatifs au Mediator !