Au moins 21 personnes ont été tuées mercredi dans l'attaque d'une université du nord-ouest du Pakistan, aussitôt revendiquée par une faction talibane pakistanaise, un an après un massacre dans une école de la même région. Les hommes armés ont profité de l'épais brouillard qui enveloppait l'université de Bacha Khan à Charsadda, une ville située à une cinquantaine de kilomètres de Peshawar pour lancer leur assaut en début de matinée.

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Des témoins ont fait état de tirs et de deux fortes explosions, tandis que des dizaines d'étudiants paniqués fuyaient en courant le lieu de l'attaque, selon des images diffusées par les télévisions locales.


« Les terroristes ont profité du brouillard, la visibilité était très mauvaise », « de moins d'une dizaine de mètres », a expliqué à la presse un responsable de la police, Syed Wazir.

« Nous avons soudainement entendu des tirs. Les terroristes sont allés directement à la résidence pour garçons. Je pense que c'était leur objectif », a témoigné pour l'AFP Muhammad Daud, un étudiant en sociologie de 22 ans.

Alertées, les forces de l'ordre ont bouclé la zone, où ont été déployées les forces spéciales, l'armée et la police, avec blindés, ambulances et hélicoptères, a constaté un journaliste de l'AFP.

Les opérations ont été déclarées terminées vers la mi-journée, avec un bilan de 21 morts, a indiqué à l'AFP le chef de la police régionale, Saeed Wazir, sans préciser si les assaillants, apparemment au nombre de quatre, figuraient parmi les morts.

« La plupart des étudiants ont été tués par balles par les assaillants dans des résidences pour garçons » du campus, a-t-il précisé.

Selon lui, plus de 30 personnes ont en outre été blessées, dont des étudiants, des membres du personnel et des gardes de sécurité.

Le gouverneur de la province de Khyber Pakhtunkhwa, où se situe Charsadda, Mehtab Ahmed Khan Abbasi, a pour sa part avancé un bilan de 19 tués et 34 ou 35 blessés. En outre, « les corps de quatre assaillants ont été retrouvés », a-t-il dit.

Factions talibanes rivales

Une faction talibane pakistanaise du Tehreek-e-Taliban Pakistani (TTP) a rapidement revendiqué l'assaut, avant d'être désavouée par la principale composante du mouvement.

« Nos quatre kamikazes ont mené l'attaque contre l'université de Bacha Khan aujourd'hui », a déclaré par téléphone à l'AFP un de ses commandants, Umar Mansoor, soupçonné d'être également le cerveau de l'attaque contre une école de Peshawar en 2014.

Ce chef rebelle fait partie d'une faction du TTP répondant au nom de Hakimullah Mehsud, en référence à un commandant taliban tué par un drone américain en novembre 2013.

« Cette attaque a été lancée en représailles à l'opération Zarb-e-Azb », vaste offensive antiterroriste actuellement menée par l'armée dans les zones tribales du nord-ouest, frontalières de l'Afghanistan, a-t-il indiqué.

Mais un autre porte-parole du TTP, Muhammad Khurasani, a contredit cette affirmation, et annoncé que les auteurs de cette attaque « non islamique » seraient poursuivis et jugés au nom de la charia (loi islamique). « Le TTP condamne fortement l'attaque aujourd'hui et se dissocie totalement de cette attaque non islamique », a-t-il tweeté.

Professeur héroïque

L'attentat a été condamné par le premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, ainsi que par son homologue indien Narendra Modi.

Des étudiants ont rendu hommage à l'héroïsme d'un jeune enseignant, Syed Hamid Hussain, qui a tenté de s'opposer aux assaillants pour protéger ses étudiants avant d'être tué.

« Nous sommes sortis, mais nous avons été bloqués par notre professeur de chimie qui nous a conseillé de revenir à l'intérieur », a raconté à l'AFP un étudiant en géologie, Zahoor Ahmed.

« Il avait un pistolet à la main, j'ai vu une balle l'atteindre, deux assaillants tiraient de tous les côtés », indique le jeune homme, qui a pu s'enfuir.

Selon Fazal Raheem Marwat, vice-président de l'université, l'établissement n'avait pas reçu de menace spécifique, « mais nous avions renforcé la sécurité dans l'université ».
L'attaque rappelle le pire attentat du pays, perpétré il y a un peu plus d'un an dans une école de Peshawar, par des talibans qui avaient massacré de sang-froid plus de 150 personnes, en majorité des écoliers.
Ce 16 décembre 2014, un commando de neuf talibans avait pris d'assaut l'école publique de l'armée (APS), semant la mort classe par classe pendant des heures, déjà en représailles à l'offensive militaire lancée mi-2014 contre les groupes armés.

Cette attaque, qui a traumatisé un pays déjà secoué par une décennie de violences, a déclenché une campagne contre l'extrémisme au Pakistan. L'armée y a intensifié son offensive dans les zones tribales où les islamistes armés opéraient auparavant en toute impunité.