Comment: L'exceptionnalisme serait comme une foi de l'identité nationale, et en cela, elle développerait une sorte de religiosité, logiquement accompagnée de ses déviances habituelles : excès, aveuglement, déni, violentement. Griffin dit ceci :
...ils [les éditeurs des presses de l'Église] peuvent publier des livres qui sont très critiques sur les doctrines chrétiennes traditionnelles sans perdre leur emploi. Mais qu'ils feraient mieux de ne pas publier tout ce qui remet en cause l'idée que l'Amérique est fondamentalement bonne, la nation exceptionnelle, parce que cela est la première croyance religieuse qui ne peut pas être contestée. N'avons nous pas ici une illustration claire du fait que, trop souvent, la foi Chrétienne est moins importante pour les Chrétiens d' Amérique que leur foi Américaine ? La preuve que le 9/11 était une opération sous faux pavillon, je l'ai soutenu, est écrasante pour quiconque a des yeux pour voir, et le meilleur de la foi chrétienne sert à ouvrir les yeux des gens face à cette évidence. Cependant, lorsque la foi Chrétienne [en Dieu] est subordonnée à la foi dans la bonté américaine, elle devient une foi aveuglante, générant des Chrétiens avec des « yeux grands fermés ».
Si l'on éclaire en plus ceci à la lumière de la théorie de la justification des systèmes :
Les psychologues sociaux ont admis depuis longtemps qu'en raison d'un besoin de stabilité et d'ordre, les gens adoptent des comportements qui renforcent leur estime d'eux-mêmes (ego-justification) et qui encouragent une image positive du groupe auxquels ils s'identifient (justification de groupe). La théorie de la justification des systèmes va encore plus loin, en postulant que les gens ont un motif supplémentaire pour maintenir la stabilité et l'ordre : ils ressentent le besoin de défendre le statu quo des grands systèmes sociaux auxquels ils s'identifient (justification des systèmes). Dans certains cas, ce besoin de justifier un système social peut aller à l'encontre de ses propres intérêts et des intérêts du groupe (...) En d'autres termes, les gens veulent se sentir bien vis à vis des systèmes culturels dans lesquels ils vivent. Cela s'applique non seulement à des groupes avantagés, mais aussi à des groupes défavorisés, même lorsque le système culturel dominant s'oppose directement aux intérêts de ces groupes défavorisés.
On comprend un peu mieux le danger que cela représente à un niveau mondial -c'est de l'Amérique dont il s'agit ici- lorsque les psychopathes qui ont du pouvoir entrent dans la danse. Et ils y entrent toujours . Les leviers psychologiques et émotionnels sur une population ainsi "exceptionnalisée" se manipulent très facilement et les justifications morales les plus invraisemblables s'ancrent ainsi dans l'esprit des gens, pour donner ceci, comme l'énumère Stephen M. Walt :
- Il y a quelque chose d'exceptionnel à l'exceptionnalisme américain.
- Les États-Unis se comportent mieux que les autres nations ne le font.
- Le succès de l'Amérique est dû à son génie particulier.
- Les États-Unis sont responsables de la plupart des bonnes choses dans le monde.
- Dieu est de notre côté.
Pour aller plus loin :

Traduit et édité par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

American Progress
© WikipédiaCette œuvre, peinte vers 1872 par John Gast intitulée American Progress est une représentation allégorique de la « Destinée manifeste »
L'idéologie est un aiguillon égocentrique pour le pouvoir et sa représentation. C'est une fonction intégrale de la domination politique. La politique, comme l'expression la plus familière de l'art de gouverner et de la domination de classe, fournit le noyau de sens pour d'autres manifestations sous-jacentes du pouvoir et de la domination dans les domaines de l'économie et de la culture, quel que soit le moyen d'affirmer, de développer et de stabiliser les buts hégémoniques - prépondérance, influence - sur les autres, qu'ils s'agisse de nations, de classes, ou d'individus. Lorsque l'exceptionnalisme est revendiqué et promu, il s'agit d'une manifestation infaillible d'un état d'esprit, d'un cadre structurel, et d'une économie politique antidémocratique.

L'exceptionnalisme ne relève pas de la vertu morale - ce n'est jamais le cas, et n'a jamais prétendu l'être - mais de la force brute, absolue, réelle, implicite, ou en attente dans les coulisses. L'exceptionnalisme américain ne fait pas exception. En effet, il est consubstantiel, rarement d'autres nations ont avancé de telles revendications. Dans l'histoire récente - nous pourrions revenir à l'Empire romain et, encore plus loin, à Sparte dans la Grèce antique - l'exemple le plus évident et le plus clair est l'Allemagne nazie : le Troisième Reich de mille ans. L'idéologie hitlérienne dépendait du thème de l'exceptionnalisme pour manifester sa supériorité. Elle a pris la vie de millions de personnes.

L'exceptionnalisme, comme une revendication sur l'humanité, est un mal en soi. Il ne peut pas prospérer sans l'aide du militarisme, du génocide, de la manipulation interne et du contrôle social.

america
© Inconnu
L'exceptionnalisme est une proclamation ouverte de supériorité. Il n'est pas étonnant qu'il forme le cœur profond de l'idéologie américaine, un motif continu depuis John Winthrop, bien que présenté à l'époque en termes théologiques peut-être plus innocents, convoquant la vision du XVIIe siècle du Commonwealth : la possibilité d'une société tissée autour du principe d'équité.

Plus tard, c'était autre chose, car à la fin du XVIIe siècle, le Commonwealth, appliqué à l'Amérique, avait déjà perdu son sens, et la Révolution américaine ne faisait que réaffirmer le cadre sociétal de la propriété privée de John Locke, légitimant la dépendance des classes sociales et raciales envers - vous l'avez deviné - la caste supérieure.

De là, jusqu'au milieu et vers la fin du XIXe siècle, le développement de l'idéologie de la Destinée manifeste a été seulement l'affaire d'un saut de puce, tant le terrain était bien préparé par l'essor du capitalisme entrepreneurial et industriel.
En somme, l'exceptionnalisme - une fois de plus mis en place d'honneur, depuis la justification des interventions, jusqu'à l'étaiement d'un esprit national chancelant - est un trait caractéristique de la pensée politique américaine. Son influence est partout : dans la vaporisation bien-pensante d'individus, dans les assassinats ciblés par des drones, dans le montage et la mise en œuvre des changements de régime, dans l'exigence de droits hors normes pour façonner et bénéficier du système financier mondial, dans l'établissement d'une version du Millénaire capitaliste unilatéral selon ses propres intérêts, et pour unifier les caractéristiques de ces politiques, une puissance militaire sans pareil pour forcer le respect et l'obéissance aux souhaits américains, dicter les décisions, et même les caprices.
L'exceptionnalisme fait courir un grave danger à la communauté mondiale. Mais pourquoi, dans un article apparemment abstrait sur l'histoire intellectuelle des États-Unis, soulever cette préoccupation maintenant, et pourquoi se concentrer sur l'exceptionnalisme ? La raison doit être claire : les deux candidats des grands partis, et derrière eux, les partis politiques qu'ils représentent, et encore derrière eux, la nation dans son ensemble, et, pour finir, la substance même de l'idéologie américaine, ont fait de l'exceptionnalisme la force motrice et la raison d'être de ce pays, avec toutes les conséquences que cela entraîne dans son sillage. La démocratie est, et a peut-être toujours été, une imposture, quand la supériorité est revendiquée comme une partie de sa propre identité. L'Amérique s'est elle-même délivré un sauf-conduit lors de sa création, attestant qu'elle ne peut faire de tort à personne. Aujourd'hui, Trump et Clinton parlent à l'unisson de la maximisation de la puissance globale de l'Amérique. Ils parlent à l'unisson de l'existence d'une mauvaise répartition drastique de la richesse. Ils parlent à l'unisson des dépenses gargantuesques pour la machine de guerre des États-Unis. Ils sont à l'unisson du déni - et de l'exemption - des crimes de guerre commis dans le passé et qui continuent dans le présent, sans aucun signe de revirement pour l'avenir. L'Irak, la Libye, la Syrie, ramenant à l'époque de la guerre du Vietnam, étant les incubateurs de la dernière série d'actes hostiles.

L'exceptionnalisme, à ce moment précis, est plus que jamais pertinent pour expliquer la dérive perpétuelle de l'Amérique vers l'augmentation de la violence auto-légitimée, parce que de plus en plus hors de la conformité aux aspirations de l'humanité. Woodrow Wilson voulait rendre le monde plus sûr pour la démocratie ; Trump, Clinton, Obama, la forcent - en fonction de l'intérêt national - dans la gorge des peuples, au nom de l'ordre mondial. Le commerce, les marchés, l'investissement, toutes les pièces du puzzle de l'impérialisme, tous d'une importance vitale, ne prennent place que sur la banquette arrière, derrière les impératifs militaires de maintien d'une suzeraineté internationale qui doit conduire le système, alimentée par la croyance en l'exceptionnalisme.

La soif nue pour le pouvoir, même sans aucune autre raison que la peur morbide de ne pas être la première nation, peut bien jouer à Peoria (1), mais elle détient un potentiel de destruction inimaginable, comme si la théorie et la planification du refoulement de Dulles (2) était encore opérante, non seulement vis-à-vis de la Russie et de la Chine, mais aussi d'un monde multipolaire à l'énergie réveillée.
L'Amérique fait face résolument à ce qu'elle considère comme un encerclement des étrangers, des aliens, des forces obscures, dont le seul but est de remettre en question et, finalement, démolir une incarnation de l'exceptionnalisme - car il ne peut y en avoir qu'un - dans la politique mondiale, le Tabernacle des Lumières auréolé de la grâce de Dieu. Aucune meilleure formule pour l'exploitation n'a encore été mise au point, avec l'augmentation progressive des conséquences, à demeure comme à l'étranger.
Notes :

1. Ville de l'Illinois. Peoria est célèbre aux États-Unis pour être la ville la plus représentative des courants dominants touchant la société américaine. Il s'agit de la ville moyenne américaine type. Un proverbe américain dit que si une action réussit à Peoria, elle réussira n'importe où ailleurs aux États-Unis. La question « Cela se jouera-t-il à Peoria ? » ( Will it play in Peoria ? ) est une métaphore traditionnellement utilisée pour demander si un produit donné, une personne, une publicité ou un événement est susceptible de séduire l'Américain moyen.

2. La politique de rollback, en français « refoulement », est une doctrine mise au point en 1952 par le président Dwight Eisenhower et son secrétaire d'État aux affaires étrangères, John Foster Dulles, qui vise à refouler le communisme, et non plus simplement à contenir sa progression. Historiquement, il y est fait auparavant référence pendant la guerre de Corée par l'administration démocrate d'Harry Truman, dont faisait partie Dulles, pour théoriser le franchissement du 38e parallèle nord.