En soutenant les Kurdes, les Etats-Unis se prépareraient à créer une base militaire pour s'établir dans la région dans le contexte d'après-guerre. Cette démarche va aggraver les tensions turco-américaines, estime Michael Maloof, ancien du Pentagone. Les Etats-Unis veulent livrer des équipements militaires lourds aux forces kurdes qui combattent en Syrie, alors qu'ils se préparent à reprendre Raqqa, un bastion de l'Etat islamique, selon la Maison Blanche.

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© Rodi Said / ReutersLes Kurdes en Syrie
Cependant, le secrétaire à la défense James Mattis a déclaré que les Etats-Unis et la Turquie avaient discuté du rôle des Kurdes dans la lutte contre Daesh et qu'ils essaieraient de parvenir à un accord sur ce sujet. Le président de la Turquie, Recep Erdogan, a fustigé les Etats-Unis pour leur coopération avec les Kurdes en Syrie et pour avoir déployé des troupes le long de la frontière turco-syrienne.

RT : Pour quelle raison Washington a-t-il décidé de fournir des armes aux forces kurdes en Syrie, malgré les relations tendues avec la Turquie ?

Michael Maloof (M. M.) : Je dois admettre qu'ils n'avaient vraiment pas le choix ou très peu de choix. Les Kurdes facilitent le transport du matériel et le déplacement des troupes américaines en Syrie, où nous ne sommes pas censés être. Il y a probablement une raison stratégique globale pour cela. Les Etats-Unis, après la prise de Raqqa, peuvent avoir l'intention de créer une base militaire dans la région kurde. Et c'est quelque chose qui pourrait arriver, parce que dans l'environnement d'après-guerre, en particulier en Irak, les Etats-Unis ne vont pas partir. Les Américains cherchent à s'établir à la fois en Syrie et dans la partie orientale qui est maintenant contrôlée par l'Etat islamique, et en Irak, où le gouvernement s'y oppose également. Les Etats-Unis ne souhaitent pas, pour leurs propres intérêts, se retirer tout simplement, comme ils l'ont fait plus tôt en Irak, pour voir des djihadistes et des salafistes revenir et combler le vide.

Cela va créer un problème temporaire avec la Turquie. Je pense que cela dépend de la façon dont les Etats-Unis le traitent. Evidemment, ils ont proposé à la Turquie de jeter les bases. Bien sûr, l'objectif prioritaire du président Erdogan est de pourchasser les Kurdes plutôt que Daesh. Cela va causer des différends dans un premier temps. Il ne s'agit pas d'une rupture permanente, mais cela va certainement aboutir à un refroidissement des relations. Et il est intéressant de voir que tout cela arrive une semaine avant la rencontre de Recep Erdogan avec Donald Trump à la Maison Blanche.

RT : Croyez-vous qu'une telle démarche va aggraver les relations entre Ankara et Washington ? La Turquie est-elle susceptible de réagir fortement ?

M. M. : Je pense que cela dépend de l'approche américaine. Les Etats-Unis ont déjà averti la Turquie. Et cela dépend aussi de la mesure dans laquelle les Américains décident d'utiliser les Kurdes pour prendre Raqqa. Comme c'est une ville à majorité sunnite, ils préfèrent des Arabes.

La composante arabe des forces démocratiques syriennes est peut-être préférable même pour la Turquie, bien que la Turquie voudrait plutôt avoir ses propres combattants bien formés, mais c'est totalement insuffisant pour ce genre de mission. Donc, maintenant les Etats-Unis annoncent que nous allons livrer aux Kurdes certains types d'armes, car ils ont été les troupes au sol qui menaient toutes les opérations contre l'Etat islamique. Mais l'idée c'est que ces armes lourdes seront rendues, ce qui sera intéressant. J'ai déjà vu ce scénario. Cela n'est jamais arrivé. On verra le développement... Le but définitif des Etats-Unis, c'est de s'établir à l'aide des Kurdes dans la partie Nord, dans un effort de stabilisation d'après-guerre en Syrie et en Irak.