Chapitre 1 - Voir ce lien
Chapitre 2 - Les végétariens moraux
Commencez avec une pomme. Un aliment tellement non violent qu'il demande à être mangé, d'après les fruitariens, c'est-à-dire ceux qui se nourrissent exclusivement de fruits, ou qui meurent au cours de cette tentative. Certaines plantes enveloppent leurs graines d'une pulpe sucrée couverte de couleurs vives afin de pousser les animaux à les manger, et, ce faisant, de transporter ces graines vers de nouveaux terrains fertiles. Les animaux font le travail que les plantes ne peuvent pas faire, enracinées en un même lieu comme elles le sont : trouver un endroit où leur progéniture pourra grandir.
Ainsi manger une pomme est acceptable pour les végétariens les plus moraux car cela n'implique aucune mort. Ou c'est ce qu'on nous dit.
Le premier problème est que les humains ne plantent pas ces graines. Nous nous en débarrassons. Nous enlevons consciencieusement le trognon pour éviter les graines que nous jetons. - « jeter » dans les pays industrialisés signifie seller dans un sac en plastique qui sera enterré dans une décharge. Ou bien les entreprises pressent ou découpent le fruit à notre place, le transformant en jus ou en tartes, jetant les pelures et la pulpe et les graines bien loin d'un beau tas de fumier dans une clairière.
Ou, si nous sommes éco-conscients, nous jetons les graines sur le tas de compost, où le temps, la chaleur, et les bactéries les tueront. Après tout, l'objectif d'un bon procédé de compostage est de détruire toutes les graines qui traînent.
Cela n'a rien à voir avec le plan de l'arbre.
L'arbre ne donne pas des sucreries par bonté de son cœur de bois. Il conclut un accord, et même si nous nous sommes tapés dans la main et avons récupéré notre dû, nous n'avons pas honoré notre part du contrat.
Ce raisonnement est terriblement anthropocentrique, ce qui est étrange venant de personnes qui épousent une politique spécifique de libération des animaux. « L'arbre fruitier me donne de la nourriture et je rends ses graines à la nature afin que d'autres arbres poussent » écrit un végétarien. Oui, mais il ne rend pas les graines à la nature. Pourquoi nous, humains, avons le droit de prendre sans donner ? N'est-ce pas de l'exploitation ? Ou tout au moins du vol ? Les fruits ne sont pas, comme on le prétend, « les seuls aliments librement donnés ». L'objectif du fruit n'est pas l'être humain. L'objectif du fruit est les graines. L'arbre dépense autant de ressources en termes de fibres et de sucres afin d'assurer le meilleur avenir possible à sa progéniture. Nous prenons cette progéniture, dans son cocon sucré, et nous la tuons.
Ce n'est pas ce que les végétariens veulent entendre, du moins pas ceux que j'appelle végétariens moraux. Il y a d'autres branches sur l'arbre végétarien - les végétariens politiques qui croient qu'un régime fait de végétaux est plus juste et plus harmonieux, et les végétariens santés qui pensent que la viande est à la base de tous les maux alimentaires - et je vais traiter ces points dans les chapitres suivants. Mais l'argument moral est le cri de ralliement de la plupart des végétariens. C'est ce qui m'a empêché d'examiner ou même de questionner mon régime végétalien, malgré tous les éléments prouvant que ma santé partait en morceaux. Je voulais croire que ma vie - mon existence physique - était possible sans tuer, sans mort. Elle ne l'est pas. Aucune vie n'est possible ainsi. Mais comme les contes de fées sont pleins de pommes, continuons à suivre leurs quartiers à travers la forêt aux fruits.
Ce qui nous amène directement au deuxième problème : il n'y a pas de pommes dans la nature. Les pommes sont des fruits de culture. L'ancêtre des pommes est la Malus sieversii originaire des montagnes du Kazakhstan et, à l'époque, elles étaient amères.
« Imaginez que vous croquez dans une patate acide ou une noix du Brésil légèrement farineuse couverte de cuir, » écrit Michael Pollan après avoir goûté une vraie pomme sauvage. À la première bouchée certaines de ces pommes ont un goût très prometteur - enfin une vraie pomme ! - qui laisse rapidement place à une amertume si forte que mon estomac se soulève rien que d'en parler. Cela est vrai pour la plupart des fruits cultivés. Leurs ancêtres sont quasiment immangeables par les humains.
« L'arbre fruitier me donne de la nourriture et je rends ses graines à la nature afin que d'autres arbres poussent ». Vraiment ? On parie ? Car la plupart des arbres produisant des fruits comestibles - les pommes en font incontestablement partie - ne proviennent pas de graines. Si vous veniez à planter de telles graines, la plupart des pousses sauvages ne produiraient rien de comestible pour les humains. Les arbres fruitiers sont greffés et non germés.
La nourriture « naturelle » des humains n'existe pas dans la nature. Si nous sommes désormais perdus (et mourant de faim) dans la forêt non comestible, c'est peut-être parce que notre représentation morale était erronée.
Affirmer qu'il existe un « aliment librement donné » implique qu'il y a un donateur, l'arbre, la canne à sucre, le brin de blé. Croire en des aliments qui ne nécessitent « aucun meurtre ou vol à l'encontre du royaume animal ou végétal » signifie que les plantes et les animaux aiment leur existence, et les parties de leur organisme qu'elles soient fibreuses ou musculaires, mais pas leur progéniture ? À ce stade le raisonnement tombe à l'eau. Ce nous croyons en leur capacité à éprouver des sentiments, pourquoi ignorer celle de leurs bébés ? S'il est mauvais de voler une plante, pourquoi n'est-ce pas pire de tuer sa graine ? On ne peut pas gagner sur les deux tableaux. Soit il y a un donneur, une entité qui mérite notre réciprocité, soit il n'y en a pas. Si tuer est le problème, la vie d'une vache nourrie au pré me nourrira pendant une année entière. Mais un seul repas végétalien fait de bébés plantes - grains de riz, amandes, soja - écrasées ou bouillis vivants, implique des centaines de morts. Pourquoi n'ont-ils pas droit au chapitre ?
« Je ne mangerai aucun aliment qui a une mère ou un visage » était une de mes déclarations standards. Mais tout être vivant à une mère. Certains d'entre eux ont aussi un père. Pourquoi l'ignorais-je ? Ce que je voulais dire est que je refusais de manger une progéniture qui avait été élevée par sa mère, ce qui signifie principalement, les mammifères et les oiseaux, quoique je ne mangeasse pas non plus de fruits de mer. Certains organismes se sacrifient pour donner vie à leur progéniture. Cela signifie qu'ils ne pourront pas être là pour s'occuper d'elle, mais cela veut-il dire qu'ils aiment moins leur progéniture ? C'est le sacrifice ultime de la mère - et parfois du père. Cet acte ne prouve-t-il pas que ce sont eux qui aimaient le plus leur progéniture ? Et imaginez que votre mère ne vous ait pas aimé, cela veut-il dire que votre vie a intrinsèquement moins de valeur ?
Et puis il y a l'histoire des visages. En quoi avoir un visage définit ce qui compte et ce qui ne compte pas ? En fait, cela définit qui ressemble le plus à un humain, qui est le plus différent : est-ce qu'ils nous ressemblent ? Voilà à nouveau cet anthropocentrisme, un système éthique fondé sur combien un individu est similaire à l'Homme. Pourquoi est-ce le critère ? Pourquoi l'Homme constitue-t-il la référence à l'aune de laquelle on décide qui vit et qui meurt ?
Une pomme tombe de l'arbre. On se nourrit de son sucre et, au contraire des affirmations hypocrites on tue les graines. On pourrait argumenter qu'avant, les humains jouaient involontairement le rôle de cultivateurs, transporteurs de graines, crachant ou déféquant les noyaux amers, dont certains germeraient. Nous n'avons pas toujours volé ou tué la progéniture des pommes. Peut-être que si l'on enlevait l'asphalte qui couvre les sols, la réciprocité sous-jacente dans la relation humain-pomme ressurgirait naturellement.
Mais les humains ne peuvent se nourrir que de pommes. Et dans l'univers moral des végétariens, toutes les graines - fruits oléagineux, céréales - sont considérées comme librement données. Dans le cas de ces graines, il n'y a aucune pulpe goûteuse donnée en échange de leur transport. C'est la graine même que mangent les humains. Je me souviens de mon raisonnement : les plantes annuelles mouraient de toute manière à la fin de la saison, par conséquent je ne les tuais pas vraiment. Le problème, évidemment, est que je ne mangeais pas vraiment la partie qui meurt : la tige. Les humains ne peuvent pas digérer la cellulose. Je mangeais précisément la partie qui veut désespérément vivre : la graine. En fait, elles veulent tellement vivre, que certaines d'entre elles germent après des milliers d'années de sommeil. Qui peut dire que cet organisme n'aime pas la vie ?
Je sais par expérience que les détracteurs des végétariens leur opposent systématiquement le problème des plantes et de leur capacité à éprouver des sentiments. Je sais à quel point la plupart de ces détracteurs sont suffisants et hostiles. Pour eux l'idée de respecter les plantes est aussi ridicule que de respecter les animaux. Mais je ne me fais pas l'avocat du diable. Il se débrouille très bien tout seul. Je veux traiter ce point avec sérieux. J'entends le plaidoyer dans les mots des végétariens, un plaidoyer proche de la prière. Que je vive sans faire de mal à autrui. Que ma vie soit possible sans qu'elle engendre la mort. Cette prière inclut une tendresse féroce et une répugnance passionnée. L'amour est destiné à toutes les créatures, et l'horreur est éprouvée face au sadisme que les humains perpètrent. Cette prière bat en moi comme un deuxième cœur. Ce qui me différencie des autres végétariens n'est pas l'éthique ou l'implication. C'est l'information.
Car j'ai cultivé des pommes et je sais ce qu'il y a dedans. Je peux aller à la jardinerie locale, y acheter un sac d'engrais bio pour arbres fruitiers et ne rien demander de plus. Mais ce n'est pas dans ma nature d'ignorer les mots écrits en petits caractères. Je veux savoir. Je lis les étiquettes. Ma passion pour vivre une bonne vie, une vie honorable et éthique m'a poussé à cultiver un maximum de mes aliments. Je savais que les trois actes les plus importants que l'on peut prendre en tant qu'individus dans le domaine de l'écologie sont : éviter d'avoir des enfants, ne pas avoir de voiture, cultiver sa propre nourriture. Je n'étais pas en contact avec la principale cause de grossesse, j'étais trop pauvre pour avoir une voiture, il ne me restait plus qu'à cultiver ma nourriture.
Je ne me suis pas lancée dans mon premier jardin sous la contrainte. L'idée de jardiner est venue à moi comme un rayon de soleil à l'aurore. Si vous avez souffert de dépression, alors vous savez combien ce qui vous fait ressentir quelque chose est miraculeux. Là où le monde était sans relief, toujours gris, le jardin a apporté la vie. Et il a débordé de végétation. J'enveloppai de petites graines dans un tissu humide et deux jours plus tard, une petite pousse, aussi fragile que l'espoir, s'élevait de chacune d'elle. Elles voulaient vivre et moi aussi. En Nouvelle-Angleterre [région historique du nord-est des États-Unis composée de 6 états - NdT] j'ai passé de longues nuits sous un épais tas de couvertures, luttant contre la douleur qui ne s'arrêtait jamais mais s'atténuait tout au plus, et contre la dépression qui comme le froid était toujours présente et mordante. Seules ma tête et ma main dépassaient des couvertures, je tenais un catalogue de graines comme un drapeau blanc demandant grâce. Et le jardin m'a accordé cette grâce. Les plantes croissaient, grimpaient, fleurissaient, produisaient des fruits, un long et silencieux chant de verdure, un cercle infini d'aspirations bien plus grandes que moi, que ma souffrance. J'ai trouvé le réconfort dans ce jardin et de petits moments de joie qui apparaissaient soudainement, merveilleusement, comme les violettes et les bleuets qui apparaissaient chaque printemps sans aucune aide de ma part.
Je découvrais le magazine Organic Gardening et, mieux encore, la bibliothèque m'autorisait à consulter les numéros passés. Je les ai tous lus. Je remplissais un carnet de notes de mon écriture petite et sérieuse. J'étais si innocente. Ne savais-je vraiment pas qu'on ne pouvait pas mettre les plants de tomates à l'extérieur avant les dernières gelées ? J'écrivais et soulignais « Jour du Souvenir » dans mon carnet [jour de congé officiel aux États-Unis, célébré chaque année lors du dernier lundi du mois de mai - NdT]. Ne savais-je vraiment pas que les haricots ne pouvaient être transplantés, que les mufliers étaient annuels ?
Étant donné l'état de ma colonne vertébrale, je ne pouvais pas creuser, porter des charges, pas vraiment avoir d'activités physiques. Mais ce n'était pas si mal. Immédiatement je cherchais les techniques de jardinage qui étaient les plus radicales, les plus durables. Ruth Stout fut une révélation. De même que la permaculture. J'utilisais de grands bacs, un paillage permanent. Je créais une couche arable de haut en bas, comme la nature. Je ne labourais jamais, pas de sols nus, pas de double bêchage. Je ne réaliserai que plus tard que ces techniques étaient imposées par les céréales annuelles - par l'agriculture même.
Il y a avait d'autre chose que j'ignorais, des choses encore plus basiques que les zones de plantation et les saisons végétatives. Il y avait des informations que j'avais recherchées, mais que je refusais : je n'étais pas la seule à m'alimenter. Les plantes aussi avaient faim. Et il y avait aussi le sol. Nourris le sol, m'intimait le livre de jardinage. Que mange le sol ? Était-il lui aussi vivant ?
Une cuillère à café de terre contient plus d'un million d'organismes vivants, et, oui, chacun d'entre eux s'alimente. Le sol n'est pas fait de terre. Un mètre carré de couche arable contient un millier d'espèces différentes d'animaux. On peut y trouver 120 millions de nématodes, 100 000 mites, 45 000 collemboles, 20 000 vers enchytraides et 10 000 mollusques.
Toutes ces petites créatures vivent dans et autour de l'humus, qui est un mélange d'acide humique et de polysaccharides. « Personne ne sait comment l'acide humique est produit, mais une fois qu'il est là il se comporte comment une substance vivante » écrit Harrod Buhner. Plus de vie. À quelle profondeur devrais-je creuser pour arrêter de trouver des créatures vivantes ? Car si elles étaient vivantes, je ne pouvais les tuer. J'avais lu que « les créatures microscopiques sont capables d'une vie essentiellement aquatique dans le sol, dans l'eau contenue dans les morceaux de terre. Il existait tout un monde sous mes pieds, un monde qui incluait son propre océan. Un monde où le vrai travail de la vie - produire et dégrader - avait lieu. Les animaux comme moi étaient seulement des consommateurs, faisant du stop pour voyager gratuit. Je ne pouvais pas faire de photosynthèse - transformer les photons en biomasse - je ne pouvais pas non plus réduire cette biomasse en carbone et en minéraux. Ces créatures en étaient capables et c'est ce qu'elles faisaient, et grâce à elles la vie était possible. Cela m'a rendue humble.
Mais j'avais fait un pari sur tout mon système moral - et construit ma propre identité - sur l'idée selon laquelle ma vie ne nécessitait pas de mort. Plus j'en apprenais, plus je devais ignorer des questions si je souhaitais préserver cette règle éthique qui stipule que l'on doit faire face à la vérité. La vie des nématodes et des champignons microscopiques importe-t-elle ? Pourquoi pas ? Parce qu'ils sont invisibles ? Parce qu'ils sont de l'autre côté d'une ligne Maginot qui les sépare de nous ? Mais, j'étais sensée être l'une de ces personnes courageuses qui ne fait pas de telles discriminations, qui ne classe pas hiérarchiquement l'Homme au-dessus de l'animal, qui révère le monde naturel et toutes Ses créatures avec un S majuscule.
Mais cela n'incluait que celles qui, d'une manière bien spécifique, étaient comme moi. Je l'entrevoyais par instant, chaque nouvelle information comme la lueur vacillante d'une luciole. Ces étincelles illuminaient une forêt sombre dans laquelle je refusais de pénétrer. Au lieu de cela je me retournais vers ce que je savais, un rosaire de statistique qui était ma pénitence et ma protection. Les kilos de céréales, les litres d'eau, les ventres vides. J'étais du côté de la justice, et comme tout fondamentaliste, je ne pouvais garder cette position qu'en évitant les nouvelles informations.
Ainsi, l'acide humique, créature mystérieuse et si vivante - dégrade les éléments végétaux et les stocke. Lorsqu'il reçoit le signal idoine de l'écosystème, il recombine et libère les nutriments nécessaires.
« Par le biais de processus de rétroaction finement synchronisés, les informations sur les réserves chimiques stockées dans l'acide humique sont transmises aux plantes, indiquant quelles plantes devraient croître, dans quelle combinaison, dans quel écosystème, et quel type de substances chimiques elles devraient produire pour conserver le sol en bonne santé. »Le sol n'était pas une chose, c'était un million de choses et elles étaient vivantes. Leurs processus biologiques - manger, exécrer, creuser des tunnels, communiquer, échanger - sont ce qui rendait le reste de la planète vivante. Ils dégradaient la matière morte provenant des plantes, des animaux, des champignons, des bactéries et offraient les éléments constitutifs pour que plus de vie se développe. Steven Stoll écrit que la couche arable
« est un filtre et un récipient, un amas intégré de matière à l'échelle macroscopique et microscopique, et une substance vivante qui ne peut être comprise si elle n'est pas considérée dans son ensemble.»Sa forme finale contient tellement d'acteurs et de relations symbiotiques qu'elle constitue, selon les termes du spécialiste des sols Nyle Brady, la « genèse d'un organisme naturel distinct des apports des parents dont il est issu »
« Nourris le sol, pas la plante » était le premier commandement de la culture biologique. Je devais nourrir le sol, car il était vivant. Azote, phosphore, potassium - NPK - est la triple déesse des jardiniers, la troïka des éléments qui gouvernent la croissance des plantes. De quoi se nourrissaient le sol et les plantes et où pourrai-je me procurer ces substances ? Je ne connaissais pas l'expression « circuit fermé » mais c'est ce que je recherchais. L'azote était le plus important. Il existe des plantes qui fixent l'azote. N'était-ce pas suffisant pour mon jardin ? N'était-ce pas possible ? Quémandais-je. Mais je quémandais auprès de millions de créatures qui s'étaient organisées en un système d'interdépendance il y a des millions d'années. Elles n'avaient que faire de mon angoisse éthique. Aucune plante capable de fixer l'azote n'était capable de fournir les quantités de nutriments dont j'avais besoin. Le sol avait besoin de fumier. Pire, il voulait l'inconcevable : du sang et des os.
Il y avait d'autres sources d'azote que j'aurais pu utiliser. Actuellement, les énergies fossiles fournissent l'azote qui permet de faire pousser les cultures de la planète entière. Ce sont les engrais de synthèse qui ont permis de créer la révolution verte, avec son augmentation des récoltes de 250 %. Au-delà du fait que rien de ce qui provient des énergies fossiles n'est durable - on ne peut cultiver les carburants fossiles et il ne se reproduit pas - à terme les engrais de synthèse détruisent le sol.
L'azote synthétique était donc éliminé. Ce qui m'a obligé à considérer les produits animaux. Bien entendu, l'ironie est que les deux sources d'azote - qu'elle soit synthétique ou biologique, proviennent des animaux. Le pétrole et le gaz sont les restes des dinosaures. Donc mon choix - notre choix, en fait - se limitait à l'azote provenant de reptiles morts ou de ruminants vivants.
Mon jardin voulait manger des animaux même si je n'en voulais pas. Je suis donc arrivé à un nouveau croisement sur mon pèlerinage. Je pouvais acheter une boîte de NPK concentré, bien équilibré et biologique, ou je pouvais lier amitié avec un éleveur de vaches laitières. La boîte était tentante, car je pouvais mentir. Non pas vraiment mentir. Je ne pouvais pas ignorer ce que je savais déjà. Je pouvais refuser l'information. Car je savais déjà ce qu'il y avait dans la boîte. La liste des ingrédients portait une lueur d'espoir comme tous les fruits de la connaissance. J'étais Ève et c'était ma pomme, et quel serait le coût de croquer dedans ? Le coût littéral auquel je faisais finalement face, la dernière étape du cycle minéral ? Le coût émotionnel de ma quête spirituelle, mes passions politiques, mon identité ? Et pourquoi s'agit-il toujours de manger ?
J'ai croqué. J'ai lu l'étiquette. Farine de sang, farine d'os, animaux morts, séchés et broyés. J'ai laissé la boîte et j'ai récupéré du fumier. Les amis d'un ami, une grange désormais débarrassée de ses chèvres, mais remplie de fumier. Il s'est avéré que je connaissais la femme qui possédait ces chèvres et c'était quelqu'un de respectable. Ses animaux ont dû être bien traités, choyés même. Je sortais avec quelqu'un doté d'un dos solide et propriétaire d'un pick-up. Le fumier est arrivé et mon jardin a explosé. Les plants de tomates ont couvert leurs treilles et puis leurs bacs, et puis ils se sont répandus dans l'allée. À travers la fenêtre à l'arrière de ma maison j'avais l'impression de voir Le sixième continent [film se déroulant sur une île luxuriante peuplée de dinosaures - NdT]. J'ai nourri trois foyers avec ce que j'ai produit et encore certaines laitues pourrirent avant d'être ramassées.
Et je restais sur ma faim tout en étant nourri. Ce n'était pas une faim provoquée par l'anticipation, l'odeur d'un repas qui plane devant la porte d'entrée, le regard de l'être aimé et désirant croisé dans une pièce bondée. C'était une faim qui vous ronge sans aucune chance de rémission. Je finalisais désormais la boucle dans mon jardin, mais mon système éthique était en train de tomber en morceaux.
Des années plus tard j'eus une conversation avec un jeune et fervent végétalien. « Ils prennent des morceaux de poulets morts et les jettent dans les champs ». Sa voix tremblait. Il pensait que je sympathiserais, que quiconque suivant la même ligne politique que moi serait immédiatement choqué. Son régime écologiquement pur, non violent, basé sur la consommation de végétaux était menacé par les forces du mal, de la mort.
« Les plantes aussi doivent se nourrir, » essayais-je d'expliquer. Elles ont besoin d'azote, elles ont besoin de minéraux. Il faut que tu remplaces ce que tu prélèves. Tu as le choix entre les combustibles fossiles ou les produits animaux. »
« Mais-mais- » désormais tout son corps tremblait en plus de sa voix. Je sais ce qu'il voulait dire. Ce n'est pas vrai. Cela ne peut être vrai. Il existe une voie qui nous libère de la mort et je l'ai trouvée.
« Non » est le seul mot qu'il trouva. Et puis il s'est éloigné. Combien de fois me suis-je éloignée ? Encore et encore et encore. Mais je ne pouvais tourner le dos à mon jardin, à ma tentative de ne pas être un parasite de la planète. Alors, tandis que je bouclais le cycle des nutriments, les informations cumulées afin d'achever cette tâche ne me menaient nulle part. Je pouvais jouer à un cache-cache intellectuel avec le fumier de chèvre - il était déjà là, empilé dans la grange, pourquoi ne pas l'utiliser, je n'étais pas celle qui oppressait les animaux pour leur viande ou leur lait - mais j'avais plus de mal à ignorer le P et le K du NPP.
Généralement, le phosphore est disponible en très petites quantités. « Au coude à coude avec l'eau potable » écrit Bill Mollison, « le phosphore définira l'une des limites inexorables à la taille de la population mondiale ». On le trouve dans les roches sédimentaires. Je ne mettais pas les cailloux dans la même catégorie que les animaux : cela ne me gênait pas de les utiliser. Le problème était de se les procurer. Il fallait les sortir d'une carrière ou d'une mine puis les transporter.
Sans de grandes quantités d'énergies fossiles comment était-ce possible ? Et que se passera-t-il lorsque ses réserves seront épuisées ? J'étais de retour face au même rayon du magasin de jardinage. Je pouvais acheter du phosphate minéral, prendre cette décision par qu'il était « bio », je faisais ainsi le bien, un geste écolo et pouvait ne plus y penser. Mais n'existait-il pas une source renouvelable sur laquelle je pouvais mettre la main ? J'ai posé la question et je n'ai pas aimé la réponse.
« Les farines d'os issus d'animaux terrestres sont une source traditionnelle, et la plupart des fermes (jusqu'en 1940) élevaient leur colonie de pigeon à cet effet. » Ou je pouvais théoriquement tirer des phosphates des « oiseaux de mer et des saumons [qui] tentent de recycler le phosphate et de nous l'offrir, mais nous avons tendance à réduire leur population en bloquant l'accès à leurs zones de reproduction. J'habitais à 150 km de l'océan, mais à peine à deux kilomètres de la Connecticut River, une des zones d'habitat les plus méridionales pour le saumon de l'Atlantique, mais il n'y avait plus de poissons migrateurs dans cette rivière depuis près de deux cents ans, lorsqu'on y avait construit un barrage pour alimenter les moulins.
Et puis il y avait le K, le potassium, disponible dans les cendres, les os, l'urine, le fumier et certaines cultures intercalaires. Je pouvais prétendre que j'avais trouvé un fournisseur de cendres - dans l'Ouest du Massachusetts, les poêles à bois sont aussi répandus que les érables - et lancer quelques cultures intercalaires, mais je crois qu'au moment d'aborder la lettre K j'étais déjà trop épuisé intellectuellement pour prendre la peine. Ma nourriture devait manger avant que je la mange.
Je découvrais des données plus détaillées, toutes pointues et dérangeantes, concernant la culture des fruits. Je n'avais pas encore d'arbres fruitiers, mais ils faisaient partie de la ferme de mes rêves qui m'attendait dans un avenir enveloppé de brumes vaporeuses. Le calcium est toujours un facteur limitatif pour les sols. Quand il n'y a plus de calcium, la croissance s'arrête. Et une nouvelle fois, le calcium provient de... Vais-je terminer la phrase avec une boîte bio venant du magasin de jardinage, remplie d'énergie animale et de poussière d'abattoirs ? Ou allais-je apprendre les techniques de mes grands-parents et nourrir les arbres avec les os des animaux alentours ? Ne trouverai-je aucun réconfort dans ces informations ? J'ai trouvé un léger réconfort dans The Apple Grower de Michael Phillips. Il y cite un livre datant de 1871 et intitulé The Apple Culturist, qui rapporte l'histoire d'un pommier près des tombes de Roger Williams, fondateur du Rhode Island, et de sa femme Mary Sayle. On découvrit que les racines de l'arbre avaient pénétré dans les tombes et avaient pris la forme de squelettes humains tandis que « les tombes [furent] vidées de toutes les particules de poussière humaine qu'elles contenaient. Il n'en restait pas une seule. »
Cette histoire me plut, car l'arbre mangeait des êtres humains. L'histoire habituelle de l'homme chasseur me répugnait, avec son déterminisme biologique, son culte de la domination, de la violence, du viol, de la mort. Le mythe se termine toujours avec l'homme au sommet : au-dessus des animaux, des femmes, de la chaîne alimentaire, de la planète entière. C'est peut-être une réalité politique, mais elle porte un nom - patriarchie - et elle a une solution - la résistance organisée. Je rejetai l'assertion selon laquelle la hiérarchie était inévitable, que le Cosmos avait choisi l'homme comme son chef de file et que les hommes devaient être des hommes. Et je me plais à croire que même si j'avais été un homme j'aurai rejeté cette propagande tout aussi fermement, quoique j'ai conscience que le privilège du pouvoir amoindrit cette possibilité.
Même les gens qui devraient être plus avisés croient au mythe de l'homme au sommet de la pyramide. À l'occasion d'une sympathique rencontre pour célébrer notre planète, une ligne de danseurs en costumes était censée représenter la chaîne alimentaire, commençant par les plantes et finissant avec les humains. Mais elle ne se termine pas avec nous, insistai-je sans fin auprès de ceux qui écoutaient, c'est-à-dire mes compagnons qui étaient fatigués de m'entendre dire les mêmes choses. Quid des charognards, des coyotes, des vautours ? Quid des insectes, des asticots, des bactéries ? Nous ne sommes pas à la fin de la ligne parce que ce n'est pas une ligne. C'est un cercle, et s'il se termine quelque part, c'est là où les dégradeurs nourrissent les producteurs. Nous sommes un excellent repas.
Mais je ne pouvais écouter ce pommier, me disant très lentement avec ses racines en forme de squelette : tu es exactement ce que ma faim désire. Nos os animaux, notre sang humain, notre place est également ici, si nous acceptons notre place. Nous sommes mangés de même que nous mangeons, de la matière brute pour un festin sans fin. S'il y a un réconfort c'est celui-là : nous ne sommes pas au-dessus, juste un être parmi d'autres, constitué de carbone, et qui un jour disparaîtra.
J'aimerais pouvoir revenir dix ans en arrière et me dire : le jour viendra où tu auras des pigeons, et tu répandras leurs réjections et tu enterreras leur carcasse parmi les arbres à baie et les pommiers. Et alors tu pleureras lorsque tu feras cela, pas parce que c'est triste, mais parce que c'est sacré. Mais je devais accepter la mort avant de pouvoir prendre ma place.
La nature est bien faite. Tu as bouclé la boucle, et cela va t'ouvrir le cœur. Tu auras aussi des poulets, et des canards, des oies et des cobayes. Ils mangeront les insectes. Tu mangeras les fruits, les œufs, et la viande. Ils t'accepteront - ils viendront à toi pour que tu leur procures aide et affection - et tu les aimeras. Et chacun d'entre vous mangera, oiseaux, baies, humains, sols, et sera mangé. Comme répandre les cendres dans l'air est illégal, ce sera dans ton testament : répandez mes cendres quand mon tour sera venu, qu'elles nourrissent les baies et les pommes.
Est-ce que cela m'aurait aidée d'entendre ces mots, ou est-ce que l'horreur d'entendre ce que j'allais devenir - un mangeur de viande, un meurtrier - me ferait abandonner le long et difficile chemin qui mène à la grâce ? Je veux me dire : tu mangeras des fraises si succulentes, que chacune d'entre elles sera une épiphanie, chaque bouchée sera une communion, bien au-delà du pardon et de la rédemption. Chaque saveur te fera te sentir à la maison. C'est le seul fruit qui mérite d'être mangé, aussi doux qu'acidulé, rempli de vie née de la mort, qui fleurit et mûrit pendant sa saison.
Ce qui nous ramène à nos pommes. L'arbre fruitier me donne ma nourriture et je rends les graines à la nature afin que d'autres arbres puissent pousser. La dernière fois que j'ai mangé une pomme j'ai compté. Il y avait 10 pépins. Oublions un instant le fait qu'ils ne donneront pas de pommes comestibles : même si le fruitarien disposait d'un très grand jardin, ça fait longtemps qu'il l'aurait complètement rempli de pommiers. Il ne disait pas cela littéralement. Il ne le pouvait pas. Mais je ne cesse de revenir à cette phrase, car il y a en elle quelque chose d'important aux yeux de son auteur et à mes yeux : une relation faite de réciprocité et de respect. L'auteur aspire manifestement à un mode d'alimentation - à une vie - basée sur la réciprocité et pas sur l'exploitation, et il estime que les plantes sont des partenaires, des participants. Les ayant intégrées dans le « nous » des organismes sentients et actifs, il ne peut faire que prendre. Il a besoin de savoir qu'il donne quelque chose en retour, une partie du cycle d'échanges, plus qu'un prélèvement unilatéral qu'il assimile à la mort. Cette phrase porte l'un des élans salutaires dans le mythe végétarien : la tentative de retirer l'Homme du sommet de la pyramide destructrice et le placer à sa juste place, partie intégrante du cercle.
Mais cette phrase reflète aussi l'ignorance de son auteur. Il ne sait pas que les pommes mangent, il ne sait pas qu'elles mangent des animaux, y compris nous. Elles ont besoin de nos excréments - l'azote, les minéraux, les microbes - et de notre chair et de nos os. Il existe une relation réciproque entre les animaux et les plantes : prédateur et proie, jusqu'à ce que le prédateur devienne proie. Seule notre tentative de sortir de ce cycle le détruit.
Son ignorance va plus loin. Il ne sait pas que les graines sont vivantes. Ou il ne s'autorise pas à le savoir. Étant donné que le meurtre est sacrilège dans ce code moral, il ne peut reconnaître que dans les faits il mange quelque chose de vivant. Tout cela, bien qu'il considère les plantes comme des êtres méritant son respect.
Et son ignorance se termine avec une compréhension erronée de la nature des pommiers. Il existe une relation réciproque dans l'échange humain-pomme, mais cela ne signifie pas que l'homme plante la graine. Cela concerne les greffes réalisées par les hommes, les plantations, l'entretien des arbres et l'extension de leur territoire. C'est à propos des pommes qui nous tentent, avec leur goût sucré, afin que nous travaillions pour elles. C'est un processus co-évolutionnaire, et on l'appelle domestication.
La domestication n'est pas un concept aisément compris par les gens qui prétendent s'y opposer. Pour moi la domestication signifiait mettre les animaux et les plantes sous le contrôle des humains et cette idée m'était effroyable, elle me faisait directement penser aux poules tourmentées dans des cages avec batteries et aux primates brutalisés au cours d'expériences impliquant des traumatismes crâniens. Bien évidemment, mon régime était constitué d'aliments domestiqués, à l'exception près d'une ou deux rations de crosses de fougères au printemps, mais c'était des plantes, par conséquent je n'y pensais même pas. C'était les animaux que je voulais sauver de l'exploitation humaine et dans l'esprit des végétaliens l'exploitation commence par la domestication.
Je me souviens du moment exact où cette définition a volé en morceau. Il était exactement 6 heures un matin de janvier, et la température était bien au-dessous de zéro. Il me fallait transporter 2 litres d'eau chaude en marchant dans 90 cm d'une neige lisse comme la glace afin que mes poulets aient quelque chose à boire. De l'eau avait coulé dans le montant de la porte au cours de la journée précédente qui avait été chaude, elle avait gelé dans la nuit bloquant ainsi la porte. Passons sur tout le temps passé avec les tournevis, les couteaux à beurre, et les allumettes pour débloquer la porte. Quelque part entre le moment où je me suis brûlé la paume des mains et celui où un morceau de neige fondante m'est tombé dans la nuque, j'ai pensé : ça fait des années que je me trompe. Je ne les exploite pas. Ils sont contents, en sécurité, au chaud et nourris. Je suis celle qui est misérable. Les poulets ne marcheront jamais dans la neige, encore moins pour m'apporter des vivres. Cette coulée humide longeant ma colonne vertébrale fut comme un uppercut adressé par la réalité. Les humains travaillent pour les poulets. En échange ils s'occupent de nous, mais pas en nous apportant de l'eau. En nous procurant de la nourriture - de la viande et des œufs - et toute une variété de choses utiles à la ferme. C'est un partenariat, qui a très bien fonctionné jusqu'à l'apparition de l'élevage industriel. Les souches de volaille sauvages ont parié sur les humains et ce fut un pari gagnant. Nous avons transporté les poulets aux quatre coins de la planète, élargissant leur territoire au-delà des rêves les plus fous d'une poule sauvage en train de couver dans la jungle, prête et déterminée à tout donner à ses œufs.
C'est l'idée centrale du merveilleux livre écrit par Michael Pollan The Botany of Desire: A Plant's-Eye View of the World.
On pense automatiquement que la domestication est quelque chose que nous faisons subir aux autres espèces, mais il est tout aussi sensé de considérer que c'est ce que nous ont fait certaines plantes et certains animaux, une stratégie d'évolution intelligente qui permet de servir leurs propres intérêts. Les espèces qui ont passé les dix milles dernières années à trouver la meilleure manière de nous nourrir, soigner, habiller, intoxiquer, et nous délecter sont devenues certaines des plus grandes success-stories de la nature.
Un exemple ? Il cite les 50 millions de chiens qui se trouvent aux États-Unis en contraste des 10 mille derniers loups. Les canidés sauvages ont trouvé une meilleure vie aux côtés des humains. Pour commencer, ils disposaient de plus de reste de viande. Et plus les canidés aidaient les humains, plus ils pistaient, chassaient et tuaient des proies avec nous, plus il y avait à manger.
Il y a deux millions d'espèces animales répertoriées sur Terre, et une quantité innombrable n'est toujours pas répertoriée. Seulement quarante d'entre elles ont leur avenir lié au nôtre. Nous les avons modifiées - demandées d'être plus grosses, plus petites, plus rapides, plus dociles - et elles nous ont changés. La moitié des êtres humains ont désormais le gène de tolérance au lactose, c'est le résultat biologique de l'expérience que les bovins ont menée sur nous. Et notre mode de vie a complètement changé, de chasseurs-cueilleurs à horticulteurs ou agriculteurs sédentaires. Tout cela, car nous aimions ce que certains animaux et plantes nous offraient.
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La façon de se nourrir est une affaire très personnelle, la même ne convenant sûrement pas à tout le monde pour diverses raisons difficiles à cerner, et il faut reconnaître que nos connaissances en matière de fonctionnement de l’organisme sont loin d’être parfaites. Qui sait vraiment si, dans de bonnes conditions, des micro-organismes intestinaux ne fabriquent pas tout ce dont le corps a besoin ? Le Dr Francis Lefébure a écrit dans l’un de ses livres sur le Phosphénisme que l’homme en bonne santé synthétise de la vitamine C dans son foie.
Malgré le manque de protéines animales, le régime végétarien n’empêche pas certains d’avoir des capacités physiques hors du commun. Il existe quantité d’athlètes de haut niveau végétariens et même végétaliens. Le cas connu le plus extraordinaire étant sans doute Jannie Longo, qui est végétarienne et évite tout produit chimique (dans la lessive, par exemple), car cela l’affecte profondément. Elle serait végétalienne si elle ne mangeait pas du fromage fait avec le lait de ses chèvres en plus de fruits et légumes.
Pour ma part, je suis végétalien depuis mars 1990. La raison « officielle » fut la maladie de la vache folle, renforcée par des articles de plus en plus fréquents dénonçant des trafics immondes sur la viande (l’odeur infecte dans les grandes surfaces, que personne ne semble sentir, de la viande recyclée après lavage avec des détergents, les rats servis en guise de canards dans certains restaurants asiatiques, un fait relevé dans les années 80...), et le passage à l’acte fut déclenchée par la découverte d’un livre fort convaincant sur la science de l’alimentation de l’hygiéniste Albert Mosséri. Je connaissais depuis longtemps l’œuvre des professeurs Antoine Béchamp et Wilhelm Reich et, ayant lu les livres traduits en français du Dr Herbert Shelton, j’étais sensibilisé au mode de vie hygiéniste et pensais depuis des lustres que la médecine occidentale est une imposture mercantile justifiée secrètement par une idéologie eugéniste. Quand j’ai fait le service militaire, 7 hommes sur 500 sont morts dans mon contingent après la première piqûre TABDT. J’ai été moi aussi très malade et, devant mon appréhension lors du rappel, le sergent infirmier a fait semblant de me piquer sous les yeux du capitaine médecin qui n’a rien dit, bien qu’il me regardait comme s’il savait. Depuis cette époque, j’ai évité tout vaccin et piqûre.
Il y a quelques années, vers 2005, j’ai rajouté du fromage à mon régime. Insensiblement le genou et la hanche de la jambe gauche ont commencé à me faire souffrir. Il faut dire que cette jambe avait été gravement abîmée lors d’un accident en 1965. Au bout d’environ 4 ans de régime végétarien avec fromage, je suis entré dans une période terrible. Je marchais de plus en plus difficilement et une sciatique m’interdisait toute posture de repos la nuit.
Jusque-là, ma santé et mon physique avaient été parfaits. Parfois, mais en été seulement, j’attrapais un gros rhume à cause des pâtisseries mangées en famille pendant les vacances. Il faut dire que, la dernière fois que j’ai consulté un médecin était en 1983, après un urticaire géant dû à des merguez avariées achetées dans une grande surface. J’avais d’ailleurs jeté les médicaments prescrits après avoir hésité à les acheter, et me suis rétabli tout seul en cinq ou six jours de repos.
Les douleurs à ma jambe gauche m’ont fait déduire que je faisais une chose qui n’allait pas. C’est une plaque d’eczéma sur la face interne du genou gauche qui m’a fait comprendre que je mangeais quelque chose ne me convenant pas. La seule chose vraisemblable étant le fromage, j’ai cessé immédiatement d’en manger. Le mal à la jambe a commencé à s’estomper sensiblement en quelques jours, comme par miracle. Aujourd’hui, avec mon régime végétalien, je puis marcher normalement, sans faire d’exploit, évidemment, pour ne pas boiter, et je ne souffre plus du tout de la jambe gauche.
Malgré cette expérience, anecdotique puisque personnelle, peut-être que ce genre de régime ne convient pas à tout le monde. J’ai connu une jeune femme qui a commencé à perdre ses cheveux après l’avoir adopté volontairement.
Mais chacun a sa propre expérience. Dans ma petite enfance, un événement traumatique monstrueux m’a donné de la compassion pour les animaux. Je m’en souviens maintenant. Cela a fait que je souffrais quand des gamins chassaient des lézard ou seulement couraient après les poulets... Je me revois à huit ans, debout devant l’étal des bouchers, saisi d’horreur à la vue de la viande et à l’odeur du sang. À table, on me forçait à manger de la viande et on critiquait ma gourmandise quand je mangeais des oranges. Tout cela est authentique. Alors, je suis rentré dans les rangs, et j’ai arrêté de manger de la viande le moment venu, dès qu’un prétexte s’est présenté.
J’avais évoqué cette histoire avec des détails complémentaires dans le commentaire qui suit cet article :
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