Commentaire : Quand il s'agit de l'environnement, on nous dégaine du discours moralisateur ; on nous balance de la « planète à sauver » et de « la prise de conscience » à conscientiser. On nous pond des solutions qui vont demander du « sacrifice », de l' « agir pour la planète » ; on nous dit qu'il faut penser « modèle de consommation » . On nous dit que nous avons mangé notre pain blanc, et que maintenant, il faut « raisonner durable » car le spectre de l'extinction se ballade dans le coin. On nous dit qu'on ne peut plus faire ce que l'on veut, et que pour « sauver la Terre », il nous faudra en passer par les lois.

Un fatras d'inepties proférées par les dirigeants d'un système qui a promu et encouragé, pendant des décennies, ce contre quoi il faudrait se battre aujourd'hui. Un système qui nous dit que nous sommes tous fautifs, et qu'il faut payer les conséquences de « nos mauvaises actions ». Mais est-ce le reflet de la réalité ? Rien n'est moins sûr. L'humanité invente certes les instruments de sa propre destruction, mais à y regarder de plus prés, on constate que les responsabilités sont loin d'être uniformément réparties. Les problèmes de nos sociétés actuelles sont invariablement engendrés par les personnes détentrices d'un pouvoir et d'une autorité.

Nous avons un problème avec l'environnement ? Nous avons alors un problème en amont de celui-ci, autrement plus important, avec les personnes qui ont permis que tout ceci arrive, et qui permettent que tout ceci continue. Avec les politiciens, les hommes d'affaire et les scientifiques à l'esprit dégradé qui ont donc, à leur image, dégradé notre environnement par l'utilisation et la propagation sans conscience d'une technologie qui modifie la nature jusqu'à la rendre invivable. Si nous pouvions prendre réellement conscience que les comportements maladifs des décideurs engendrent inévitablement des situations anormales, nous nous sauverions nous-même de nous-même en quelque sorte, et bien des problèmes actuels seraient résolus.


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L'être humain a-t-il poussé la planète dans une nouvelle ère, l'« anthropocène » ? En avril, les géologues devront se prononcer. Mais l'étude de strates ne dit pas tout. Un faisceau d'indices plaide déjà contre nous.

Cela faisait onze mille sept-cents ans que ça n'était pas arrivé. La fin d'une ère. La dernière fois, la planète voyait s'achever l'époque glaciaire et l'homme, pourtant déjà présent sur Terre depuis près de sept millions d'années, n'avait pas grand-chose à voir dans l'affaire.

En avril prochain, un nouveau changement de ce type, global et rarissime, pourrait être acté. La Commission internationale de stratigraphie (ICS), l'organisme fixant les grands standards de la géologie, doit se prononcer. A cette occasion, la Terre pourrait quitter officiellement l'holocène pour entrer dans l'anthropocène. Cette fois, l'être humain est la force motrice.

La bascule n'est pas seulement sémantique. En adoptant ce terme d'« anthropocène », les chercheurs reconnaîtraient que l'espèce humaine, par son activité, est devenue une force géologique majeure. Ils constateraient officiellement que l'homme a inscrit la trace de son passage dans les strates de glace et de sédiments. En attendant que le panel international de géologues se prononce, le dossier s'alourdit. La dernière revue d'études, coordonnée par Colin Waters et publiée le 8 janvier dans Science, conclut que cette nouvelle époque existe et qu'elle « a débuté quelque part au milieu du XXe siècle ». Si elle allait dans cette même direction, la décision de l'ICS ne ferait qu'inscrire dans le marbre un bouleversement amplement reconnu. « L'idée de l'anthropocène dépasse la géologie, résume Dominique Bourg, philosophe et professeur à la faculté des géosciences et de l'environnement de l'université de Lausanne. Son acceptation culturelle et scientifique est déjà largement acquise. » Et pour cause, les signes témoignant de notre empreinte indélébile fourmillent. En voici un échantillon.

1 - Un kilo de béton par mètre carré

Héritage des Romains, le béton n'est devenu le premier matériau de construction qu'au cours du siècle dernier. Sa propagation fut alors fulgurante : la moitié des volumes existants dans le monde date de ces vingt dernières années. En un rien de temps, l'hyperactivité des bétonnières nous en a laissé 50 milliards de tonnes sur les bras. Autrement dit, si l'on voulait répartir le béton existant sur toute la surface de la planète - océans et calottes glaciaires inclus - , on pourrait en déposer un kilo par mètre carré. « On peut aussi imaginer l'empreinte que laisseront des villes comme Mexico et Pékin dans des milliers d'années », renchérit Dominique Bourg. Pour compléter le tableau, il faut ajouter les 500 millions de tonnes d'aluminium à ce jour produites et la quantité presque équivalente de plastique fabriquée... chaque année.


2 - Notre héritage ? Le « plastiglomérat »

Justement. « Les géologues du futur risquent d'avoir quelques surprises quand ils découvriront ce type de roches », grince Dominique Bourg. Le chercheur fait référence au « plastiglomérat » découvert et nommé ainsi en 2014 par la géologue canadienne Patricia Corcoran. Le nom renvoie à un amas de roches, de débris naturels et de déchets plastiques aussi basiques que des brosses à dents. « Ces plastiglomérats se forment, par exemple, lorsqu'une coulée de lave volcanique traverse une décharge », explique Dominique Bourg. Très localisées, ces roches bariolées « pourraient bien être un marqueur de la période à partir de laquelle les humains en vinrent à dominer le monde et à y abandonner leurs déchets en grande quantité », explique le géophysicien américain Douglas Jerolmak, cité par Futura Sciences.


3 - Une signature aux isotopes nucléaires

Pour marquer son territoire dans la durée, l'être humain n'a pas trouvé mieux que l'arme nucléaire et son déluge d'isotopes carbone-14 et plutonium-239. En 1945, l'essai nucléaire Trinity réalisé au Mexique ouvrait le bal. « Puis, des années 1952 à 1980, les tests d'armes thermonucléaires ont généré un marqueur clair », indique l'article de Science, qui conclut que ces retombées « constituent probablement le signe le plus répandu et synchronisé de l'anthropocène ».


4 - Un sol repu d'engrais, gorgé de nitrates

A trop boire d'engrais, nos sols ont atteint l'écœurement. Du fait de l'usage massif d'intrants, « les stocks de nitrogène et de phosphore dans les sols ont doublé au cours du siècle dernier », apprend-on dans Science. Résultat, on trouve désormais au Groenland « des niveaux de nitrates plus élevés qu'ils ne l'ont jamais été au cours des 100 000 dernières années ».

5 - Le monde sauvage retranché sur un quart des terres

Inexorablement, l'humain gagne du terrain. En trois petits siècles, la surface du globe restée sauvage a diminué de moitié, passant de 50% à 25% de la superficie des terres émergées. En ne s'intéressant qu'aux sols, on constate que l'homme, avec l'ensemble de ses activités - agricoles, minières, forestières, etc. - , en a modifié la moitié dans son propre intérêt.

6 - Un climat détraqué

En 14 000 ans, jamais le thermostat planétaire n'avait autant joué au yoyo qu'il l'a fait pendant le siècle qui vient de s'écouler. Entre 1880 et 2012, la température du globe a connu une augmentation de 0,85°C, concentrée sur les cinquante dernières années. Et le phénomène se poursuit. Si rien n'est fait, l'augmentation de température pourrait atteindre, selon le Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), 4,8°C à la fin du siècle.


Commentaire : Pour le bla-bla du réchauffement climatique :

7 - 90% des écosystèmes sous influence humaine

Conséquence de ces dérèglements globaux, les autres espèces ne sont en paix nulle part. De la forêt amazonienne au corail australien, « 90% des écosystèmes sont sous influence humaine », note Dominique Bourg. Résultat, la biodiversité s'érode à un rythme 100 à 800 fois plus rapide qu'au cours du XIXe siècle et des siècles précédents.

8 - Moitié moins d'animaux sauvages en quarante ans

Pas de changement d'ère sans une bonne extinction de masse. Bingo ! De 1970 à 2010, soit en quarante ans, la moitié des population de mammifères, reptiliens, amphibiens et oiseaux a disparu, selon l'étude Planète vivante du WWF publiée en 2014. Cette fonte des effectifs s'accompagne fatalement de disparition d'espèces. « Si vous regardez la vitesse à laquelle s'éteignent nos mammifères, c'est un rythme compatible avec ce qu'on peut attendre d'une extinction de masse », affirme Elisabeth Kolbert, auteure de La Sixième Extinction, dans le mook de Terra eco.

9 - Une influence qui touche jusqu'à la tectonique des plaques

« En modifiant les grands cycles chimiques, le cycle de l'azote, du carbone, du phosphore, de l'eau, l'homme a même une influence isostatique », reprend Dominique Bourg. En clair, l'être humain est si puissant qu'il perturbe jusqu'à la tectonique des plaques, qui elle-même joue sur l'activité des volcans ou... la hauteur des continents.

10 - Des sous-sols pillés jusqu'à 100 mètres sous nos pieds

« Si on m'avait dit, quand j'avais dix ans, qu'un jour le sable et l'eau allaient venir à manquer », soupire Dominique Bourg, pour qui « la déplétion des ressources » est un autre symptôme de notre impact sur la planète. « On a vidé tout ce qui était métaux jusqu'à 100 mètres de profondeur, explique le chercheur. Pour continuer à extraire les 16 millions de tonnes que l'humanité consomme chaque année, il faudra bientôt creuser jusqu'à 3 kilomètres sous terre et, pour ce faire, brûler la totalité de notre énergie primaire. »

En résumé :

« On ne se contente pas de modifier le système-Terre, on interagit avec lui, conclut le philosophe, qui rappelle que le système-Terre a franchi quatre de ses limites : changement climatique, érosion de la biodiversité, perturbation cycle azote et phosphore, usage des sols. Dans chacun de ces domaines, les seuils à partir desquels on peut s'attendre à des dérèglements d'ampleur ont été dépassés. « On agit, le système-Terre rétroagit, reprend Dominique Bourg. On est entrés dans une époque où le boomerang nous revient dessus. »