Où
Comment les consultants rédigent l'information (extraits du livre L'Industrie du mensonge).
Les publicitaires ont compris depuis longtemps que l'un des moyens les plus efficaces de convaincre le public est de faire passer un message par la voix d'un « spécialiste » unanimement reconnu - chercheur, médecin ou professeur d'université. Le spot publicitaire où apparaît un acteur professionnel vêtu d'une blouse blanche de laboratoire annonçant avec autorité que « la recherche prouve » la supériorité absolue du produit présenté est devenu un genre télévisuel à part entière. Les consultants sont désormais également passés maîtres dans l'art de se faire cautionner par un « expert indépendant » censément impartial - ruse grossière qui, malgré la réputation de méfiance des journalistes, marche pratiquement à tous les coups.
Une agence-conseil offre par exemple un service d'« assistance » en ligne, Profnet, dont le siège se trouve à Stony Brook, à l'université de l'État de New York. Les journalistes en quête d'informations sont invités à envoyer à cette adresse e-mail leurs demandes, relayées à plus de 800 professionnels des relations publiques, appartenant à des instituts de recherche de 16 pays, qui se chargent de trouver des chercheurs susceptibles de fournir des réponses. Inutile de dire que cette information « gratuite » est favorable aux produits et services que ces officines ont pour but de promouvoir [
14]. Les agences de lobbying financent aussi des
« instituts de recherche à but non lucratif » dont les « experts indépendants » roulent bien évidemment pour eux.
Le Conseil américain pour la science et la santé, par exemple, est un groupe-écran utilisé fréquemment par les industriels. Son activité tourne autour de l'agro-alimentaire et de l'industrie chimique. Dirigé par Elizabeth Whelan, il se présente comme un institut scientifique « indépendant » et « objectif ». Cette prétention a été examinée à la loupe, en mars 1990, par un chroniqueur du Washington Post, Howard Kurtz. Dans une enquête menée pour la Columbia Journalism Review, il s'est intéressé de très près aux financements dont bénéficie le Conseil américain pour la science et la santé [
15]. Il se trouve que celui-ci fait volontiers l'éloge de la restauration rapide et que ses financeurs comptent Burger King ; qu'il minimise les liens entre nourriture trop grasse et maladies cardio-vasculaires et encaisse les subsides d'entreprises agro-alimentaires comme Oscar Meyer, Frito Lay et Land O'Lakes ; qu'il prône les vertus de la saccharine et touche des subventions de Coca-Cola, Pepsi, NutraSweet et de l'Association nationale des boissons non alcoolisées ; enfin, qu'Elizabeth Whelan fulmine contre une campagne lancée par un homme d'affaires du Nebraska contre les huiles tropicales trop riches en graisses - contenues en abondance dans le pop-corn - et que des fabricants d'huile de palme financent le Conseil pour la science et la santé. « Il n'y a jamais eu un seul cas de risque sanitaire lié à l'utilisation raisonnable de pesticides agréés dans notre pays », prétend ce très indépendant conseil qui reçoit de l'argent d'une flopée de fabricants de pesticides. Whelan ne mâche pas ses mots à l'égard des écologistes, qu'elle accuse de se laisser aveugler par « l'idéologie » et d'avoir pour seul objectif de « détruire la libre entreprise. [...] Ces gens détestent le seul mot de "profit", et ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour ruiner les entreprises [
16] ».